Tout ce que l'on sait et ce que l'on ignore à propos du coronavirus

Le nouveau coronavirus (en bleu) sort de cellules cultivées en laboratoire. Le virus a été obtenu à partir d'un patient américain.
Le nouveau coronavirus (en bleu) sort de cellules cultivées en laboratoire. Le virus a été obtenu à partir d'un patient américain. Tous droits réservés National Institutes of Health
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Par Rafael CerecedaThomas Seymat
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Euronews vous propose de faire le point sur les connaissances scientifiques actuelles sur le virus, nommé SRAS-CoV-2, et démonter les fausses informations qui circulent sur la pandémie de Covid-19.

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L'un des freins à la lutte contre la pandémie qui frappe actuellement le monde est que la science connaît assez peu de choses sur le nouveau coronavirus qui est responsable de la maladie Covid-19.

Pour faire le point sur les connaissances scientifiques actuelles sur le virus, nommé SRAS-CoV-2, et démonter les fausses informations qui circulent sur le virus, Euronews a interviewé Morgan Gaïa, chercheur postdoctoral spécialiste de la co-évolution des virus au sein du Genoscope du CEA.

La famille de virus à laquelle appartient le SRAS-CoV2 n’est pas inconnue, mais les caractéristiques spécifiques de la maladie humaine associée à la souche SRAS-CoV2 (comme le temps d’incubation, l’immunité, etc.) ne sont que graduellement définies car elles nécessitent du temps et du recul pour être déterminées précisément, explique M. Gaïa.

Le chercheur ajoute qu'en plus, les différents modes de vie, les climats et les mesures gouvernementales dans les pays touchés par le virus sont autant de paramètres qui affectent les données dont disposent les scientifiques.

La connaissance du virus s'accroît chaque jour, mais la récente avalanche de publications scientifiques préliminaires à propos du Covid-19 a semé encore plus de confusion dans les médias et auprès du grand public.

C'est le cas de la hydroxychloroquine qui, bien qu'il manque actuellement des données scientifiquement robustes confirmant son efficacité clinique, est déjà en rupture de stock dans des pharmacies du monde entier. Une autre étude, très critiquée, a suggéré que la pollution par les particules fines pourrait être un vecteur de propagation du virus.

Voici donc ce que nous savons avec certitude, et sur ce qui demeure inconnu, au sujet du nouveau coronavirus et du Covid-19 qu'il provoque.

Que savons-nous sur le nouveau coronavirus SRAS-CoV-2 ?

Selon Morgan Gaïa, si ce coronavirus a de nombreuses caractéristiques qui, prises séparément, sont communes à d’autres virus connus, c’est l’assortiment de ces caractéristiques qui le rendent unique.

- Une contagion rapide

Le nouveau coronavirus se propage facilement et de manière exponentielle. "On estime que, sans mesures de confinement, une personne infectée infectera en moyenne 2 ou 3 personnes", souligne M. Gaïa.

"Il existe également des cas documentés de 'super-contaminateurs', c'est-à-dire de personnes infectées qui, pour des raisons qui ne sont mal comprises, contaminent un grand nombre de personnes. Cela est facilité par le manque d'immunité de la population, étant donné qu'il s'agit d'un nouveau virus".

Les scientifiques soulignent que le coronavirus se propage rapidement car il est pratiquement "invisible" : dans de nombreux cas, environ 50% voire plus, il ne provoque pas de symptômes ou seulement des symptômes légers, semblables à ceux d'une grippe ou d'un rhume.

M. Gaia souligne que "bien que ces cas puissent être environ 50% moins contagieux que ceux présentant des symptômes plus avancés, leur grand nombre va contribuer de manière importante à la propagation".

- Un manque de préparation dans de nombreux pays

Le manque de préparation de nombreux pays face à une pandémie, combiné à la lenteur de la réaction des autorités et des citoyens, a conduit à la situation actuelle, avec une bonne partie de l'humanité forcée de se mettre en confinement pour ralentir la propagation du virus.

"En Asie, ils sont mieux préparés car ils ont connu d'autres épidémies [Comme le SARS et le MERS, ndlr.] et ils sont plus disciplinés lorsqu'il s'agit de se protéger et d'appliquer des mesures d'isolement", rappelle l'expert.

Les épidémies ont toujours une composante politique. Les autorités hésitent parfois à appliquer des mesures impopulaires qui pourraient provoquer une panique et/ou nuire à l’économie. Une telle hésitation, de la Chine aux États-Unis en passant par l'Europe, explique également en partie la situation actuelle.

La mondialisation a considérablement facilité la propagation du virus. Le fait qu'il soit apparu dans une ville de 11 millions d'habitants, hyperconnectée par terre, mer et air - et ses nombreuses usines appartenant à des groupes occidentaux - a favorisé cette situation sans précédent.

- La méconnaissance du virus

Un autre problème a été le manque de connaissances et de communication entre les scientifiques, les autorités et le grand public.

Des doutes existent quant à l'adaptation de la communauté scientifique chinoise aux standards scientifiques internationaux ainsi que sur l'influence des autorités chinoises dans leurs publications de leurs travaux de recherche.

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"Une grande partie des recherches n'ont été publiées qu'en chinois", explique M. Gaïa, "souvent sans chiffres statistiques clairs".

Désigner la fièvre et la toux lors des premiers stades de la maladie comme des symptômes permettant d'isoler les malades a également été une erreur. Cela ne tenait pas compte du fait que les porteurs pouvaient être asymptomatiques ou ne présenter que des symptômes légers. Avec comme conséquence que les autorités n'ont pas été en mesure de ralentir la propagation du virus.

Cela illustre pour M. Gaïa les difficultés avec les épidémies rapides : nous ne sommes capables dans les premiers temps que de mesurer les signes cliniques correspondant aux patients qui sont traités. C’est la pointe visible de l’iceberg, et nous ne pouvons qu’essayer de deviner la taille de la partie immergée, qui est elle invisible. Face à l’urgence, beaucoup de données ont été publiées, parfois sans les informations qui auraient permis de vraiment les comparer ensemble et de faire émerger les différentes faces d’une réalité plus complexe.

- Non, le nouveau coronavirus n'a pas été créé dans un laboratoire

Le chercheur rejette catégoriquement les théories du complot avançant que ce virus a été "créé en laboratoire". C'est clair : "les analyses génétiques confirment sans ambiguïté qu'il s'agit d'un virus d'origine naturelle".

En réalité, l'apparition de ce virus chez l'Homme est en partie due, selon le chercheur, à la réduction de la biodiversité et l'impact de l'Homme sur l'environnement. "Lorsque nous réduisons la distance entre le monde naturel et le monde humain, lorsque nous laissons aussi peu de place aux espèces animales et végétales sauvages, nous encourageons le transfert de virus qui sont naturellement présents chez d'autres espèces vers les êtres humains et des situations" pour la pandémie actuelle.

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Lorsque nous laissons aussi peu de place aux espèces animales et végétales sauvages, nous encourageons le transfert de virus qui sont naturellement présents chez d'autres espèces vers les êtres humains
Morgan Gaïa
Chercheur postdoctoral spécialiste de la co-évolution des virus au sein du Genoscope du CEA

En effet, rappelle le chercheur, la biodiversité ne concerne pas que le visible, mais également les micro-organismes et les virus. Les impacts que les catastrophes naturelles, climatiques, ou même l’Homme seul, peuvent avoir sur cette biodiversité ont des conséquences plus profondes que ce que l’on soupçonne souvent. Y compris l’émergence d’épidémies.

- Des conséquences très variées sur le corps humain

Nous savons actuellement que le virus est capable de provoquer un syndrome de détresse respiratoire aiguë, et même la mort. Parmi les symptômes les plus fréquents, mais qui ne sont ni exclusifs ni systématiques, se trouvent une fièvre souvent modérée, des maux de tête, une toux sèche, ainsi que de la fatigue et des courbatures. Des anosmies, c’est-à-dire la perte d’odorat, sont également parfois notées. Une vigilance particulière doit être portée aux difficultés respiratoires et aux essoufflements.

Par ailleurs, le SARS-COV2 ne touche pas seulement les personnes âgées. En France, on estime que 50% des patients en soins intensifs ont moins de 60 ans.

Lorsqu'une personne est infectée, la maladie Covid-19 est capable de créer, en plus d'une pneumonie, une réaction en chaîne qui peut affecter la plupart des organes. La réponse immunitaire de l'organisme est souvent si violente qu'elle peut endommager les tissus sains. Et ce n'est pas le virus qui tue dans ce cas, c'est un emballement du système immunitaire.

Par ailleurs, s'ils ne sont pas naturellement immunisé, la maladie touche très peu les enfants. Ils développent moins de symptômes et il y a très peu de cas de mineurs touchés par des formes graves du virus. Pourtant, les enfants peuvent être porteurs de la maladie, et la transmettre aux adultes, c'est pourquoi l'une des premières mesures prises au niveau mondial a été la fermeture des écoles.

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Le nouveau coronavirus est connu pour envahir les cellules grâce à sa capacité à "pirater" le récepteur ACE2 de la cellule.

- Quels sont les facteurs de risque ?

L'âge est le facteur déterminant dans le développement de symptômes graves qui peuvent menacer la vie du patient.

La plupart des cas graves sont des hommes. Ils représentent aussi 60% des décès. Il semble également établi que les patients souffrant d'hypertension, de diabète et de maladies cardiovasculaires et respiratoires chroniques sont plus susceptibles de souffrir de complications de la COVID-19.

Rocky Mountain Laboratories, RML
Le coronavirus SARS-CoV-2 responsable de l'épidémie de Covid-19 vu au microscope électronique et échantillonné par un laboratoire américain de recherche sur les allergies.Rocky Mountain Laboratories, RML

Ce que nous ignorons sur le nouveau coronavirus et le Covid-19

Malgré le déferlement d'informations et de données auquel nous sommes exposés chaque jour, nous en savons encore très peu de choses sur ce nouveau virus.

- Les chiffres réels des cas confirmés et du nombre de décès

La plupart des pays, à quelques exceptions près, ont actuellement une approche très limitée en matière de tests de dépistage, pour des raisons diverses.

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Il existe également des différences dans la manière dont ils comptabilisent les cas et les décès. Par exemple, en France, seuls les décès dans les hôpitaux sont comptabilisés : les cas de contagion ou les décès à domicile ou dans les maisons de retraite ne sont pas signalés.

Morgan Gaïa souligne que "certains pays manquent également de ressources pour centraliser leurs données, tandis que d'autres peuvent manquer de transparence".

- Le manque de données probantes

Les capacités limitées de certains pays à effectuer des tests rend impossible de connaître les chiffres réels de la pandémie aujourd'hui.

Des estimations plus précises ne pourraient être faites qu'avec des analyses sérologiques qui indiqueraient la proportion de la population qui a déjà des anticorps anti-SARS-CoV-2, autrement dit la proportion de la population qui a été malade du Covid-19.

Selon M. Gaïa, la faisabilité et la fiabilité des tests "sont également fonction du stade de l'infection chez un patient et de la source de l'échantillon" testés, selon qu'il provienne du nez, d'un lavage broncho-alvéolaire, etc.

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"Il ne sera pas possible de tester toute l'humanité", estime le chercheur spécialiste de l'évolution de virus. "Nous ne pourrons avoir que des estimations et des simulations".

- La proportion de cas asymptomatiques

De plus en plus d'études suggèrent que la forte proportion de cas non répertoriés, car sans symptômes ou avec des symptômes légers, cas initialement ignorés, a favorisé la propagation de la pandémie. L'OMS estime que 80 % des personnes malades du Covid-19 n'éprouveront que des symptômes bénins.

Tout indique donc que les chiffres réels de la contagion sont beaucoup plus élevés que les chiffres officiels. Et que, par conséquent, le taux de mortalité réel du coronavirus est beaucoup plus faible, bien que le nombre de cas soit suffisant pour déborder les systèmes de santé de nombreux pays.

- Combien de temps les malades sont-ils infectés ?

La durée de la quarantaine, 14 jours, est une approximation. On ne sait pas pendant combien de temps un patient est contagieux.

Malade ou non, tout le monde est un porteur potentiel du virus. D'où l'importance de mesures de distanciation sociale et de confinement généralisé.

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Des études chinoises ont montré que le virus peut être détecté chez les patients (et donc potentiellement transmis) pendant 8 à 37 jours, avec une moyenne de 20 jours.

- Les risques de contagion

"Nous savons que les principales voies d’entrée se font via la salive et les excrétions nasales comme la toux et les éternuements, ainsi que via les mains par le contact entre une surface contaminée et le visage (bouche, nez, et yeux)", précise M. Gaïa qui ajoute qu’une contamination purement aérienne via les aérosols est pour l’instant "hypothétique".

Par contre, on ne sait pas précisément combien de temps le virus peut survivre sur différentes surfaces.

Il est estimé que le virus peut rester jusqu'à 2 ou 3 jours sur du plastique et de l'acier, 24 heures sur du carton, et potentiellement jusqu'à 3 heures dans des gouttelettes de mucus en suspension dans l'air. Mais ces informations ont été obtenues lors d'expériences en laboratoire. À l'extérieur, la survie du virus dépend des conditions environnementales. Il semble que l'humidité et le froid l'aident à survivre.

Bien se laver les mains et éviter les foules, et plus globalement l’ensemble des gestes « barrières », sont encore les barrières les plus efficaces contre le virus.

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- L'immunité des personnes qui ont été malades

L'immunité contre la varicelle dure toute la vie, mais l'immunité contre les rhumes causés par d'autres types de coronavirus est très variable. Ce qui fait que les gens peuvent les attraper même plusieurs fois au cours du même hiver. La grippe évolue chaque saison, et dans son cas il est donc nécessaire de développer de nouveaux vaccins. Nous manquons encore de données pour bien mesurer le type et la durée de l’immunité dont bénéficieront les patients qui sont touchées par le Covid-19.

- L'origine exacte de Covid-19

Les dernières recherches semblent confirmer que le nouveau coronavirus est d'origine animale. Il provient probablement de chauves-souris et a été transmis à l'homme par le pangolin. Mais jusqu'à présent, il n'y a pas de certitudes. Les scientifiques pensent qu'il s'agit aussi d'une combinaison de virus.

"C'est un phénomène naturel", explique le spécialiste de l'évolution de ces agents infectieux. "Les virus circulent dans une population qui agit comme une 'espèce réservoir', dans le cas des coronavirus, souvent des chauves-souris, qui sont très résistantes. Puis elle est transmise à une espèce intermédiaire dans laquelle elle s'adapte avant d'être transmise à l'homme".

- Les traitements et vaccins

Il n'existe actuellement pas de traitement dont l'efficacité a été prouvée. On parle beaucoup de la chloroquine, ou plus exactement de l'hydroxychloroquine, mais rien n'a été confirmé.

Des laboratoires du monde entier travaillent sur des essais cliniques pour trouver un vaccin, dont la mise au point et la distribution pourraient prendre plus d'un an.

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- La saisonnalité de Covid-19

D'après les données disponibles sur d'autres virus, l'été et la chaleur pourraient éventuellement ralentir la pandémie dans l'hémisphère nord. Mais on ignore pour l'instant si elle se propagera par vagues successives, comme l'a fait la grippe espagnole, par exemple.

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