Un adolescent de 12 ans a été blessé par balle ce week-end à Grenoble, à proximité d'un point de vente de drogues. Un drame qui souligne l'évolution des violences liées au narcotrafic, dont les victimes aussi bien que les acteurs sont de plus en plus jeunes.
Un jeune garçon de 12 ans se trouve toujours dans le coma après avoir été blessé par balle sur un point de vente de drogue à Grenoble, dans la nuit de samedi à dimanche. Ses agresseurs ont pris la fuite et sont toujours activement recherchés.
L'identité de la victime n'a pas encore été confirmée, mais "il pourrait être un mineur non accompagné d’origine nord-africaine, né en décembre 2012", a indiqué le procureur adjoint de la République de Grenoble, François Touret-de-Coucy.
"À la suite d’un relevé d’empreintes , ce mineur ressort sous plusieurs identités, dont une pour laquelle il est convoqué devant le juge des enfants de Grenoble le 10 décembre pour détention et offre ou cession de stupéfiants", a-t-il ajouté.
Le parquet de Grenoble indique que le jeune garçon a multiplié les fugues de son foyer ces dernières semaines, très probablement pour se livrer au trafic de drogue. Une enquête pour "tentative de meurtre" a été confiée à la police judiciaire.
Si la thèse d'un règlement de comptes dans le cadre du narcotrafic est confirmée, l'adolescent en serait l'une des plus jeunes victimes de ces dernières années.
"Un point de bascule"
Ce drame survient quelques jours après qu'un jeune homme de 20 ans a été abattu par deux individus armés à moto, en pleine journée, jeudi, devant une salle de concert à Marseille.
Le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, a confirmé le lendemain sur France Info que la victime était "un jeune frère d'Amine Kessaci", un militant écologiste engagé contre le narcotrafic.
En 2020, la famille Kessaci avait déjà été endeuillée par le meurtre de Brahim, 22 ans, un autre jeune frère d'Amine, dont le corps a été retrouvé carbonisé dans un véhicule.
Après ce nouvel assassinat, Nicolas Bessone n'a pas exclu pas la thèse d'un acte visant à intimider Amine Kessaci, qui était sous protection policière depuis quelques semaines.
"Je ne peux pas être affirmatif, mais c'est effectivement l'une des hypothèses qu'explore la police judiciaire. Si tel était le cas, on franchirait effectivement un point de bascule", a-t-il déclaré vendredi sur France 2 Marseille.
La veille, mercredi, un jeune homme de 23 ans avait été tué dans une fusillade à Écully, dans la banlieue lyonnaise, par trois individus munis d'armes longues.
"La piste privilégiée est un règlement de compte sur fond de trafic de drogue", avait déclaré à CNEWS Alain Barberis, secrétaire régional Auvergne-Rhône-Alpes Alliance police nationale.
Ces crimes - qui touchent des victimes de plus en plus jeunes ou n'étant pas impliquées personnellement dans le trafic de drogue - révèlent un changement de la violence liée au narcotrafic en France, illustré par le terme "narchomicide".
Ce mot-valise, contraction des termes "narcotrafic" et "homicide", a été employé pour la première fois par Dominique Laurens, procureure de la République à Marseille, dans un communiqué datant du 31 août 2023.
"Le règlement de comptes a une signification en termes policiers. On n’est pas véritablement dans la notion de règlement de comptes, mais vraiment sur des homicides liés au narcobanditisme", a-t-elle expliqué.
Les saisies de drogue en forte hausse
Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, les violences liées au narcotrafic ont fait 110 morts et 341 blessés en 2024 dans l'Hexagone. Ces chiffres étaient en baisse par rapport à 2023 (139 morts et 413 blessés)
Cette diminution est due en partie à la fin de la guerre entre DZ Mafia et Yoda, deux groupes criminels rivaux de Marseille, qui était à l'origine d'une part importante des narchomicides de 2023, a précisé à l'AFP une source policière.
Cette dernière a cependant souligné que les chiffres de 2024 "restent supérieurs à 2022 et à 2021".
Par ailleurs, les autorités signalent une forte hausse des saisies de drogues : un total de 53,5 tonnes de cocaïne a été confisqué en 2024 en France, soit une augmentation de 130 % comparé à 2023.
Le ministère de l'Intérieur souligne que la France est "à la fois une zone de transit et une zone de consommation" des drogues de synthèse, et alerte sur une "forte croissance" de la "consommation des nouveaux produits de synthèse".
Sur les 176 personnes poursuivies pour assassinat et tentatives d’assassinat, "un quart" d’entre elles étaient âgées "de moins de 20 ans", dont 16 étaient mineures. Un phénomène qui "touche particulièrement la moitié sud de la France", ajoutent les autorités.
Pour renforcer la lutter contre le narcotrafic, le gouvernement a promulgué en juin une nouvelle loi qui introduit "un arsenal juridique renforcé, en créant notamment un parquet spécialisé contre la criminalité organisée".
La loi confère "des moyens élargis, comme l’utilisation accrue de techniques spéciales (écoutes, surveillances) et la possibilité de poursuites pour appartenance à un réseau criminel structuré", et permet de mieux "encadrer l’exécution des peines pour les trafiquants les plus dangereux", affirment les autorités.
La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a déclaré dimanche sur BFMTV que la "lutte contre les points de deal et le narcotrafic" était une "priorité" pour l'État français.