RDC: retour à Yumbi sur les traces d'un massacre prémédité

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Les assaillants étaient bien organisés": comme ce colonel, des témoins confient à l’AFP que le massacre de centaines de personnes mi-décembre à Yumbi, dans l'ouest de la République démocratique du Congo, relevait plus de la tuerie préméditée que d'une soudaine éruption de violences intercommunautaires, l'explication officielle.

Les 16 et 17 décembre dernier, au moins 535 personnes ont été tuées dans quatre localités sur les rives du Congo à 400 km au nord de Kinshasa, selon le dernier bilan du Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme.

Ces tueries ont provoqué l’exode de 16.000 réfugiés de l’autre côté du fleuve, au Congo-Brazzaville, et le report des élections générales du 30 décembre dans la circonscription de Yumbi.

Officiellement, ce massacre est la conséquence d'un affrontement entre deux communautés, les Batende et les Banunu.

C’est plus précisément un litige autour de l’enterrement d’un chef coutumier Banunu dans la nuit du 14 au 15 décembre qui aurait embrasé une région jusqu’à présent relativement tranquille, selon la version du gouverneur de la province, Gentiny Ngobila, un Batende.

Des témoignages recueillis lors d’un retour sur place fin janvier contredisent cette thèse officielle. Les sources de l'AFP parlent d’une attaque préméditée contre les Banunu, avec le concours des autorités locales et des forces de sécurité.

"Les assaillants étaient bien organisés. Clairement il y avait une organisation qui les commandait", affirme le colonel Olivier Gasita, dépêché de Kinshasa quelques jours après le massacre, le 20 décembre.

"Entre trois et quatre mille hommes ont attaqué la cité de Yumbi", poursuit l'officier, devenu administrateur du territoire (responsable politico-administratif) de Yumbi par intérim.

Comme d'autres enquêtes le révèlent, le colonel parle d'"une attaque en trois colonnes: ça c’est une tactique militaire. Ça se voit qu’il y avait des militaires, déserteurs ou démobilisés, dedans".

Il évoque un "camp d’entrainement" dans le territoire de Yumbi, sans préciser son emplacement.

Des hommes en tenue militaire et armés de fusils d’assaut, formant une ligne d'attaque, ont massacré des Banunu, confirment à l'AFP de nombreux témoignages de rescapés qui se sont réfugiés de l'autre côté du fleuve à Makotimpoko.

"Les militaires se trouvaient en première ligne", glisse Bosukisa Montole, qui tient entre ses bras son fils blessé par balle au cou.

Diverses enquêtes en cours pointent aussi la responsabilité des autorités provinciales et des forces armées.

Un autre militaire affirme que "près de 30 militaires" ont participé à la tuerie.

- Messages d'alerte -

Ce sous-officier affirme aussi avoir reçu des messages d'alerte de membres de la communauté Batendé juste avant les tueries.

"Ils nous ont appelés pour nous dire qu’ils vont se battre avec les Banunu", détaille cet homme en poste dans l’un des quatre villages visés, Bongende, où au moins 339 personnes ont été tuées le 17 décembre.

"Ils me disaient que si les Banunu ramènent le corps de leur chef coutumier, ce sera le déclic pour se battre", ajoute-t-il sous couvert de l'anonymat.

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Dans les trois jours avant l'attaque, ce militaire affirme avoir prévenu les autorités à Yumbi que des hommes suspects se rassemblaient au domicile du directeur d'une école de Ngamabila, en face de Bongende. Ses appels sont restés sans effet.

"Des assaillants se camouflaient chez ce directeur de l’école primaire", confirme Richard Nkumu, un enseignant de Bongende, réfugié lui aussi à Makotimpoko, de l'autre côté du fleuve.

Au moins quatre Banunu ayant des conjoints ou des amis chez les Batende ont affirmé à l'AFP avoir été prévenus plusieurs jours avant l'attaque.

"Un ami Batende est venu me dire qu’il fallait que je fuie avec ma famille parce qu'il y a des militaires qui vont attaquer", raconte Raoul (prénom changé), un réfugié.

Depuis le carnage, plusieurs autorités territoriales ont été remplacées: chef de la police, des renseignements, de l'armée, administrateurs du territoire.

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Le chef local de l’Agence nationale des renseignements (ANR), Paul Mutumbula, a été arrêté à Yumbi. Il est aujourd’hui entendu dans le cadre d'une enquête de la justice militaire lancée par Kinshasa.

Le commandant de la police, le major Dominique Matshindi, a pris la fuite.

L’administrateur du territoire, Paul Mbo Nsami, a été tué au lendemain de l’attaque de Yumbi dans des circonstances troubles, alors qu’il se cachait dans les locaux de la commission électorale, elle-même dévastée.

L'attaque s'est déroulée dans l'indifférence totale du reste du pays, tout occupé à la préparation des élections.

Au moment de la première attaque, le 16 décembre, le dauphin de l’ex-président Joseph Kabila, Emmanuel Ramazani Shadary, battait campagne en compagnie du gouverneur de la province à moins de 200 km de Yumbi, dans la capitale provinciale Inongo.

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