Russie : la double peine des patients face au "patriotisme médical"

Russie : la double peine des patients face au "patriotisme médical"
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Par Euronews
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Des familles réclament l'accès aux médicaments fabriqués à l'étranger, entravé par les mesures gouvernementales, et qui pénalise directement les personnes souffrant de pathologies graves.

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Daria vit avec la mucoviscidose depuis 24 ans. Une maladie génétique rare qui affecte les fonctions respiratoires.

La jeune femme lutte pour respirer, mais elle a voulu participer au rassemblement organisé devant le ministère de la santé à Moscou, en Russie. Elle réclame l'accès aux antibiotiques en provenance de l'étranger, comme plus de 200 000 personnes qui ont signé une pétition.

"Nous, les patients, comme les parents d'enfants malades, nous devons prendre la parole et demander à ce qu'on ne nous prive pas des derniers antibiotiques efficaces", lance Daria, "au moins pour vivre un peu plus longtemps".

Daria attend toujours une greffe pulmonaire, et espère seulement passer le cap de cette année, alors que dans d'autres pays, les patients porteurs de la maladie peuvent envisager une meilleure qualité de vie.

"Ce "patriotisme médical" a pour effet de tuer des malades"

"Depuis plusieurs années, la Russie a décidé de remplacer les médicaments fabriqués à l'étranger par des génériques produits ici", explique Galina Polonskaya, correspondante à Moscou d'Euronews. "De nombreux médicaments produits ailleurs ont été retirés du marché. Selon les médecins, ce "patriotisme médical" a pour effet de tuer des malades, qui pourraient être soignés s'ils avaient accès aux traitements, mais les autorités font la sourde oreille".

"Les médicaments produits ici sont fabriqués à partir d'une autre substance", estime Aleksandr Savrsky, président d'une association de patients."Il peut y avoir des adjuvants complètement différents. Les médecins ont peur de signaler les effets secondaires, parce que les autorités prétextent alors une erreur de prescription de leur part".

Sacha, 4 ans, est aussi née avec la mucoviscidose. L'an dernier, la fillette a été hospitalisée à trois reprises, et les médicaments génériques russes ne sont pour elle d'aucun secours. Ses parents ont contracté un crédit pour la faire soigner en Israël, ce qui a permis de stabiliser son état de santé. Irina et Rinat paient toujours des mensualités, mais n'ont pas d'alternative.

"Si on doit la faire soigner en urgence, on va où ?"

"On vit la peur au ventre", indique la mère de Sacha. "Mon mari fait des crises d'angoisse. On ne sait pas quoi faire : si on doit la faire soigner en urgence, on va où ?"

Des patients touchés par d'autres maladies sont aussi concernés. Dans la région de Krasnoyarsk, des parents d'enfants atteints de cancer ont alerté les autorités sur les effets secondaires du générique de la Vincristine, produit en Russie, et destiné aux chimiothérapies.

Sophie, neuf ans, a perdu l'usage de ses mains et de ses jambes, après en avoir absorbé. Et les hôpitaux russes refusent d'administrer l'original, le médicament princeps, lorsque les parents parviennent à l'acheter.

Un cancérologue, Alekseï Maschan, se bat depuis des années contre le "patriotisme médical". Dans une lettre adressée au ministère de la santé, il explique que si rien ne change, le taux de mortalité des enfants atteints de cancer en Russie risque de bondir de 30 % d'ici cinq ans.

"Nous utilisons 7, 8, ou 9 médicaments pour un patient qui a une tumeur", explique Alekseï Maschan, onco-pédiatre. "Et si un ou deux d'entre eux sont moins efficaces, nous ne le saurons que dans 5 ou 7 ans, mais pas tout de suite. Dans les années à venir, on va assister à une augmentation des rechutes, des enfants vont mourir, mais on ne peut pas le prouver dans l'immédiat".

Des manifestations aux quatre coins du pays

Les familles des jeunes patients atteints de mucoviscidose sont celles qui militent le plus pour obtenir des changements : elles organisent des manifestations aux quatre coins du pays, multiplient les contacts avec les autorités et leur envoient des missives, mais en vain.

"Des enfants vont en mourir", estime Anna Stanovskaya. "On revient 20 ou 30 ans en arrière. On joue aux apprentis sorciers avec la santé de nos enfants, pour essayer de les sauver".

Son fils est également touché par la mucoviscidose. Si l'accès aux traitements en reste à ce stade, elle demandera l'asile pour raisons médicales, afin de lui donner une chance de survie.

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