Au procès des Français à Bagdad, longs échanges et moments surprenants

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"Parle plus fort! Comme tu le faisais dans ta vidéo en menaçant la France": face à Brahim Nejara, l'un des six Français condamnés à mort à Bagdad pour avoir rejoint le groupe jihadiste Etat islamique (EI), le juge essaye d'obtenir un maximum d'informations.

Toujours calme, clair et articulant particulièrement ses questions face à des Français dont le niveau d'arabe varie de l'un à l'autre, le juge irakien Ahmed Mohammed Ali consulte ou brandit documents et rapports sur l'EI.

Il écoute attentivement en appuyant ses signes de tête de nombreux "continue" ou "poursuis", tout en s'enquérant de savoir si les accusés ont subi des mauvais traitements.

A Brahim Nejara, apparu une dizaine de jours après les attaques du 13 novembre 2015 à Paris (130 morts) dans une vidéo intitulée "Paris s'est effondrée", il a donné l'occasion de s'expliquer avant de le condamner à mort. Pendant près de trois heures.

"C'est bien toi?", demande le juge, alors que le Français de 33 ans, le menton couvert d'un petit bouc taillé de près, se penche en avant comme pour bien vérifier les images que la cour diffuse sur un écran qui surplombe les magistrats.

- "Que cherchais-tu en Syrie?" -

"Oui, mais au début, j'avais dit non, mais ils ont menacé de m'emprisonner", se défend celui qui se faisait appeler Abou Souleimane au sein de l'EI, d'une voix à peine audible, pour le juge comme pour les journalistes, présents dans le public et interdits de filmer ou de photographier dans la salle.

"Pourquoi est-ce que tu n'arrives pas à parler plus fort? Pourtant tu l'as fait quand tu lançais des menaces après les attentats en France de 2015?", relance aussitôt le magistrat, lunettes à grosses montures noires sur le nez.

"C'est parce que je sens mal", lâche celui qui, selon le Centre d'analyse du terrorisme (CAT) basé à Paris, a incité un de ses frères à commettre un attentat en France et fréquenté en Syrie l'un des kamikazes du Bataclan, salle de spectacles où a eu lieu l'une des tueries du 13 novembre 2015.

Quand il a quitté la France en 2014 pour rejoindre la Syrie en voiture avec sa femme, leur fillette et son beau-frère, il pensait, assure-t-il, "pouvoir aller pratiquer l'islam en toute tranquillité", comme le lui avaient assuré selon lui des amis.

"En Syrie?", rebondit aussitôt le juge. "Tu y cherchais quoi? Les Syriens montent sur des bateaux pour trouver la sécurité!"

Et si les échanges se font à bâtons rompus entre juge et accusés, c'est qu'au tribunal de Bagdad qui juge actuellement 12 Français transférés de Syrie, la plupart des étrangers jihadistes présumés sont assistés par des avocats commis d'office.

"Ils ne peuvent lire le dossier qu'une fois dans la salle d'audience", explique à l'AFP Me Ghofrane Abdel Rahmane, qui a elle-même dû assurer au pied levé la défense de Karam El Harchaoui, le second Français condamné à mort mardi.

- Avocat accusateur -

"En général, ce sont des affaires dont l'issue est déjà très claire", poursuit cette avocate irakienne de 33 ans, qui a elle-même vu l'EI occuper et ravager près d'un tiers de son pays.

"Mais parfois on peut dénicher un élément et, en attirant l'attention du juge dessus, obtenir une peine moins lourde", dit-elle encore. "On agit toujours avec humanité".

Parfois pourtant, le juge Ahmed Mohammed Ali a dû lui-même intervenir.

Quand l'avocat commis d'office de Brahim Nejara qui jurait n'avoir jamais fait allégeance à l'EI s'est lancé dans une série de questions et a demandé à son client: "es-tu toujours un partisan de l'EI?"; le juge est sorti de son silence.

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"Cette question n'est pas dans l’intérêt de l'accusé. Il pourrait être condamné à cause d'elle", a-t-il dit, visiblement agacé.

Mais l'avocat a persisté, mentionnant dans sa plaidoirie "la participation de Karam El Harchaoui à des combats en Irak, notamment dans la province de Ninive".

Alors même que le Français clamait quelques minutes plus tôt: "je ne suis pas entré en Irak et je n'ai participé à aucun combat ni en Syrie ni en Irak".

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