Symptômes, chocs cytokiniques... Ce que l'on sait et ce que l'on ignore du Covid-19

Un membre du personnel médical prend en charge un patient infecté par le nouveau coronavirus, à la division COVID-19 de l'hôpital ASST Papa Giovanni XXIII de Bergame
Un membre du personnel médical prend en charge un patient infecté par le nouveau coronavirus, à la division COVID-19 de l'hôpital ASST Papa Giovanni XXIII de Bergame Tous droits réservés PIERO CRUCIATTI/AFPAFP
Par Rafael CerecedaThomas Seymat
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Dresser un portrait robot du coronavirus SARS-CoV-2 qui cause le Covid-19 n'est pas aisé. Mais en recoupant les dernières études, les dernières recherches, des constats peuvent être avancés.

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L'une des difficultés d'une pandémie aussi rapide et étendue que celle du nouveau coronavirus est que les connaissances liées au Covid-19 changent presque quotidiennement. Elles sont souvent diffusées par des centaines de publications scientifiques préliminaires que les médecins sur le terrain n'ont pas toujours le temps de parcourir, occupés qu'ils sont à sauver des vies.

Certains experts se demandent si les chercheurs et les scientifiques ne vont pas trop vite dans leur course, pourtant bien intentionnée, à la compréhension de la pandémie, causant plus de confusion qu'autre chose.

Le Covid-19, cette maladie "inconnue" aux multiples visages

Dresser un portrait robot du coronavirus SARS-CoV-2 n'est pas aisé. Mais en recoupant les dernières études, les dernières recherches, des constats peuvent être avancés.

  • La moitié des personnes infectées ne développent pas de symptômes, mais sont un vecteur de contagion
  • La plupart des patients ne présentent que des symptômes légers
  • Chez les patients graves, ce n'est pas le virus qui tue, c'est une réaction incontrôlée du système immunitaire qui peut endommager la plupart des organes vitaux, un phénomène appelé choc cytokinique
  • La cause le développement de symptômes graves chez certains patients, quel que soit leur âge, reste inconnue
  • Le virus peut attaquer le système nerveux. Dans certains cas, l'insuffisance respiratoire est liée à une défaillance neurologique, et non à une pneumonie
  • Il n'est pas certain que les patients guéris cessent d'être contagieux
  • des doutes subsistent quant à la durée de l'immunité après la maladie

Ces informations, en constante évolution, expliquent en partie pourquoi nous entendons des avis différents, parfois contradictoires, de la part des autorités, qu'il s'agisse de la nécessité de porter un masque facial ou de la manière d'identifier les premiers symptômes.

Certains affirment encore que "ce n'est qu'une petite grippe" alors qu'il est prouvé que c'est un véritable fléau pour la santé publique.

Au début de l'épidémie, autorités politiques, sanitaires ou scientifiques avançaient que la toux et la fièvre étaient les symptômes non équivoques d'une possible contraction du Covid-19. Aujourd'hui, il est avéré que la maladie peut provoquer une grande variété de symptômes voire même une absence totale de symptômes. Il est désormais estimé qu'environ 50% des patients infectés sont asymptomatiques - ce qui a été l'un des principaux facteurs de la propagation rapide du nouveau coronavirus.

De nombreux détails précis sur la maladie restent quasiment inconnus. Les médecins ont appris à combattre le Covid-19 presque au cas par cas, même si les protocoles s'améliorent désormais.

Euronews s'est entretenue avec des médecins travaillant en première ligne pour mieux comprendre la maladie. Et grâce à leur expertise, tenter de saisir pourquoi cette maladie représente un tel danger pour les populations à risque, ainsi que pour nos systèmes de santé.

Comment se déroule une infection au Covid-19 ?

Roger Paredes, chef du département des maladies infectieuses à l'hôpital Germans Trias i Pujol, près de Barcelone, nous explique qu'il existe trois stades différents de l'infection pour les personnes qui développent les symptômes de Covid-19 :

  • La phase virale : lorsque le virus se réplique très rapidement dans le système respiratoire. Les symptômes sont similaires à ceux de la grippe ordinaire et disparaissent spontanément après 6 à 10 jours (environ). C'est le cas pour environ 80 % des patients.
  • La phase pulmonaire : les 20 % de patients restants peuvent développer une pneumonie. Il s'agit d'un type de pneumonie très spécifique, qui attaque les deux poumons et provoque une détresse respiratoire.
  • La phase sévère : environ 10 % des patients développent un choc cytokinique, une réponse inflammatoire incontrôlée du système immunitaire qui est à l'origine de la plupart des conditions critiques et, au final, des décès.

Quel est le vrai tueur ?

Les médecins sur le terrain rapportent que les cas graves ne développent pas une charge virale (c'est à dire une concentration de virus) élevée mais plutôt un syndrome de choc cytokinique.

"Le choc cytokinique est un problème auquel nous sommes assez souvent confrontés en soins intensifs", explique Rafael Máñez, chef du service de soins intensifs de l'hôpital Bellvitge, également proche de Barcelone. D'autres infections et même certains médicaments peuvent la déclencher. "Le problème est que nous n'avons pas de traitement, ni contre le virus ni pour la réponse inflammatoire", explique le docteur à Euronews. "Nous n'avons que des traitements de soutien, pour protéger les organes vitaux du patient". Les médecins utilisent des respirateurs, ou des médicaments pour contrôler la tension artérielle ou des corticoïdes pour réduire l'inflammation.

Une autre piste consiste à utiliser des médicaments pour bloquer l'interlukin-6, une cytokine pro-inflammatoire produite par le système immunitaire.

Selon lui, des chocs cytokiniques se produisent pendant la saison de la grippe, mais l'admission des patients est progressive. "En raison des taux d'infection exceptionnels du Covid-19, nous recevons plus de patients que nous ne pouvons en gérer".

Le Dr Máñez souligne une nuance au sein du consensus selon lequel il est préférable d'avoir des défenses solides pour faire face à la maladie : "Il ne faut pas un système immunitaire fort, mais un système équilibré", avance-t-il.

Le Dr Paredes dirige une étude clinique en coopération avec l'Institut national de la santé des États-Unis en utilisant le remdesivir. Cette étude durera trois ans.

Les chocs cytokiniques, un phénomène méconnu

"Les mécanismes exacts de ces tempêtes de cytokines sont pratiquement inconnus", explique le Dr Paredes. "La réaction inflammatoire est une réaction naturelle du système immunitaire. Elle est nécessaire pour réparer les dommages causés aux cellules. Dans le cas d'une pneumonie normale, les germes endommagent le tissu pulmonaire et le système immunitaire génère une réaction inflammatoire pour l'arrêter. Ce qu'il se passe c'est que le système immunitaire "tue" certaines cellules pour réparer les tissus endommagés. Ce qui se passe maintenant avec le coronavirus, c'est qu'au lieu d'envoyer quelques cellules, il envoie des tonnes de cellules qui génèrent une réponse inflammatoire incontrôlée, non seulement dans les poumons, mais qui peut être généralisée dans le corps du patient".

En effet, des cas de lésions rénales, intestinales ou coronaires ont été signalés. "J'ai un jeune patient qui souffre d'une myocardite (inflammation du muscle cardiaque, ndlr)", explique le Dr Máñez.

Il semble que certains patients sujets à d'intenses maux de tête pourraient souffrir d'une encéphalite (inflammation du cerveau).

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Environ 70 % de nos patients ont plus de 70 ans, et entre 10 et 15 % ont moins de 60 ans
Roger Paredes
Chef de service des maladies infectieuses à l'hôpital Germans Trias i Pujol

On ignore pour l'instant les facteurs qui prédisposent les patients à développer ce syndrome. En ce qui concerne le Covid-19, l'âge est très important. "La clé est de comprendre qui sont les plus vulnérables", déclare le Dr Paredes. "Environ 70 % de nos patients ont plus de 70 ans, et entre 10 et 15 % ont moins de 60 ans".

Les scientifiques pensent que la génétique joue un rôle majeur dans les rares cas de jeunes patients développant le syndrome.

Lorsque des personnes souffrent d'un choc cytokiniques, la dégradation est très rapide, quel que soit leur âge, et il est donc très important d'en identifier les premiers signes, explique le docteur Paredes.

Selon le Dr Máñez, l'obésité peut augmenter les risques de réaction inflammatoire.

Le Covid-19 peut attaquer le système nerveux central

Les recherches et observations sur le terrain montrent que le virus SRAS-CoV-2 responsable de la maladie Covid-19 peut attaquer le système nerveux central. Le Dr Paredes affirme que certains patients en détresse respiratoire ne ressentent parfois pas le manque d'oxygène ou la pneumonie.

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Il soupçonne que certains patients entrent en détresse respiratoire précisément parce que leur système nerveux ne parvient pas à fonctionner correctement. Cela a également été signalé dans certains articles de recherche préliminaires.

La perte d'odorat et de goût fréquemment signalée pourrait également être liée au système nerveux central dans certains cas, selon M. Paredes.

Les médecins du monde entier signalent des cas de manifestations neurologiques laissant penser que le virus peut s'introduire dans le système nerveux central, comme des caillots de sang, des vertiges, de la confusion ou des convulsions. L'hôpital de l'université de Brescia en Italie a ouvert une unité NeuroCovid séparée pour soigner les patients souffrant de troubles neurologiques liés au nouveau coronavirus, selon le New York Times.

Une équipe de Wuhan, l'épicentre initial de la pandémie, a publié un article préliminaire de recherche faisant état des troubles neurologiques à différents degrés chez 36,4 % des 214 patients étudiés. Les "prédécesseurs" du SRAS-nCoV-2, le SRAS et le MERS, pourraient également se frayer un chemin jusqu'au système nerveux central.

Toutes les études suggèrent qu'il s'agit de cas plutôt rares, mais qu'il ne faut pas les sous-estimer.

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Et après la maladie ?

Même si les scientifiques commencent, progressivement, à mieux comprendre la maladie, de nombreuses questions subsistent quant aux perspectives des patients guéris, comme la durée de leur immunité ou les effets à long terme sur leurs propres organes.

Selon Roger Paredes, les patients remis sur pied en Espagne passent deux semaines de plus en quarantaine chez eux avant d'être à nouveau testés. La durée durant laquelle ces patients demeurent un vecteur de contagion pour les autres est actuellement débattue. Les tests PCR actuels ne sont pas fiables à 100% pour le déterminer. Il faudra recourir à des tests de détection des anticorps dans des échantillons de population importants.

Alors que de nombreux gouvernements préparent leurs plans de sortie de crise, le Centre européen de contrôle des maladies (ECDC) a averti que se précipiter pourrait conduire à une résurgence des infections et qu'avec les données dont nous disposons actuellement, aucun pays européen n'est prêt à lever les mesures de restrictions de mouvement et de distanciation sociale en raison des difficultés à contrôler les nouveaux cas.

"Avant d'envisager la levée de toute mesure, les États membres devront s'assurer que des systèmes améliorés de dépistage et de surveillance de la population et des hôpitaux sont en place pour renseigner et contrôler les stratégies d'escalade/désescalade et pour évaluer les conséquences épidémiologiques", précise l'ECDC.

Il est intéressant de noter qu'en dépit des progrès scientifiques, le fait de rester à la maison, le savon et l'hygiène sont jusqu'à présent les principaux obstacles au virus. "Nous n'étions pas au courant. Nous avions le sentiment qu'avec les connaissances dont nous disposions, cela ne pouvait pas arriver. Avec cette crise, nous allons nous rendre compte que nous sommes très vulnérables", résume le Dr Rafael Máñez.

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