Samedi, le duel contre les Etats-Unis aura un goût particulier pour Amandine Henry: la capitaine des Bleues a joué un an et demi à Portland où elle a découvert l'incroyable engouement que suscite le football féminin et une autre manière d'appréhender la pression.
Lors de ce choc amical France-USA, la milieu de terrain va retrouver dans l'équipe d'en face certaines anciennes coéquipières comme Lindsey Horan ou Tobin Heath, "ses amies" depuis son passage chez les Portland Thorns de mars 2016 à octobre 2017 et leur victoire en finale du championnat contre North Carolina Courage.
De son aventure américaine, "Mandy" Henry, comme on l'appelait là-bas, retient notamment l'impressionnante ferveur dans les stades: "Sur le public, on a encore du travail (en France). A Portland, qui est un gros club, on jouait devant 18.000 spectateurs à chaque match… C'est sûr que ça me manque", reconnaît la Lyonnaise auprès de l'AFP, alors que le championnat de France attire en général quelques centaines de fans par match, et qu'un choc de la saison comme PSG-OL rassemble 8.000 supporters.
Henry a aussi découvert dans l'Oregon un "management complètement différent. Là-bas, ils s'en fichent de la façon dont on se prépare, le plus important c'est sur le terrain. C'est un management complètement ouvert, tandis qu'en France, on aime bien contrôler ce que la joueuse mange, à quelle heure elle dort...", souligne la joueuse de 29 ans.
- "Décompresser mentalement" -
"Par exemple, quand on partait en mise au vert, on pouvait aller se faire des restos, sortir de l'hôtel. C'était libre en fait. Ca permet de décompresser mentalement", explique-t-elle.
De la décontraction en dehors des terrains, mais un véritable défi physique pendant les matches, beaucoup plus disputés qu'en France où l'Olympique lyonnais et le PSG survolent les débats. "Ici, je suis plutôt dans la moyenne haute physiquement. Là-bas, j'ai un peu galéré parce qu'au niveau gabarit, elles sont quand même plus athlétiques. Après, il y a l'intensité des matches, chaque week-end, on ne savait pas si on allait gagner, on ne pouvait pas se reposer. Il y avait tout le temps beaucoup d'enjeu", se souvient-elle.
Henry n'est pas la première Française à découvrir l'Eldorado américain, sa kyrielle de stars internationales et son système universitaire performant qui permet à de nombreuses jeunes footballeuses d'émerger. Dès 2002, la pionnière du football féminin français Marinette Pichon montrait la voie à Philadelphie, un "bouleversement, un grand saut dans l'inconnu", se remémore-t-elle, interrogée par l'AFP.
Suivront d'autres Bleues: Stéphanie Mugneret-Béghé (Boston Breakers, 2003-2004), Sonia Bompastor (Washington Freedom, 2009-2010) ou Camille Abily (Los Angeles Sol, 2009-2010).
- "Se poser moins de questions" -
"Aux US, ils sont peut-être un peu moins fort tactiquement ou techniquement, mais il y a cette puissance et cette force mentale", juge auprès de l'AFP Patrice Lair, l'ancien entraîneur des équipes féminines de Lyon et du PSG. "C'est être capable de se dire que tout est possible, de se poser beaucoup moins de questions qu'en France. Si elles sont allées là-bas, c'est aussi un peu pour ça".
Amandine Henry ne dit pas autre chose en louant la "positive attitude" des Américaines. "On n'est pas tout le temps à se dire +ah ouais il faut faire attention+ mais plutôt +ça va aller, ce sera mieux la prochaine fois+. Avant, j'avais plutôt tendance à tout remettre en question après un mauvais match, tandis que là-bas, j'ai pris du recul".
Une leçon que la capitaine des Bleues pourrait transmettre à sa sélection, alors que l'équipe de France rêve de remporter enfin un premier grand titre lors de "son" Mondial à domicile dans cinq mois, tandis que les Américaines ont déjà gagné trois Coupes du monde.
"On parle de deux cultures différentes", nuance la sélectionneure française, Corinne Diacre. "Est-ce qu'il est nécessaire de copier ce que font les Américains ? En termes de résultat, ce serait bien, c'est ce qu'on souhaite", sourit-elle, "mais il ne faut pas occulter la culture française, on tend vers un peu plus de rigueur. Les filles l'ont bien compris, c'est plutôt bien, ça se ressent sur le terrain".