La candidate des Verts à la succession de Jean-Claude Juncker répond à Euronews

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Par Euronews
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Environnement, immigration, guerre commerciale : retrouvez ci-dessous l'intégralité de l'interview de Ska Keller, candidate à la succession de Jean-Claude Juncker.

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L'eurodéputée allemande du parti Les Verts Ska Keller est candidate à la succession de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne. Elle est la première des six candidats à être interviewée par Euronews. Environnement, immigration, guerre commerciale : retrouvez ci-dessous l'intégralité de l'interview.

PARCOURS | Ska Keller est née près de la frontière polonaise, en Allemagne de l'Est. Elle rejoint le mouvement de jeunesse des Verts en 2001 à l'âge de 19 ans, puis intègre le parti un an plus tard. Devenue députée européenne à 27 ans, elle a toujours pris des positions progressistes. Souvent critiquée pour son activisme, elle a été qualifiée de "djihadiste verte" par un ministre bulgare, après avoir milité dans le pays pour la préservation d'une réserve naturelle. Désormais membre de la commission de la justice et des affaires intérieures sur les libertés civiles du parlement européen et coprésidente de son parti, elle se bat pour une Europe sans frontière et plus juste. Son engagement peut se résumer en une citation : "Faisons de l'Europe le contre modèle de Trump".

"Faisons de l'Europe le contre-modèle de Trump"
Ska Keller
Candidate à la présidence de la Commission européenne

Euronews : Nous devons évoquer ces manifestations sans précédent depuis quelques semaines contre le changement climatique dans le monde. Des blocages et quelques débordements ont eu lieu notamment à Londres. Que pensez-vous de ces mobilisations ?

Ska Keller : Je trouve vraiment incroyable que nous assistions à ce grand mouvement climatique dans le monde entier et dans toute l'Europe. Je pense que c'est très important car la question du climat a été trop longtemps mise en bas de l'agenda. Je veux dire que nous, les Verts, avons longtemps crié : "Parlons du climat et de l’environnement". Et tout le monde nous disait "non". Mais à présent, le climat est au premier plan de l’agenda, comme il se doit, car nous n’avons qu’une seule planète sur laquelle vivre, nous devrions donc vraiment tout essayer.

Euronews : Même si cela provoque des perturbations ? Ces manifestations causent des dégâts matériels et empêchent certains personnes de se rendre sur leurs lieux de travail.

Ska Keller : Chaque manifestation doit être très pacifique. Nous ne devons pas oublier que le changement climatique a déjà causé beaucoup de bouleversements pour de nombreuses personnes qui perdent leur maison, leurs moyens de subsistance. Nous commençons, par exemple, à voir des sécheresses dans toute l'Europe.

Euronews : Êtes-vous d'accord avec l'action directe ? Pensez-vous que les gens devraient bloquer les rues, les stations de métro et les trains pour faire passer leur message ?

Ska Keller : La désobéissance civile a une très longue histoire. Je pense qu'il est important de faire entendre sa voix. Par exemple si les étudiants ne devaient faire grève que le weekend, personne ne les entendrait. S'il font grève en période scolaire, ils seront entendus. N'oublions pas que le changement climatique perturbe vraiment nos vies et celles de beaucoup de gens. Nous devons donc vraiment agir.

Euronews : Que pensez-vous du terme "djihadiste verte" ?

Ska Keller : Ce fut une visite mémorable en Bulgarie lorsque je me suis jointes aux manifestants pour protéger le parc national, puis le vice-premier ministre a dit que je devais être expulsé du pays. C'est choquant de voir un gouvernement dire "nous ne voulons pas que les gens protestent, nous voulons en fait jeter les députés élus hors du pays".

Question posée par Sami Chauvet, étudiant à l'Université ULB : Alors que nous venons de voir beaucoup de mouvements sociaux partout en Europe, en particulier en France avec les Gilets jaunes, quelle est votre position à propos des taxes sur les billets d'avion et les carburants ?

Ska Keller : Je pense que nous devons mettre fin aux subventions pour les voyages en avion car, à l'heure actuelle, nous accordons aux compagnies aériennes un allègement fiscal, alors que l'on taxe lourdement les trains par exemple. Donc, vous payez une taxe sur un billet de train, pas sur un billet d'avion. Les compagnies aériennes ne paient pas d'impôts sur leurs transactions, ce qui crée une concurrence déloyale. Nous devons mettre fin aux subventions qui nuisent à la planète, nous dépensons 55 milliards d'euros de subvention annuelles pour les énergies fossiles, au lieu d'investir dans une technologie respectueuse du climat ... Les problèmes climatiques sont totalement liés aux problèmes sociaux. Les pauvres souffrent le plus des changements climatiques, et les pauvres émettent beaucoup moins de CO2 que les riches. Nous devons nous assurer que les gros pollueurs paient plus.

Euronews : C'est votre réponse aux accusations selon lesquelles une politique climatique agressive est en train de nuire à la classe ouvrière ?

Ska Keller : C'est drôle que vous parliez de politique climatique agressive. Nous essayons de sauver cette planète pour les prochaines générations. Alors oui, nous prenons des mesures urgentes, mais il est clair que ce sont les riches et les grandes entreprises qui émettent le plus de CO2. C’est une question de justice sociale.

Question de Beth Doherty, activiste environnementale à Dublin en Irlande : Le changement climatique affectera surtout les plus les jeunes. Avez-vous l'intention de préserver notre avenir avec des plans et des objectifs concrets? Ou allez-vous continuer avec des promesses vides et des objectifs vagues?

Ska Keller : Je suis totalement d'accord. Parce qu’à l’heure actuelle, tout le monde parle de politique climatique. Mais si nous examinons les votes des partis ici au sein du Parlement européen, il y a eu en effet beaucoup de promesses en l'air. Lorsque les partis votent contre les objectifs climatiques pour 2030, lorsque les gens votent contre la limitation des émissions de CO2 des voitures et des camions, la discussion est vraiment vide. Et nous avons besoin d'une action très concrète, très rapidement.

Question de Maria-Isabel Soldevila, professeure à l'université ULB : Vous avez beaucoup parlé de justice sociale. Alors, comment faire avancer l'égalité des sexes ? Comment en faire une priorité pour l'Union européenne?

Ska Keller : Nous devons insister sur l'égalité des sexes. Le traité de Rome qui a institué l'Union européenne évoquait ce sujet. Eh bien, je dirais que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Si nous examinons le Parlement européen actuel, le quota de femmes n’est guère supérieur à 30%, c'est abominable. C'est vraiment terrible car nous représentons 50% de la société, voire plus. Et cela devrait être représenté dans cette assemblée. Mais ça ne l'est pas. Nous souhaitons placer les femmes au premier plan. C'est pourquoi les Verts ont toujours un double leadership. Nous avons deux présidents de groupe, nous avons deux candidats principaux (NDLR : Ska Keller est candidate à la présidence de la Commission en duo, avec le Néerlandais Bas Eickhout) et ainsi de suite. Nous souhaitons également beaucoup de transparence en matière de rémunération, de manière à rendre transparent le montant que paie une entreprise à un homme et à une femme, pour détecter les inégalités, car il est assez étonnant de ne pas savoir combien paient les entreprises.

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Euronews : Selon vous le prochain président doit être une présidente ?

Ska Keller : Ce serait quelque chose que nous aimerions vraiment voir. Nous n'avons jamais eu de femme présidente de la Commission. Je pense qu'il est temps. Il est également temps que nous ayons une commission égalitaire en matière de sexe. Nous proposons depuis longtemps déjà que les pays nomment un commissaire femme et un commissaire hommes afin que la présidente de la commission puisse elle-même choisir de créer une commission équilibrée entre les sexes. Et il reste encore beaucoup à faire.

Question de Maman Lawal au Niger : La migration est devenue l’une des principales préoccupations des électeurs lors des élections. Comment répondez-vous à cette question?

Ska Keller : Tout d'abord, nous devons nous assurer que nous faisons tout ce qui est possible pour que les gens ne soient pas obligés de fuir. Et bien sûr, tous les problèmes ne pourront pas être résolus demain par l'Union européenne, comme la guerre en Syrie. Mais les États membres exportent toujours des armes vers des pays comme l'Arabie saoudite, qui bombarde le Yémen. Ce n'est pas la seule zone de conflit où nous envoyons des armes. Cela devrait s'arrêter. Nous devrions avoir une politique commerciale qui ne rende pas les pauvres encore plus pauvres, une politique agricole qui ne prive pas les gens de leurs moyens de subsistance, pareil pour la pêche. Nous devrions également nous assurer que personne ne se noie en Méditerranée, car je ne peux pas accepter qu'en 2019, nous vivions dans une Union européenne où des personnes se noient. Nous savons où ils sont. Nous savons où ils se noient et nous ne les aidons pas du tout. Nous arrêtons même les gens qui veulent aider. Et c'est quelque chose que je ne veux pas voir dans l'Union européenne.

Euronews : Vous êtes donc frustrées par le fait que l'UE n'a pas trouvé de solution en la matière ? Car de nombreux pays ne sont pas disposés à accepter un quota de réfugiés.

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Ska Keller : De quelle approche européenne commune parlons-nous ? Le Parlement européen a en fait trouvé un compromis entre les groupes, dans lequel un large consensus a été trouvé, sur la manière de parvenir à une répartition équitable des responsabilités. Parce que oui, si un grand nombre de personnes arrive dans un pays, le problème est énorme. Mais si ce défi est partagé par de nombreux États membres, cela change tout.

Euronews : Qu'en est-il de l'accord entre l'UE et la Turquie? L'UE vante cet accord. Que pensez-vous de cet arrangement visant à garder les gens hors des frontières?

Ska Keller : L'arrangement avec la Turquie n'est même pas un accord, c'est juste un communiqué de presse commun avec aucune garantie sur les des droits de l'homme. Donc, il s'agit essentiellement de s'assurer que personne ne vient ici sans aucun respect pour leurs droits humains. Nous rejetons donc totalement cette façon de faire.

Euronews : Il faut limiter le nombre d'arrivées ? Oui ou non ?

Ska Keller : Si quelqu'un est dans le besoin, on ne peut pas dire "vous êtes la 1001e personne donc non, nous ne vous acceptons pas en tant que réfugié". Vous ne pouvez pas limiter les réfugiés. La migration est un sujet totalement différent. Les réfugiés sont des personnes dans le besoin et vous ne pouvez pas les empêcher d'entrer. C'est le droit international, le droit européen. C'est l'humanité qui fait en sorte que les gens doivent être protégés. Mais encore une fois la migration est totalement différente. Par exemple, pour la migration de travail, l'État peut dire que nous en prenons tant, par rapport à leurs compétences, mais pas l'année prochaine.

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Euronews : Quelle est la stratégie du parti des Verts pour s'attaquer aux partis populistes, qui semblent gagner en influence pour les prochaines élections ?

Ska Keller : Attendons tout de même le jour du scrutin. Mais effectivement. je pense qu'il est important que tous les partis démocratiques se démarquent clairement de l'extrême droite et disent "non, nous défendons les droits de l'homme et nos valeurs européennes et nous gardons notre distance". Car l'un des plus grands dangers dans cette course à l'extrême droite est que les partis du centre et du centre-droit se déplacent vers la droite et se joignent à ce discours. Et une fois que vous vous inscrivez dans le discours d'extrême droite, vous le légitimez et vous l'aidez.

Euronews : Donc, vous ne feriez pas de débat avec eux?

Ska Keller : J'aurais espéré que les conservateurs disent «non, je ne suivrai pas le même discours. Je ne ferai pas de coalition avec l'extrême droite". Nous en avons vu en Autriche mais aussi en Andalousie, des députés, mais aussi des libéraux qui se joignent à une coalition d'extrême droite. Ces coalitions ne défendent pas les droits de l'homme. Ceci ne doit pas arriver, c'est un danger.

Euronews : Sur la question de débattre avec eux, vous pourriez débattre avec eux ? Car certains politiciens refusent ?

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Ska Keller : Je ne voudrais pas engager de discussion personnelle avec quelqu'un qui ne respecte pas les droits d'un réfugié et il y a des gens dans cette Assemblée qui pensent qu'en réalité, les gens devraient se noyer ; je ne peux pas discuter avec ces personnes.

"L’Europe a promis à tous ses citoyens la démocratie, l’état de droit et les libertés civiles. Mais ces très grands succès sont menacés. Nous devons nous battre à nouveau pour eux chaque jour car au sein de l’Europe, les juges sont actuellement destitués. La corruption est légalisée. Les journaux sont fermés, les universitaires harcelées et la société civile traitée de criminels. Nous avons des responsabilités. Vous en tant que président de la commission, et nous en tant que membres du Parlement européen. Mais tous les Européens du nord au sud, de l'est à l'ouest, car si l'Europe perd en démocratie, elle se perdra "
Ska Keller
Candidate à la présidence de la Commission européenne

Dans cette citation, ci dessus, vous vous adressiez à Jean Claude Juncker l'actuel président de la commission européenne. Est-il un obstacle pour la démocratie?

Ska Keller : Pas du tout. En fait, je parlais de la situation dans les États membres et nous constatons des tendances inquiétantes. Par exemple la Hongrie est un excellent exemple d’endommagement de l’État de droit et de la démocratie. Mais ce n’est pas le seul. En Pologne, l’indépendance du pouvoir judiciaire est attaquée, pareil en Roumanie. Nous avons donc beaucoup de problèmes. Et je pense qu'il est vraiment important de défendre la démocratie, les libertés civiles, la primauté du droit, car il s'agit de valeurs fondamentales de l'UE.

Question de Pierre, étudiant à Bruxelles : Étant donné l’importance des échanges commerciaux avec les États-Unis, comment inciter Donald Trump à devenir plus vert ?

Ska Kelller : J'aimerais avoir la réponse, mais je pense qu'il faut utiliser le commerce comme un instrument, car nous pensons que nous devons conclure des accords commerciaux uniquement avec les pays qui ont signé l'accord de Paris, ce qui n'est pas le cas des Etats-Unis. Ces choses sont liées, le commerce ne devrait pas contredire nos objectifs climatiques et nous sommes favorables à la coopération internationale, à la coopération bilatérale. Mais cela doit aussi se faire sur la base d'accords internationaux et d'un accord multilatéral.

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Euronews : Vous dites donc que vous vous opposerez à un accord commercial avec les Etats-Unis, sachant qu'ils n'ont pas signé l'accord de Paris ?

Ska Keller : Pour le moment, nous ne discutons pas de la question de savoir s'il devrait y avoir un nouvel accord commercial entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Ce n'est pas le bon timing, car Trump menace les exportations de voitures européennes avec ses droits de douane... et l'UE accepte. Ce n'est pas une bonne position à adopter. Mais à part cela, nous ne devrions pas conclure d’accords de libre-échange avec des pays qui n’ont pas signé l'accord de Paris.

Euronews : Vu ce que vous venez de dire et vu vos divergences de points de vue avec Trump, si vous étiez présidente de la commission européenne, voudriez-vous vous asseoir et le rencontrer?

Ska Keller : Oui, malheureusement, vous devez également parler à des personnes que vous n'aimez pas beaucoup dans votre travail et c'est toujours le cas.

Euronews : Êtes-vous pour une armée européenne ?

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Ska Keller: Non, car je veux savoir qui envoie l'armée? Le parlement comme en Allemagne ?

Euronews : Pour une second mandat de Donald Trump ?

Ska Keller : Non, non.

Euronews : La Chine est elle une menace pour l'Union européenne?

Ska Keller : Oui.

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Euronews : Pour une révocation de l'article 50 et un arrêt du Brexit si vous en aviez le pouvoir ?

Ska Keller : Oui.

Euronews : Strasbourg, est-ce un gaspillage d'argent?

Ska Keller : Oui. je parle du parlement, pas de la ville.

Euronews : Les gens doivent-ils avoir moins d'enfants pour aider à sauver l'environnement.

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Ska Keller : Non.

Euronews : Jean-Claude Juncker a-t-il été un bon président ?

Keller : Non.

Euronews : N’est-il pas un peu embarrassant que Greta Thunberg, qui n’est activiste que depuis quelques mois, ait plus d'impact sur la cause environnementale que vous à travers l’Europe, alors que vous faites de la politique depuis plus d'une décennie?

Ska Keller : Nous avons établi la limitation de CO2 pour les voitures et les camions. Nous avons fait cette loi sur le climat. Nous avons interdit des pesticides nuisibles pour les abeilles. Je pense que nous avons eu beaucoup d'impact. Même si nous aimerions avoir une force verte plus puissante dans le prochain Parlement européen, mais nous avons eu un impact. Vous ne pouvez pas le nier.

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