La Russie a achevé la mise au point de son missile de croisière à propulsion nucléaire Bourevestnik, que l'OTAN considère comme une menace majeure en raison de sa portée illimitée et de sa grande maniabilité.
La nouvelle super-arme de Vladimir Poutine, baptisée « 9M730 Bourevestnik » (Pétrel ou Oiseau de tempête, en français), semble être achevée. Ce missile expérimental à propulsion nucléaire thermique et à tête nucléaire peut apparemment rester en vol pendant des heures, échapper à tous les systèmes de défense et représente donc une menace potentielle de grande envergure.
Pour l'Europe, un Bourevestnik opérationnel serait un cauchemar stratégique. S'il s'avérait que la Russie déploie effectivement ce système, l'OTAN serait confrontée à un nouveau facteur de risque difficilement maîtrisable. L'OTAN considère cette super-arme - un missile de croisière à propulsion nucléaire portant le nom de code SSC-X-9 Skyfall - comme particulièrement préoccupante, selon un document classé secret de l'OTAN.
Ce document provient du service de renseignement de l'alliance militaire, rapporte le journal Die Welt. Les experts y examinent l'arsenal modernisé des forces nucléaires stratégiques russes.
Il y a trois semaines, le président russe Vladimir Poutine a annoncé publiquement le succès des essais du missile de croisière (après en avoir, aussi en personne, dévoilé l'existence, avec cinq autres armes stratégiques russes, le 1er mars 2018.
En octobre 2023, les services de renseignement américains estimaient que la Russie avait tenté treize vols d’essais, se soldant tous par des échecs.
Que peut faire le Bourevestnik ?
Selon le document de l'OTAN, le missile de croisière atteint une vitesse supérieure à 900 km/h. Il serait très maniable, disposerait d'une grande portée et pourrait être lancé à partir de systèmes mobiles. Il pourrait ainsi effectuer de longs détours et échapper à la défense antiaérienne de l'OTAN. Selon l'OTAN, « les défis existants (...) seraient encore aggravés par la portée et la maniabilité extrêmes » du missile, indique le document.
La caractéristique principale du Bourevestnik est son réacteur nucléaire. Contrairement aux missiles de croisière traditionnels (qui fonctionnent au kérosène, à des carburants synthétiques ou solides et ont une portée limitée), ce propulseur utilise l'énergie nucléaire, ce qui confère théoriquement au missile une portée quasi illimitée.
Cela signifie que le Bourevestnik peut parcourir des dizaines de milliers de kilomètres sans avoir besoin de se ravitailler, rester longtemps en vol, changer de cap et attaquer des cibles dans toutes les directions. Il peut ainsi contourner les systèmes de défense antimissile, même au-dessus des régions méridionales et polaires, où la surveillance est minimale.
Certains experts soulignent toutefois que le missile de croisière n'atteint pas une vitesse hypersonique et devient donc d'autant plus vulnérable qu'il reste longtemps en vol.
Les experts de l'OTAN s'intéressent également à un nouveau missile mobile à moyenne portée russe, le SS-X-28 Orechnik. Celui-ci a été testé pour la première fois en Ukraine en novembre 2024, mais on dispose encore de peu d'informations sur ses caractéristiques techniques.
Les experts occidentaux s'inquiètent surtout de sa portée pouvant atteindre 5 500 kilomètres et de la possibilité d'équiper l'ogive de différentes munitions, y compris nucléaires. Le document précise à ce sujet : « La capacité d'attaquer des cibles partout en Europe, combinée à la grande mobilité du dispositif de lancement, garantit un taux de survie élevé. Le flou qui entoure les ogives utilisées pose des défis à l'OTAN en matière de défense. »
Orechnik devrait être déployé au Bélarus
Le Bélarus déploiera en décembre des missiles hypersoniques russes à moyenne portée de type Orechnik. Les préparatifs sont sur le point d'être achevés, selon l'agence de presse russe officielle Tass, qui cite Natalya Eismont, porte-parole du président bélarusse Alexandre Loukachenko. Selon Loukachenko, ce déploiement est une "réponse à l'escalade de la part de l'Occident".
Le document de l'OTAN identifie également comme un problème le drone sous-marin Poséidon à capacité nucléaire, dont les systèmes devraient être opérationnels d'ici 2030. Le Poséidon aurait une portée considérable et aurait été conçu pour « détruire les bases navales, les ports et les villes côtières du Pacifique, de la côte est des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France ».
Selon ce document, les sous-marins transportant des drones Poséidon seraient « difficiles à détecter et à attaquer lorsqu'ils opèrent en eaux profondes ». L'OTAN ne dispose actuellement pas de « torpilles anti-sous-marines ayant la vitesse et la portée nécessaires » pour lutter efficacement contre les drones Poséidon.
Le document indique clairement que l'OTAN présente des lacunes, en particulier dans ses capacités à moyenne et longue portée, notamment en matière d'armes nucléaires.
Mais certains experts tempèrent les propos concernant le Bourevestnik : même si la Russie avait réussi à faire fonctionner de manière fiable le réacteur nucléaire de son « oiseau de tempête », il resterait à déterminer si ce missile de croisière offre un avantage significatif à l'arsenal russe.
Fabian Hoffmann, chercheur au sein du projet nucléaire de l'université d'Oslo, a même qualifié le Bourevestnik sur X d'arme « inutile et superflue ».
Selon des observateurs, cinq scientifiques russes ont perdu la vie en 2019 lors d'un test du Bourevestnik sur un site militaire. Plusieurs employés ont été projetés dans la mer. On ignore encore si des personnes ont succombé aux radiations. Une augmentation du niveau de radioactivité a ensuite été mesurée dans les environs.
La conception d'un réacteur nucléaire combiné à une arme nucléaire avait déjà été rejetée par les États-Unis dans les années 1950 en raison des risques incalculables qu'elle présentait.
Selon William Alberque, associé principal au Pacific Forum et ancien directeur de l'OTAN pour le contrôle des armements, le désarmement et la non-prolifération nucléaire, le risque le plus grave se présenterait en cas de tir, comme il l'a déclaré au journal Süddeutsche Zeitung : si un Bourevestnik était touché, des matières radioactives provenant de son réacteur nucléaire pourraient se disperser sur une vaste zone, « comme un mini-Tchernobyl dans le ciel ».
D'ailleurs, Bourevestnik est souvent appelé "un Tchernobyl volant".
L'expert nucléaire indépendant Pavel Podvig s'est quant à lui montré prudent dans ses déclarations à la DW : « Je serais prudent avant d'affirmer qu'il s'agit d'un Tchernobyl volant. S'il y avait eu un rejet de rayonnements radioactifs, on l'aurait remarqué. » Un crash du missile au décollage ou en vol serait donc probablement plus risqué, selon lui.