Lutte contre les méga-bassines, dénonciation de la pollution de l'eau, répression au moyen de canons à eau... Le Pacific Institute révèle que l'eau est un sujet à l'origine de nombreux cas de violence.
En 2010, une résolution des Nations unies a explicitement reconnu le droit humain essentiel à l'eau et à l'assainissement. Depuis lors, il est de plus en plus admis que les conditions météorologiques extrêmes - notamment les sécheresses et les inondations - mettent encore plus à rude épreuve les systèmes d'approvisionnement en eau dans le monde entier.
Une nouvelle étude réalisée par le Pacific Institute révèle que l'eau, ressource vitale qui se raréfie, est un sujet au cœur de nombreux évènements associables à des violences.
Augmentation des violences liée à l'eau
Selon le Pacific Insitute, les violences liées à l'eau auraient considérablement augmenté en 2023, avec 150 % de cas en plus, enregistrés par rapport à 2022, soit 347 contre 231.
La comparaison est d'autant plus frappante si l'on se réfère aux données de l'année 2000, seuls 22 incidents de ce type avaient été enregistrés.
Le changement climatique, les guerres et la croissance démographique, à l'origine de conflits liés à l'eau
Le docteur Peter Gleick, cofondateur du Pacific Institute explique que l'augmentation significative de la violence liée aux ressources en eau reflète les conflits persistants sur le contrôle et l'accès à des ressources en eau rares.
Selon lui, ces conflits sont liés à "l'importance de l'eau pour la société moderne, les pressions croissantes sur l'eau dues à la croissance démographique et au changement climatique extrême, et les attaques continues contre les systèmes d'eau là où la guerre et la violence sont répandues, en particulier au Moyen-Orient et en Ukraine"
Le Moyen-Orient, l''Asie du Sud et l'Afrique subsaharienne sont particulièrement concernés par les conflits liés à l'eau. Mais bien que l'Europe soit l'une des régions les moins touchées le conflit entre la Russie et l'Ukraine a engendré une augmentation incidents violents liés à l'eau.
Fin janvier 2023, la ville d'Odessa, en Ukraine, a été temporairement privée d'eau à la suite d'attaques russes généralisées contre les réseaux urbains d'énergie et d'eau.
La Russie a également attaqué la centrale hydroélectrique de Dnipro, près de Zaporizhzhia, en Ukraine, en février 2023, et les dirigeants ukrainiens affirment que le barrage de Kakhovka, sur la rivière Dnipro, a été détruit par leur ennemi le 6 juin 2023, ce que la Russie nie toujours.
L'Europe occidentale a également connu quelques incidents liés à l'eau.
Fin mars 2023, en France, 200 manifestants et 50 policiers ont été blessés lors d'une manifestation à Sainte-Soline, dans l'ouest du pays.
Les manifestants demandaient aux autorités d'arrêter la construction de "bassins" d'eau géants destinés à l'irrigation des cultures. Ils ont lancé des projectiles, y compris des explosifs improvisés, sur la police, qui a alors choisi de répondre par des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des balles en caoutchouc.
Un accès inéquitable
Selon Morgan Shimabuku, chercheur au Pacific Institute, la forte augmentation de ces événements souligne un accès inéquitable à une eau saine en quantité suffisante et met en évidence les ravages que la guerre et la violence provoquent sur les populations civiles et les infrastructures hydriques essentielles. "Les données et analyses récemment mises à jour révèlent le risque croissant que le changement climatique ajoute à des situations politiques déjà fragiles en rendant l'accès à l'eau potable moins fiable dans les zones de conflit à travers le monde."
Des politiques de l'eau plus résilientes
Le Pacific Institute a identifié des stratégies pour réduire les risques de survenue de ces violences.
Peter Gleick et son équipe estiment que l'augmentation des conflits liés à l'eau a des causes et des moteurs divers. En d'autres termes, la résolution du problème nécessite un large éventail d'approches et de stratégies visant à renforcer la résilience à l'égard de l'eau et à s'attaquer de front aux causes sous-jacentes.
"Il est urgent que nous travaillions à réduire la menace de la violence liée à l'eau. Les meilleurs moyens d'y parvenir sont d'adopter des politiques de l'eau plus résilientes et plus efficaces qui garantissent l'accès de tous à l'eau potable et à l'assainissement, de renforcer et d'appliquer les accords internationaux et les lois sur les ressources en eau partagées, et de s'attaquer aux menaces croissantes que représentent les sécheresses et les inondations extrêmes aggravées par le changement climatique", explique Peter Gleick
Dans les endroits où la sécheresse et le changement climatique contribuent aux tensions liées à l'eau, l'Institut suggère de mettre en place des politiques visant à distribuer et à partager l'eau de manière plus équitable entre les parties prenantes.
Il suggère également d'utiliser la technologie pour identifier plus efficacement l'eau disponible à utiliser.
L'application des lois internationales de la guerre permettrait de protéger les infrastructures civiles telles que les barrages, les pipelines et les usines de traitement de l'eau est essentielle, selon l'Institut.