L'impact alarmant de la crise de la Covid-19 sur la santé mentale collective

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Par Valérie Gauriat
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Nicolas Franck est psychiatre et responsable de Pôle à l’Hôpital Psychiatrique du Vinatier à Lyon. Auteur d’un ouvrage sur l’impact psychologique du confinement, il livre quelques conseils pour surmonter la détresse engendrée par la crise sanitaire.

Nicolas Franck est psychiatre et responsable de Pôle à l’Hôpital Psychiatrique du Vinatier à Lyon. Auteur d’un ouvrage sur l’impact psychologique du confinement, il évoque les résultats d’une étude menée avec ses équipes, et livre quelques conseils pour surmonter la détresse engendrée par la crise sanitaire, au micro de Valérie Gauriat.

Valérie Gauriat : « Vous venez d'écrire un livre sur l'impact de la Covid -19 sur la santé mentale du confinement particulier. Depuis le début de la crise, est ce que cet impact est alarmant pour un psychiatre ? »

Nicolas Franck : « Je trouve qu'il est alarmant parce que on voit affluer effectivement beaucoup de patients en détresse. Parce qu'aussi dans l'enquête dont je fais état dans le livre, nous voyons que dès les premières semaines de confinement, le bien être était altéré chez tous les Français en moyenne, mais plus particulièrement dans certaines catégories de population.

Il y a un effet cumulatif. Vous avez le confinement qui a fait des effets, qui a laissé des traces. Vous avez l'été avec toutes les restrictions qui sont imposées et le couvre-feu qui est arrivé, et un confinement qui arrive derrière dans une période où on est en diminution de luminosité, avec volontiers des dépressions dues au manque de luminosité. Une dépression hivernale. Vous avez la crise économique qui s'installe.

Les gens qui sont en détresse du point de vue de leur commerce ou de leur petite société, tout cela vient se surajouter et vraiment aggraver l'effet propre du confinement. Et à l'effet du confinement. Il faut ajouter celui de la rupture du lien social pour ceux qui sont confinés seuls, et de la peur des effets du virus, de la peur de la contamination, de la peur pour sa santé et sa survie, éventuellement. Tout cela combiné fait beaucoup, beaucoup de pression sur l'ensemble des Français.

Nous avons vu apparaître des personnes venues consulter pour la première fois en psychiatrie

Nous avons vu apparaître certaines personnes qui sont venues consulter pour la première fois en psychiatrie dans nos structures, et pas seulement une aggravation effectivement des difficultés des personnes qui avaient déjà des troubles et qui étaient déjà suivies par nous.

Ça peut être des gens qui ont été anxieux du fait du virus, qui ont eu peur de mourir avec des troubles anxieux, qui se sont installés. Ça peut être des troubles du sommeil qui sont apparus au moment où les mesures de restriction se sont mises en place, à la fin de l'été. Ça peut être des troubles du sommeil, de l’irritabilité, un sentiment que la période n'aura pas de fin. Qu’on ne va pas s'en sortir. Ça peut être différent de petites manifestations aspécifiques qui peuvent se constituer en troubles anxieux ou en troubles dépressifs.

Le diagnostic qu'on va retenir, ce sont les troubles anxieux et les troubles dépressifs. Mais auparavant, cela commence par des manifestations aspécifiques qui peuvent exister chez chacun d'entre nous et auxquelles il faut être vigilant. Le conseil pour la population, c'est de faire attention à ses proches, les écouter pour permettre de partager un petit peu la difficulté. Et puis si, on remarque qu'il vaut moins bien les inciter à aller consulter. »

Valérie Gauriat : « Est-ce que tout le monde et susceptible d'avoir ce type de problème ? Personne n'est immunisé ? »

Nicolas Franck : « Personne n’est immunisé. La santé mentale est pour tous. On a tous un capital de santé mentale qui est plus ou moins fragile en fonction de notre vulnérabilité personnelle. Et là ce capital est d'autant plus entamé qu'il y a tous les éléments surajouter dont on vient de parler et en particulier ce confinement, cette impossibilité de circuler librement et cette rupture des contacts sociaux à la fois parce que certains sont enfermés seuls pendant le confinement. Et même quand on peut circuler, on a tous des masques, donc ça ne facilite pas la communication. C'est un motif de souffrance psychologique parce que la communication est essentielle à l'être humain, bien évidemment, comme la circulation, comme la libre circulation.

Structurer son quotidien, fixer des objectifs

Pour faire face au confinement à titre individuel, je pense qu'il faut essayer de reprendre un petit peu de maîtrise. Pour reprendre de la maîtrise. Il faut structurer son emploi du temps, ne pas laisser se désorganiser son sommeil, son alimentation, ses activités, mais plutôt construire ses journées. Ça, c'est au niveau quotidien. Et puis, à plus long terme, se fixer volontiers un objectif de confinement qui soit positif pour qu'il y ait une trace positive associée à cette période et rendre plus facile le fait de l'affronter. Autre élément est également crucial garder l'activité physique. C'est très important pour la santé mentale, mais aussi être solidaire. C'est plus facile d'affronter une épreuve aussi difficile à plusieurs que seul. Donc communiquer, renforcer les liens sociaux, c'est extrêmement important.

Un point important qu'il faut rappeler, c'est que l'humanité a affronté beaucoup d'épidémies dans son histoire. Elle a toujours surmonté ces épreuves. Je pense qu'il faut garder l'espoir et se projeter au-delà de l'épidémie actuelle.

Et puis, le fait que des vaccins commencent à pouvoir être distribués dans les prochains mois doit aussi donner un regain d'espoir. C'est plus facile qu'une épidémie du même ordre il y a quelques siècles, où il aurait fallu attendre l'évolution naturelle et probablement quelques années avant d'en venir à bout.

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