Qui sont les électeurs du nouveau parti d'extrême-droite Vox en Espagne ?

Qui sont les électeurs du nouveau parti d'extrême-droite Vox en Espagne ?
Par Valérie Gauriat
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À Madrid où le nouveau parti d'extrême-droite Vox a fait une percée lors des dernières législatives, notre reporter Valérie Gauriat a rencontré ses électeurs jeunes et moins jeunes, venus de la droite comme de la gauche, pour comprendre leur choix.

Le 10 novembre dernier, Vox, le nouveau parti choc de la scène politique espagnole, célébrait sa percée aux élections législatives. "Nous sommes la troisième force politique du pays ! Nous avons 52 députés !" lançait alors le leader de Vox Santiago Abascal à ses partisans.

Souvent décrit comme le dernier né de l'extrême-droite européenne, Vox était sorti de l'ombre après son succès aux élections régionales d'Andalousie il y a seulement un an. Cette fois, c'est dans la communauté de Madrid qu'il a réalisé certains de ses meilleurs scores et en particulier à Parla, au sud de la capitale, un bastion traditionnel de la gauche.

Vox, champion de l'unité nationale, pourfendeur de l'immigration clandestine et de la corruption politique, a fait mouche dans cette ville.

"Des squatteurs"

Nous rencontrons le responsable local du parti, Miguel Aguilera. Trente-six ans de pouvoir socialiste et communiste à Parla n'ont fait que dégrader l'économie, nous dit cet ancien syndicaliste d'extrême-gauche.

Vox a remporté jusqu'à 30% des voix dans les quartiers où de nombreux logements ont été transformés en squats. Hypothéqués par les banques pendant la crise, ils sont la proie d'un vrai trafic organisé.

Miguel Aguilera nous montre l'une des résidences concernées : "L'entrée du garage n'a pas de porte, elle a été arrachée, le portail de la résidence est ouverte. Et ici, ils vendent même les logements, c'est à dire que si tu viens avec assez d'argent, il y a quelqu'un qui te fais entrer et qui t'ouvre un appartement : tous ces endroits ici ont été squattés," dénonce-t-il. Une situation à laquelle Vox a promis de remédier.

L'une des raisons qui ont fait basculer un autre habitant de Parla, Kai Oliver Pohlschneider, ancien électeur du Parti populaire, le principal parti conservateur espagnol, vers Vox.

Son immeuble commence lui aussi à être squatté.

"C'est un immeuble de luxe et là, on a déjà un premier squatteur qui s'est installé," nous explique-t-il en désignant un appartement. "J'ai payé mon logement 300.000 euros et je suis venu vivre ici parce que justement, c'est censé être l'un des meilleurs quartiers de la ville ; alors automatiquement ton appartement perd de la valeur," fait-il remarquer.

Le responsable local de Vox Miguel Aguilera renchérit : "La plupart des squatteurs sont des immigrés illégaux. Les immigrés qui viennent de manière irrégulière, sans travail, sans papiers, ont besoin d'un endroit où vivre et ils finissent par commettre ce type de délit : nous ne sommes pas contre l'immigration, nous sommes contre l'immigration illégale et non contrôlée," assure-t-il.

"Insécurité"

Kai et son épouse ont quitté Madrid il y a quelques années pour trouver une meilleure qualité de vie à Parla où ils élèvent leurs deux enfants. Un projet compromis, disent-ils, par l'insécurité croissante.

"Les gens ont peur de descendre dans la rue après dix heures du soir parce que c'est devenu le Bronx et tout ce que vous voyez la nuit, c'est la criminalité, le trafic de drogue et les mafias organisées," affirme-t-il.

"C'est pour cela que nous avons commencé à voter pour Vox parce que nous voulons des solutions, nous avons besoin d'une poigne plus forte," estime-t-il.

Son épouse Eva Maria Saura Fernández ajoute : "Moi je n'avais jamais voté jusqu'à présent parce que j'ai vraiment été désenchantée par les idées des autres partis et avant tout, parce que la plupart du temps, ils n'ont pas fait ce qu'ils ont dit qu'ils allaient faire."

"L'Espagne doit être une seule nation"

À Madrid, Vox a séduit plus de 20% des électeurs en moyenne. Un résultat porté en grande partie par le vent de nationalisme qui a fait écho à la montée de l'indépendantisme en Catalogne.

Dans l'un des beaux quartiers de la capitale, à Salamanca, Vox a là aussi marqué des points. Nous nous rendons chez l'une de ses électrices, Blanca Carrillo de Albornoz. Elle nous accueille dans l'appartement où elle vit avec sa fille.

Issue de la grande noblesse espagnole, cette dirigeante d'entreprise déçue par le Parti populaire mise aujourd'hui, sur Vox pour défendre, dit-elle, des valeurs en péril.

Le credo nationaliste du parti, sa remise en cause des autonomies régionales ou encore de la loi qui condamne le franquisme l'ont séduite tout comme la promesse de Vox de réformer la loi sur les violences envers les femmes.

"En Espagne, le sentiment du nationalisme n'existe pas, les gens ont honte de brandir le drapeau : c'est une chose que je ne comprends pas !" s'indigne Blanca Carrillo de Albornoz. "L'Espagne doit être une seule nation," poursuit-elle, "l'un des problèmes énormes de l'Espagne, c'est qu'on a un système d'autonomies : il faut modifier ce système, on ne peut pas avoir 17 parlements, 17 chaînes de télévision, 17 de tout ! Parce que ce problème va nous ruiner !" lance-t-elle.

"Je suis contre l'avortement"

La mère de famille nous donne une autre explication à son vote pour Vox : "L'autre chose qui me préoccupe, c'est l'idéologie de genre. Vox veut l'égalité entre hommes et femmes ! Ce que Vox ne veut pas, c'est que pour un même délit, la peine soit différente pour les femmes et les hommes !" insiste-t-elle.

"Cela me dérange que quand tu es de Vox, que tu as voté pour Vox, les gens te regardent et te disent que tu es d'extrême-droite !" dénonce-t-elle.

"Nous sommes un parti démocratique, nous sommes un parti avec certaines valeurs, je suis contre l'avortement bien sûr, ce sont des valeurs qui de nos jours ne sont pas à la mode," reconnaît-elle. "Si c'est ça être d'extrême-droite, alors je dis que nous sommes d'extrême-droite parce que c'est ce qu'il y a de plus à droite !" ironise-t-elle.

Les jeunes aussi

Des valeurs que revendiquent aussi les plus jeunes électeurs de Vox. Ils ont été l'une des clefs du succès du parti aux dernières élections. Nous nous rendons chez Jaime Fernández, étudiant et militant de Vox. Il fait partie de l'équipe du parti chargée de mobiliser et informer les jeunes sur les réseaux sociaux.

"J'ai découvert l'existence de Vox sur les réseaux sociaux et je pense que c'est un outil très important pour faire passer notre message directement de la source au lecteur sans passer par d'autres personnes qui pourraient mal interpréter nos propos," estime le jeune homme, avant de contacter deux de ses camarades, également étudiants et militants de Vox, via Whatssap.

Rendez-vous est pris dans l'un des bars qui sert de point de ralliement aux jeunes militants. Nation, famille et traditions sont au cœur de leur engagement. Mais Vox, assurent-ils, est le parti du renouveau pour l'Espagne.

"Vox doit investir dans les Espagnols"

"Je crois qu'on représente la vraie liberté," juge Álvaro Pérez. "Moi j'aimerais une Espagne de liberté, d'égalité et d'unité : ce sont les trois choses que j'aimerais avoir et aussi la prospérité avant tout," ajoute-t-il. Jaime Fernández renchérit : "Et puis une Espagne où la famille est mise en avant parce que avec le modèle qu'on a maintenant, qui pénalise fiscalement la famille, quand j'aurais 65 ou 70 ans, la retraite sera reléguée à l'histoire."

"Moi ce que je veux," insiste Alejandro Gozalo, "c'est que maintenant que Vox est arrivé en politique et qu'il est là pour rester, il investisse dans les Espagnols, qu'il investisse dans ce dont on a réellement besoin."

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