Gilets jaunes : le coup de bluff de Vinci Autoroutes ?

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Par Maxime Bayce
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Gilets jaunes : demander aux usagers de payer, un casse-tête pour les sociétés autoroutières

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On pensait qu'elle essaierait de se faire discrète tant elle s'est retrouvée, avec les autres sociétés autoroutières, au cœur de la colère des "gilets jaunes". Mais la filiale de Vinci, Vinci autoroutes, le plus important concessionnaire du Sud de la France a annoncé vouloir demander aux automobilistes le remboursement des sommes non-perçues durant le mouvement des gilets jaunes.

A combien s'élève le manque à gagner ? L'entreprise n'a pas encore communiqué sur ce point. Mais pour Vinci, la procédure est complètement légale.

"Nous ne faisons qu'appliquer le code de la route qui stipule que l'acquittement du péage est une obligation et que s'y soustraire est une infraction", a déclaré à l'AFP un porte-parole de Vinci Autoroutes.

Joint par Euronews, Eric de Caumont, avocat spécialisé en droit des automobilistes confirme. "C'est effectivement légal", explique-t-il. "Le fait pour une société de demander le paiement d'un péage, c'est une forme de contrat avec la société gestionnaire (...) On paye le service de circuler sur une voie sécurisée. Est-ce que le fait du gilet jaune réduit le service qu'on vous a fourni ? La réponse est non".

Pour l'avocat, il y aura bien des cas litigieux où des automobilistes argueront que l'usage des voies a été dégradé, mais cela restera minoritaire.

Procédure longue et complexe

Légal certes mais est-ce réalisable ? Pour le conseil, le doute est permis. "Dans la plupart des cas cela concerne des sommes minimes, de l'ordre de 10, 15 ou 20 euros. Pour Vinci, le jeu n'en vaudra pas la chandelle".

Car la procédure pourrait être particulièrement laborieuse. Première étape pour la société, définir le point d'entrée et de sortie d'un véhicule donné et ainsi chiffrer le préjudice. Cela devrait pouvoir être fait grâce aux caméras de surveillances disposées le long des voies, à condition qu'elles n'aient pas été endommagées elles aussi. Problème, selon des experts du ministère des Transports, l'utilisation de ces images "est faite pour rechercher des auteurs d'infraction et non recouvrer des péages".

Deuxième étape pour Vinci, donner un nom au propriétaire du véhicule. "A partir de là, il faudra qu'ils contactent les autorités pour avoir accès au fichier national des cartes grises", développe Eric de Caumont. "Il faut que l'Etat donne son accord pour traiter des milliers de dossiers et c'est loin d'être acquis. (...) L'Etat peut refuser en expliquant que le dossier n'est pas complet ou peut faire traîner les choses".

Une version plausible au regard des réactions des membres du gouvernement suite à la déclaration de Vinci. Son porte-parole, Benjamin Griveaux, a estimé qu'il s'agit d'une demande très "incongrue". "Ça n'est pas une bonne manière de procéder dans la période, j'invite les cadres dirigeants à se rendre sur les ronds-points et à écouter ce que les Français ont dit", a-t-il estimé.

Un moyen de pression sur l'Etat

Enfin, même dans la situation la plus favorable pour Vinci, il leur reste à percevoir la somme. Un autre casse-tête pour l'entreprise puisque l'infraction n'étant pas retenue, il ne peut y avoir de saisie sur compte où d'injonction à payer de la part de l'Etat.

Si le client ne règle pas le montant de son trajet à la réception de la lettre, s'engagera alors une longue procédure; lettres recommandées, huissiers, avant la potentielle saisie d' un juge. "Des procédures très coûteuses et qui ne seront pas intéressantes pour Vinci dans la grande majorités des cas", analyse Eric de Caumont. "Peut-être que cette démarche a pour objectif de lancer un appel au gouvernement. Ils espèrent ainsi négocier une indemnisation avec le gouvernement", conclue-t-il.

Un avis largement partagé par Pierre Chasseray, le délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes. "C'est un jeu de poker menteur pour mieux faire passer la pilule des augmentations. Ils veulent faire pression dans le cadre des négociations en cours avec l'Etat".

La hausse de 1,9% qui devrait être appliquée au 1er février 2019 n'a pas encore été validée. La réunion du Comité des usagers prévue début décembre a ainsi été annulée.

Les concessionnaires autoroutiers pourraient se montrer plus gourmands et demander une hausse plus importante. Une solution improbable tant elle serait politiquement intenable. Les entreprises exploitantes pourraient alors être tentées de renégocier des concessions plus longues. Un arbitrage qui devrait être rendu dans les semaines à venir. Dès mardi, les sociétés autoroutières ont rencontré la ministre des Transports, Elisabeth Borne.

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