Charlie Hebdo fête ses 50 ans de liberté d'expression

La Une du numéro du 1er octobre 2020 de Charlie Hebdo qui célèbre ses 50 ans
La Une du numéro du 1er octobre 2020 de Charlie Hebdo qui célèbre ses 50 ans Tous droits réservés Charlie Hebdo/Twitter
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Par Vincent Coste avec AFP
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Pour fêter son demi-siècle d’existence, l’hebdomadaire satirique français s'est offert un gros gâteau rose en Une. Et un hachoir, en guise de couteau pour le découper, référence à l'attaque survenue devant ses anciens locaux le 25 septembre.

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Joyeux anniversaire Charlie ! L'hebdo français satirique fête aujourd'hui ses 50 ans. 50 ans d'irrévérence, où liberté d'expression et défense des valeurs cardinales du journal, comme la laïcité, ont toujours été primordiales. En Une ce jeudi, Charlie a décidé de faire couper au hachoir son gros gâteau rose d'anniversaire par un homme cagoulé, en écho à l'attaque survenue vendredi dernier devant ses anciens locaux à Paris.

Et des attaques, dans son histoire, Charlie Hebdo en a subi d’innombrables. D'abord des attaques dans des prétoires, fomentées par les tenants d'une bien-pensance jugeant inadmissible la liberté de ton du journal. Pour sa défense, Charlie a "usé" de nombreux avocats dans la France des années 70, où la censure du pouvoir gaulliste était omnipotente, et dans celle des décennies suivantes. Puis, un jour de janvier 2015, il y a eu une attaque à l'arme lourde qui a décimé la rédaction du journal. Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, Wolinski, Bernard Maris, Elsa Cayat et Mustapha Ourrad sont tombés sous les balles des frères Kouachi "venus faire justice" au nom d'un prophète qui aurait été bafoué par des dessins publiés dans Charlie Hebdo.

Un livre-anniversaire pour faire vivre la liberté

En plein procès des attentats de janvier 2015, et parallèlement à ce numéro anniversaire, Charlie Hebdo revient également sur son demi-siècle de combats pour la liberté d'expression, en publiant un ouvrage ce jeudi.

Intitulé "Charlie Hebdo, 50 ans de liberté d'expression", aux éditions Les Echappés, ce livre retrace sur plus de 300 pages l'histoire mouvementée de l'hebdomadaire satirique et de sa lutte incessante, dès sa création, pour défendre et faire vivre cette liberté, via la reproduction de dessins, reportages, éditos, qui ont marqué l'histoire du journal, précédés d'un texte de son directeur Riss.

"Cela nous a sauté aux yeux, quand on s'est penchés sur nos archives pour évoquer ces 50 ans : durant ces 50 années, toute la trajectoire de Charlie, né d’une censure, a été marquée par ce combat", raconte Gérard Biard, le rédacteur en chef du journal satirique.

Charlie Hebdo a en effet été créé en réponse à des mesures prises par le gouvernement en 1970 pour tenter de faire taire le mensuel Hara Kiri, qui avait osé titrer, après le décès du général de Gaulle à Colombey-les-deux-églises, "Bal tragique à Colombey, un mort". Une allusion à l'incendie d'un dancing qui avait fait plus d'une centaine de morts ce mois-là.

FRANCOIS GUILLOT/AFP
Archives : feu le professeur Choron brandissant la fameuse une de Hara Kiri, le 27 novembre 2011FRANCOIS GUILLOT/AFP

Le ministère de l'Intérieur avait décidé d'interdire l'affichage et la vente aux mineurs de Hara Kiri. L'équipe du mensuel avait eu l'idée de lancer une version hebdomadaire pour contourner cette quasi-interdiction : Charlie Hebdo était né, un clin d’œil au général défunt.

Sous les coups de la censure

L'hebdo cesse de paraître en 1982, mais sera relancé dix ans plus tard, après la scission de la rédaction d'un autre journal satirique, la Grosse Bertha.

L'ouvrage montre l'évolution des sujets couverts par le journal et des forces auxquelles il s'attaque avec un humour toujours piquant, grâce au talent de ses équipes.

"Tout au long de sa vie, Charlie Hebdo s'est confronté à des formes de censure, d’abord une censure classique et institutionnelle" qui s'exerce via "un nombre incalculable de procès, notamment de la part de l'armée", résume Gérard Biard.

Peu à peu, au fur et à mesure que la jurisprudence conforte le journal, cette censure institutionnelle cède la place à "des associations religieuses", au départ catholiques, qui intentent des procès "avec pour stratégie de nous assécher financièrement", sans succès.

Désormais, les efforts pour faire taire le journal relèvent surtout "d'individus ou de groupes d’individus, qui s’autoproclament de telle au telle cause, parfois au nom de causes très justes, mais qui sont guidés par une forme de puritanisme, une recherche de la pureté absolue, y compris dans le combat idéologique", relève-t-il.

Charlie ne lâche rien

Le livre revient évidemment sur les rapports "souvent compliqués avec les autres médias" et sur les événements comme la publication des caricatures de Mahomet, et ses énormes retentissements. Il rappelle d'abord le contexte, aujourd'hui trop souvent oublié, qui a conduit Charlie Hebdo à publier ces caricatures danoises, en 2006 : il s'agissait de protester contre le licenciement du rédacteur en chef du quotidien France Soir, qui avait été le premier journal français à oser publier ces dessins.

Et Charlie de se retrouver au cœur d'un procès intenté par la Mosquée de Paris, l'UOIF et la Ligue islamique mondiale, en 2007, une alliance "contre nature", selon Gérard Biard, qui y voit une forme de résurgence de la censure institutionnelle. Là encore, le procès aboutira à une relaxe.

Mais en 2011 suivra l'incendie contre le siège du journal, puis la tuerie de janvier 2015. Autant de traumatismes qui n'empêchent pas Charlie de continuer à tracer son chemin, en se servant des mêmes outils qu'à sa création.

"La satire et la caricature utilisent un langage qui est une manière de mettre en évidence ce que les autres médias ne peuvent pas montrer. On nous a beaucoup accusé de faire de la provocation, mais c'est un outil pour éclairer, notre outil d'expression, pour faire un pas de côté", explique Gérard Biard.

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