Cette décision fait suite à une querelle opposant, depuis 2018, le Parlement écossais et des associations se présentant comme féministes.
C'est une décision de justice qui pourrait avoir des conséquences immédiates : la Cour suprême du Royaume-Uni a statué que la définition d'une femme, en vertu de la loi sur l'égalité du pays, se réfère à une personne née biologiquement de sexe féminin.
Cette décision a été prise unanimement par cinq juges de la Cour (trois hommes et deux femmes), explique le juge Patrick Hodge. Mais selon eux, cela "ne supprime pas la protection des personnes transgenres", qui sont "protégées contre la discrimination fondée sur le changement de sexe".
Les personnes transgenres disposant d'un certificat la reconnaissant comme femme sont donc excluent de cette définition et ne seront plus considérées comme une femme aux fins de l'égalité. Elles pourront être bannies de certains espaces et groupes non-mixtes, tels que les vestiaires, les refuges pour sans-abri, les zones de baignade et les services médicaux ou de conseil réservés aux femmes.
Une victoire célébrée avec du champagne
Les prémisses de cette affaire remontent à 2018, quand le Parlement écossais prévoyait une représentation féminine de 50 % au sein des conseils d'administration des organismes publics afin d'obtenir l'égalité. Les femmes transgenres titulaires d'un certificat de reconnaissance de genre devaient être prises en compte pour atteindre ce quota.
Depuis 2004 et la création du dispositif, 8 500 personnes ont obtenu un certificat au Royaume-Uni, selon le gouvernement écossais en novembre.
Cette interprétation de la loi britannique sur l’Égalité (Equality act) de 2010 a été contestée par des groupes se présentant comme féministes. Leur recours avait été rejeté par un tribunal en 2022, mais l'association For Women Scotland avait été autorisée, l'année passée, à porter l'affaire devant la Cour suprême.
Ces associations ont célébré cette décision des juges en ouvrant, devant le tribunal, une bouteille de champagne. "Le tribunal nous a donné la bonne réponse : la caractéristique protégée du sexe, masculin et féminin, se réfère à la réalité et non à la paperasserie", a déclaré Maya Forstater, de l'association Sex Matters.
For Women Scotland (FWS) a, de son côté, affirmé "croire qu'il n'y a que deux sexes". "Nous pensions que les droits des femmes allaient reculer, et aujourd’hui les juges ont dit ce que nous avons toujours pensé : les femmes sont protégées par leur sexe biologique", s’est réjouie Susan Smith, codirectrice de FWS.
"Ne pas lier la définition du sexe à son sens ordinaire signifie que les conseils d'administration publics pourraient être composés à 50 % d'hommes et à 50 % d'hommes titulaires d'un certificat, tout en respectant légalement les objectifs de représentation des femmes", a assuré, de son côté, la directrice du groupe, Trina Budge.
Aidan O'Neill, avocat de FWS, a déclaré aux juges qu'en vertu de la loi sur l'égalité, le terme "sexe" devait se référer au sexe biologique, tel qu'il est compris "dans le langage ordinaire et quotidien". "N*otre position est que votre sexe, que vous soyez un homme ou une femme, une fille ou un garçon, est déterminé dès la conception in utero, avant même la naissance, par votre corps. C'est l'expression de la réalité corporelle. C'est un état biologique immuable"*, avait-il assuré.
Les associations qui contestaient la décision du Parlement écossais pouvaient compter sur l'autrice J.K. Rowling, qui aurait fait don de dizaines de milliers de livres sterling pour soutenir cette action.
Le gouvernement britannique s'est, lui, félicité de cette décision, affirmant qu'elle apporterait clarté et confiance aux femmes. "Les espaces non mixtes sont protégés par la loi et le seront toujours par ce gouvernement", a-t-il déclaré.
"Dire que les femmes trans sont des femmes n'a jamais été vrai dans les faits, et ne l'est plus non plus en droit", s'est réjouit la cheffe de l’opposition conservatrice Kemi Badenoch.
Un recul pour les droits des personnes transgenres
Des voix se sont déjà élevées contre cette décision. C'est le cas des Verts écossais, qui affirment leur opposition à la Cour suprême britannique. La députée Maggie Chapman a assuré, que cette décision était "profondément préoccupante pour les droits de l'homme", mais qu'elle continuera de "soutenir les personnes transgenres" et "de résister à la guerre culturelle agressive qui est menée contre elles".
Cette décision est "incroyablement inquiétante pour la communauté transgenre et pour tous ceux d'entre nous qui la soutiennent", a assuré Stonewall, association de défense des droits des LGBTQ+. Simon Blake, PDG, a également indiqué que Stonewall "poursuivra son travail avec le gouvernement et les parlementaires afin d'obtenir l'égalité des droits pour les personnes LGBTQ+".
Hannah Ford, avocate spécialisée dans le droit du travail, a déclaré que, même si l'arrêt apportera de la clarté, il constituera un recul pour les droits des transgenres et qu'il faudra mener une "bataille difficile" pour faire en sorte que les lieux de travail soient des endroits accueillants pour les transgenres. "Cette décision sera vraiment blessante pour la communauté transgenre", a-t-elle assuré à Sky News.
De son côté, Amnesty International a déclaré que l'exclusion des personnes transgenres des protections contre la discrimination sexuelle était en contradiction avec les lois sur les droits de l'homme.
L'ONG s'est également dite préoccupée par la détérioration des droits des personnes transgenres au Royaume-Uni et à l'étranger. "Une politique générale consistant à interdire aux femmes transgenres l'accès aux services non-mixtes n'est pas un moyen proportionné d'atteindre un objectif légitime", a-t-elle écrit.