Quel accès aux soins pour les nombreux blessés de guerre en Afghanistan ?

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Quel accès aux soins pour les nombreux blessés de guerre en Afghanistan ?
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Par Monica PinnaStéphanie Lafourcatère
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Dix-huit ans après le lancement de l'intervention américaine en Afghanistan, le conflit gagne encore en intensité causant toujours plus de victimes civiles. Sur place, l'UE soutient des services d'urgence comme celui de l'ONG Emergency à Kaboul qui prend en charge de nombreux blessés de guerre.

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Dix-huit ans après le lancement de l'intervention américaine en Afghanistan, le conflit gagne encore en intensité : les attaques sont de plus en plus fréquentes et les victimes civiles toujours plus nombreuses. Les coûts humanitaires sont immenses. L'Union européenne apporte son soutien en aidant les services d'urgence dans le pays comme le centre chirurgical de l'ONG Emergency à Kaboul qui prend en charge de nombreux blessés de guerre.

On estime que 147.000 personnes ont été tuées au cours des 18 dernières années de conflit en Afghanistan, les talibans et des groupes armés étant d'un côté, le gouvernement afghan soutenu par l'OTAN de l'autre. L'an dernier, près de 11.000 civils ont été tués ou blessés. Ce chiffre a quasiment doublé en neuf ans. La recrudescence des attaques suicide menées par des opposants au gouvernement et des frappes aériennes des forces afghanes s'est traduite par une hausse du nombre de victimes civiles l'an dernier.

Kaboul est une ville en état de siège. Une attaque peut survenir à tout moment. Près de la moitié des attaques suicide menées par les insurgés en Afghanistan l'an dernier se sont produites dans la capitale.

Blessures complexes

Le centre chirurgical de l'ONG internationale Emergency à Kaboul est un lieu sûr pour les victimes de guerre venues de tout le pays. Des dizaines de nouveaux blessés sont transférés dans l'unité de soins continus chaque jour.

Ce service ne désemplit pas : il regroupe toute une série de cas présentant des blessures complexes liées au conflit.

"Habituellement, les patients de cette unité ont des plaies pénétrantes au thorax ou à l'abdomen avec une balle, un éclat d'obus ou tout autre objet," précise Mohammad Abed Faizi, chirurgien pour Emergency. "Sur ce patient," montre-t-il, "on a fait une laparotomie pour une plaie au ventre ; ici aussi, pour une blessure par balle à l'abdomen."

Enfants victimes

Près de mille enfants ont été tués en Afghanistan l'an dernier. Sur les deux mille qui ont été blessés, le centre en a pris en charge près de la moitié.

Mustafa, 12 ans, a reçu une balle lors d'un échange de tirs. Ses jambes étaient paralysées à cause de deux vertèbres cassées. Sa rééducation quotidienne donne progressivement des résultats. Les médecins estiment qu'il pourra de nouveau marcher dans un mois.

"Je travaillais dans le champ avec mon père quand j'ai reçu une balle, j'ai été touché du côté droit et la balle s'est coincée près de mon épaule gauche," raconte Mustafa avant d'ajouter : "La première chose que je veux faire après, c'est retourner à l'école."

Traiter de nombreuses victimes en même temps

Une équipe de près de 400 médecins, chirurgiens, kinésithérapeutes et infirmiers travaille 24h sur 24 et 7 jours sur 7 pour traiter des patients en urgence vitale.

Il y a deux ans, 130 personnes avaient été transférées dans l'unité des soins intensifs après une explosion.

Le centre a été agrandi et du personnel, formé pour faire face à la multiplication de ce genre d'événement qui fait de nombreuses victimes en même temps.

"Tous les organes peuvent être atteints : ce qui nécessite des décisions et des actions rapides, donc on doit s'occuper de tout en même temps," fait remarquer Hedayatullah Heydayat, chirurgien. "En situation normale, les hôpitaux disposent de différents services ; pour les blessés de guerre, on ne peut pas procéder comme ça, cela prendrait trop du temps et on perdrait le patient," dit-il. "Ici, un seul chirurgien peut s'occuper de toutes les blessures en même temps," indique-t-il.

"J'ai réalisé que j'avais perdu mes jambes"

Certains rescapés porteront les traces du conflit toute leur vie. Abdul, père de sept enfants, se trouvait dans un bus qui ramenait des employés de l'administration chez eux quand une voiture à proximité a explosé. C'était lors d'une attaque suicide à Kaboul début juin.

"J'ai réalisé que j'avais perdu mes jambes, j'ai rampé et poussé avec mes bras pour sortir du bus," se souvient Abdul. 

"Mon frère qui était assis à l'arrière a réussi à sauter en dehors du bus, je l'ai appelé pour qu'il m'aide parce que j'avais des brûlures," poursuit-il avant d'ajouter : "Il m'a aidé et il a sauvé trois autres personnes ce jour-là, mais pas mon oncle : je l'ai vu mourir dans les flammes."

Aide européenne

L'Union européenne apporte son soutien à des services d'urgence dans le pays. Son département à l'aide humanitaire a augmenté son aide aux soins en traumatologie et facilite l'accès à la santé dans des zones où les structures régulières ne peuvent pas fonctionner.

"Actuellement, environ un quart de notre budget total est destiné aux services qui prennent en charge les traumatismes de guerre," fait savoir Esmee De Jong, représentante du service de l'UE à l'aide humanitaire. 

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"Dans quelle mesure est-ce difficile de fournir ce type d'assistance dans un pays comme l'Afghanistan ?" lui demande notre reporter Monica Pinna.

"Les efforts de santé sont attaqués"

"C'est de plus en plus dur," déclare Esmee De Jong. "Les efforts en matière de santé sont vraiment attaqués en ce moment : depuis le début de l'année, plus de 100 centres ont été pris pour cible," dit-elle. "Ce qui veut dire que beaucoup de gens n'y ont plus accès et que c'est aussi de plus en plus dangereux pour les personnels de santé de travailler dans ce type de structure," déplore-t-elle.

La technologie et l'expertise peuvent parfois faire l'impossible. Attagul avait perdu une partie de son crâne et de son cerveau dans une explosion, mais aujourd'hui, après de multiples opérations, il est en train de récupérer.

À quoi ressemblera demain, la vie de ces patients qui gardent des séquelles ? Dans ce pays où l'aide sociale n'existe pas, 55% de la population vit dans la pauvreté.

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