Tout savoir sur le référendum qui pourrait permettre à Poutine de rester au pouvoir jusqu'en 2036

Le président russe, Vladimir Poutine, le 23 juin 2020, lors d'une adresse à la Nation.
Le président russe, Vladimir Poutine, le 23 juin 2020, lors d'une adresse à la Nation. Tous droits réservés Alexey NIKOLSKY / SPUTNIK / AFP
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Par Lauren ChadwickVincent Coste
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Si le oui l'emporte, ce scrutin pourrait permettre à Poutine de rester au Kremlin jusqu'à ses 83 ans.

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Vladimir Poutine va-t-il pouvoir rester au Kremlin jusqu'en 2036 ? C'est tout l'enjeu d'un référendum qui devait se tenir le 1er juillet en Russie. Mais en raison de la pandémie de Covid-19, cette consultation a été étalée sur plusieurs jours pour pouvoir respecter les gestes barrières. Les premiers électeurs pourront se rendre aux urnes à partir du 25 juin.  

Concrètement, le peuple russe va se prononcer pour entériner, ou non, un ensemble de réformes constitutionnelles, dont la possibilité pour le président en exercice d'effectuer deux mandats supplémentaires à partir de 2024.

Ce projet de réforme de la constitution, lancé en janvier dernier par Vladimir Poutine, a déjà été validé par les deux chambres du Parlement russe, la Douma d'Etat (chambre basse) et le Conseil de la Fédération (chambre haute). Enfin, la Cour constitutionnelle a donné en mars dernier son aval à ce au texte.

Quelles réformes constitutionnelles exactement ?

L’objectif de ce référendum est d'acter pas moins de 200 amendements à la constitution russe de 1993.

"L'ampleur de la réforme a été absolument surprenante", pour Nikolay Petrov, chercheur en charge des questions liées à la Russie et Eurasie, au sein du think tank britannique Royal Institute of International Affairs (RIIA/Chatam House) que nous avons interrogé. Pour cet expert, basé à Londres, ces réformes vont modifier le système politique russe "en renforçant la position de Vladimir Poutine, rendant l'opposition d'aucune autre institution impossible".

La réforme la plus importante de ce projet est bien sûr la possibilité qui sera offerte à l'actuel président russe de se présenter pour deux autres mandats à l'issue de celui qu'il est en train d'accomplir jusqu'en 2024. Dans les faits, cette réforme permettrait de remettre à zéro le nombre de mandats déjà effectués par Vladimir Poutine. Il s'agit d'une mesure sur-mesure : les autres futurs présidents de la Fédération de Russie ne pourront toujours pas faire plus de deux mandats consécutifs.

Le président russe, âgé de 67 ans, est actuellement à la fin de son deuxième cycle de deux mandats, après avoir été élu en 2012 et 2018. Auparavant, Il avait été président de la Russie de 2000 à 2008. Entre ses deux mandatures, Poutine n'a pas quitté la sphère du pouvoir, devenant de 2008 à 2012, Premier ministre. L'"intérim" a été assuré par son allié Dmitri Medvedev. Ce dernier avait porté une réforme de la constitution permettant l'allongement du mandat présidentiel de 4 ans à 6 ans, un amendement dont a ensuite profité Vladimir Poutine.

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Vladimir Poutine, lors de la célébration de 75ème anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie à Moscou, le 24 juin 2020.Dmitry ASTAKHOV / SPUTNIK / AFP

Ce référendum porte également en lui des mesures de société, entérinant de facto une ligne socialement et politiquement conservatrice. En effet, le terme "foi en Dieu" sera ajouté à la constitution, tout comme le principe du mariage comme une union entre un homme et une femme, ce qui interdira ainsi formellement le mariage entre personnes de même sexe. Si les Russes votent majoritairement pour le oui, l'autorité du Kremlin sera également renforcée par rapport aux autres administrations, qu'elles soient nationales ou régionales.

D'autres dispositifs de ces réformes portent sur des aspects sociaux-économiques, liés au coût de la vie. Il est ainsi prévu que les retraites soient indexées et que le salaire minimum soit garanti.

Pourquoi organiser un référendum alors que ces réformes ont déjà été approuvées ?

Le Parlement russe, qui a donc déjà approuvé cette réforme, a édicté une loi pour rechercher le "soutien populaire" à l'adoption de ce projet.

"Ce référendum est important, puisqu'il apporte un vernis de légitimité" nous explique Sergey Radchenko, historien de la guerre froide et directeur de la faculté de droit et de sciences politiques de l'université de Cardiff. "Mais ce n'est qu'un référendum symbolique. Le système électoral russe est connu pour ses fraudes à grande échelle, le résultat est déjà connu d'avance quoi que pense le peuple", ajoute-t-il. "Contrairement au tsar, qui a revendiqué le mandat de Dieu pour gouverner toute la Russie, Poutine se perçoit toujours comme un "démocrate", il veut donc mettre en place un mécanisme juridique pour légitimer la poursuite de son règne" résume Sergey Radchenko.

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Deux Moscovites portants gants et masque dans les rues de la capitale russe, le 22 juin 2020.YURI KADOBNOV/AFP

Le scrutin devait en principe se tenir à la mi-mars. Mais la pandémie de Covid-19, qui a particulièrement touchée la Russie, a repoussé l'échéance. Selon certaines sources, le choix du 1er juillet n'est pas anodin. S'il était auparavant admis que le référendum allait être organisé plus tard, la baisse de la popularité de Vladimir Poutine dans l'opinion publique n'y serait pas étrangère.

En effet, selon le Centre analytique Levada, une ONG russe indépendante, l'homme fort du Kremlin jouissait de 69% d'opinion favorable en février contre 59% aujourd'hui, alors que les cas de contamination au coronavirus ne semblent pas se tarir dans le pays.

Un référendum respectueux des principes démocratiques ?

Comme dans de nombreux pays où des élections ont été organisées alors que la Covid-19 sévit toujours, le référendum en Russie se déroulera dans des circonstances particulières.

Certains bureaux de vote seront ainsi installés en plein air. Des masques et des stylos seront distribuées aux personnes qui participeront à ce scrutin.

Il sera également possible de voter depuis chez soi, pour respecter au maximum les mesures de distanciation physique.

Mais, pour Nikolay Petrov, "ce vote est conçu de manière à éviter la moindre menace". Il ajoute : "C'est très typique des régimes populistes que de tout vouloir légitimer par la volonté du peuple. Et c'est pourquoi Poutine a voulu organisé ce vote, tout en violant les mécanismes et les institutions démocratiques."

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Des bulletins qui seront utilisés lors du référendum sortant de chez un imprimeur, le 10 juin 2020 à Podolsk dans la banlieue de MoscouALEXANDER NEMENOV / AFP

"Les irrégularités dans les élections précédentes suggèrent que lorsque les autorités voient une défaite se dessiner, elles ont recours à la manipulation et au bourrage des urnes pour obtenir le résultat souhaité", ajoute Sergey Radchenko.

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Mais d'autres experts considèrent que Poutine reste populaire, en étant toujours à plus de 50% d'opinion favorable et ajoutent que les mesures comme celles garantissant le salaire minimum ont les faveurs de la population russe.

Poutine présidera-t-il à la destinée de la Russie pendant encore 16 ans ? Rendez-vous le 1er juillet pour le savoir.

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