Le géant de la mode éphémère Shein a été épinglé par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour la commercialisation de poupées sexuelles à caractère pédopornographique.
Des poupées sexuelles d'apparence pédopornographique vendues sur AliExpress ont été retirées de la plateforme de commerce électronique chinoise, peut-on constater ce lundi 3 novembre sur le site du détaillant.
L'information a été d'abord publiée par RMC.
Il s’agit de "véritable poupée en silicone", qualifiée de "vraie poupée, adulte mâle" sur le site AliExpress, vendue à 247 euros, dont la photo est similaire au modèle qui était en vente sur la plateforme Shein, relève, pour sa part, franceinfo.
Les poupées sont retirées des plateformes Shein et d'AliExpress. On ignore pour l'instant si la Direction générale de la concurrence, de la protection des consommateurs et de la lutte contre la fraude (DGCCRF) a été informée de la situation sur AliExpress.
"Il n'y a pas que Shein, il y en a bien d'autres, nous avons été alertés sur d'autres cas", a confirmé lundi la haute-commissaire à l'Enfance, Sarah El Haïry, sur franceinfo, annonçant avoir "engagé des contrôles plus larges, des procédures sur les autres plateformes". "Ces procédures peuvent aller jusqu'à 10 ans de prison et 75 000 euros d'amende", a rappelé la haute-commissaire à l'Enfance, qui dit vouloir remonter jusqu'aux fournisseurs de ces poupées, "quel que soit l'endroit dans le monde où ils sont".
La haute-commissaire à l'Enfance avait annoncé dimanche son intention de convoquer "l'ensemble des grandes plateformes" de commerce électronique. "Je veux comprendre qui a autorisé la vente de ces objets, quels sont les processus qui ont été mis en place, pour que ça ne se reproduise pas, (et) qui sont les fournisseurs parce qu'il y a bien des gens qui produisent ces poupées absolument ignobles", a-t-elle dit. "Une plateforme qui accepte de commercialiser ces objets est d'une certaine manière complice", selon elle.
Elle a évoqué la possibilité d'une "discussion" avec Shein pour obtenir la communication des fichiers des acheteurs de ces poupées en France. "Les gens qui ont acheté ces poupées ont utilisé leur carte de crédit, ils se sont fait livrer à leur domicile ou à leur bureau", a-t-elle poursuivi. "Ce ne sont pas des objets pornographiques, ce sont des objets pédocriminels", a-t-elle spécifié, soulignant que détenir des objets et images pédocriminels "tombe sous le coup de la loi".
Shein dans l’œil de la tempête
Le vendredi 31 octobre, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a constaté que le site de e-Commerce SHEIN commercialisait des poupées sexuelles d'apparence enfantine.
Selon le communiqué de la presse de la DGCCRF, "leur description et leur catégorisation sur le site permettent difficilement de douter ducaractère pédopornographique des contenus".
Les faits ont été signalés "immédiatement" au procureur de la République, ainsi qu'au régulateur de la communication audiovisuelle et numérique, l'Arcom.
Selon une source au ministère de l'Economie, le dossier est dans les mains du parquet de Paris. Contacté par l'AFP, ce dernier n'a pas répondu dans l'immédiat.
Le ministre du Commerce, Serge Papin, a indiqué sur X que "l'Etat ne faiblira pas pour protéger les Françaises et les Français".
Une poupée avec les traits et le corps d’une fillette
Selon le Parisien qui a été le premier à révéler la sordide affaire, "l’annonce est glaçante. Une poupée avec les traits et le corps d’une fillette. Dans les bras, un ours en peluche. À côté, ce descriptif sordide : « poupée sexuelle (…) jouet de masturbation masculine avec corps érotique et vrai vagin et anus ». Le tout pour 186,94 euros".
"Cette offre commerciale ne sort pas des tréfonds du Dark net mais d’un des plus importants sites d’e-commerce au monde", continue le quotidien.
Les poupées font 80 centimètres. "Il y a même des commentaires des acheteurs", s'indigne Alice Vilcot-Dutarte, porte-parole de la DGCCRF citée par le journal.
La Répression des fraudes rappelle que la diffusion de représentations à caractère pédopornographique, est passible de peines pouvant aller jusqu'à sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende. Et l'absence de mesure de filtrage jusqu'à trois ans de prison et 75.000 euros d'amende.
Dans un communiqué transmis à l'AFP, la marque chinoise a indiqué que les produits "ont été immédiatement retirés de la plateforme dès que nous avons eu connaissance de ces problèmes", assurant appliquer "une politique de tolérance zéro" en la matière.
Une "enquête" interne est en cours "sur la manière dont ces annonces ont pu contourner nos dispositifs de contrôle", ainsi qu'"une revue complète afin d'identifier et de retirer tout produit similaire susceptible d'être mis en vente par d'autres vendeurs tiers".
Après le retrait de la poupée en question du site Shein, les offres de poupées sexuelles en général - si on juge par les résultats de recherches Google, même sommaires - y sont aussi passées sous la coupe.
Le géant de la mode éphémère en ligne s'implante "en physique" à Paris
Le détaillant chinois de mode en ligne pour adultes et enfants, fondé en 2008, s'est vite imposé à l'Occident comme un des géants de la mode éphémère (fast-fashion).
L'enseigne est arrivée en France en 2015 et, selon une étude de l'application de shopping Joko citée par Bourse Direct, est devenue l'enseigne de mode où les Français ont dépensé le plus en 2024.
Pourtant, Shein est aussi régulièrement accusée de concurrence déloyale, de pollution environnementale ou de conditions de travail indignes.
Visée par une proposition de loi contre l'essor de la mode jetable ultra-éphémère, Shein a écopé cette année en France de trois amendes, d'un total de 191 millions d'euros, pour non-respect de la législation sur les cookies en ligne, fausses promotions, informations trompeuses, et pour ne pas avoir déclaré la présence de microfibres plastiques dans ses produits.
Mais, à part donc de possibles nouvelles poursuites judiciaires, le scandale tombe en un moment particulièrement délicat pour Shein à quelques jours de l'ouverture, mercredi 5 novembre, de son premier magasin physique pérenne à Paris dans les murs du BHV Marais.
Ce mariage de la vénérable enseigne située face à la mairie de Paris a provoqué la colère des commerçants et a poussé plusieurs marques françaises à quitter le BHV. Dernier exemple de protestation en date : selon le HuffingtonPost, Disneyland Paris a renoncé à son partenariat pour les animations et la vitrine de Noël avec le BHV.
La boutique sera installée au sixième étage du Bazar de l’Hôtel de Ville, grand magasin historique du cœur de la capitale, a confirmé ce vendredi 31 octobre la Société des grands magasins (SGM) sur Instagram. Shein et la SGM ouvriront un espace de plus de 1 000 m².
Avec la Société des Grands Magasins (SGM), propriétaire du BHV depuis 2023, Shein va également investir cinq autres magasins dans les prochaines semaines, aux Galeries Lafayette de Dijon, Reims, Grenoble, Angers et Limoges.