Parasite, la Palme d'or qui vient de Corée est brillante et jubilatoire

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Par Frédéric Ponsard
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C'est le film d'un virtuose qui a reçu cette année la Palme d'or à Cannes. Parasite est une oeuvre complexe qui cache longtemps son jeu avant d'apparaître sous son vrai jour : celui d'un grand film politique et social sur la lutte des classes.

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Parasite de Bong Joon Ho (Corée du sud, 2h12)

Sortie le 5 juin 2019.

C'est le film d'un virtuose qui a reçu cette année la Palme d'or à Cannes. Parasite est une oeuvre complexe qui cache longtemps son jeu avant d'apparaître sous son vrai jour : celui d'un grand film politique et social sur la lutte des classes.

Bong Joon-Ho est loin d'être un inconnu pour les cinéphiles du monde entier, même si son patronyme est difficile à retenir pour nos oreilles francophones. Il y a 15 ans sortait Memories of Murder qui reste gravé dans les mémoires de ceux qui l'ont vu : un thriller palpitant et pour le moins angoissant sur l'affaire non résolue du premier tueur en série coréen... Suivront The Host qui mélange (déjà) les genres, entre comédie satirique et film de monstres, Mother, touchante chronique de moeurs sur la famille, puis Snowpiercer, Le Transperceneige, adaptation haletante de la bande dessinée culte post apocalyptique créée par les Français Jacques Lob et Jean-Marc Rochette. Viendra enfin Okja, ode écologique et anticonformiste en 2017 qui aura les honneurs de la Sélection officielle à Cannes, sous les couleurs de Netflix, une première dans l'histoire du festival.

Sa filmographie montre l'éclectisme du cinéaste et sa capacité à brasser les genres pour mieux se les approprier et les renouveler. C'est précisément ce qu'il fait dans ce Parasite de haute volée qui va habilement commencer comme une comédie légère pour devenir beaucoup plus dramatique, en flirtant du côté du thriller pour finir... nous ne vous le dirons pas !

A l'instar de Quentin Tarantino pour Il était une fois... à Hollywood, Bong Joon Ho a en effet écrit une lettre à l'attention des journalistes, leur demandant de ne rien dévoiler de l'intrigue : "Je vous demande de bien vouloir protéger les émotions des spectateurs : Quand vous écrirez une critique du film, je vous prie de bien vouloir éviter de mentionner ce qui va se passer après que le fils et la fille aient commencé à travailler chez les Park, tout comme les bandes annonces s’en sont gardées. Ne rien révéler au-delà de cet arc narratif sera, pour le spectateur et l’équipe qui a rendu ce film possible, une véritable offrande"

Le film commence donc chez les Ki-taek, une famille qui vit dans un entresol insalubre de Séoul : les parents sont au chômage, et les enfants (une fille et un garçon) ont quitté leurs études. Ils vivent d'expédients jusqu'au jour où un ami du jeune homme lui propose de le remplacer pour des cours particuliers chez les Park, une famille aisée de la bourgeoisie. Lorsqu'il arrive chez eux, il découvre le luxe et l'opulence, mais aussi la naïveté de la maîtresse de maison. Il y voit l'opportunité de faire embaucher sa soeur comme professeur d'art plastique, ce qu'elle n'est évidemment pas...

Nous ne dévoilerons effectivement rien d'autre car, oui, les enchaînements et multiples rebondissements du récit nous font tomber de Charybde en Scylla, et passer par toutes les émotions : du rire à la peur, de la compassion à la consternation... Il y a aussi une formidable brochette d'acteurs qui composent le casting (la famille pauvre et la famille riche, sans oublier leur gouvernante...) et font la réussite du film. Le réalisateur leur a d'ailleurs rendu un vibrant hommage, comme en témoigne l'interview que nous avons réalisé juste après la remise de la Palme d'or à Cannes :

La Corée du sud, déjà bien représentée sur la carte du cinéma mondial avec Lee Chang-dong ou Park Chan-wook, trouve avec cette première Palme la consécration et la confirmation qu'elle est une grande nation de cinéma. Bong Joon Ho est en tout cas le parfait représentant du croisement d'un cinéma de divertissement "à l'américaine" et d'un cinéma plus dérangeant qui pousse les limites scénaristiques de la fiction pour mieux dénoncer une réalité sociale et économique réelle. Ici, le choc se produit entre une famille prolétaire, avide, mais malgré tout attachante, et une famille aisée, bienveillante mais inadaptée qui ne voit pas au delà des hauts murs de sa belle demeure.

Il explique lui-même que "dans la société capitaliste d’aujourd’hui, il existe des rangs et des castes qui sont invisibles à l’oeil nu. Nous les tenons éloignés de notre regard en considérant les hiérarchies de classes comme des vestiges du passé, alors qu’il y a encore aujourd’hui des frontières infranchissables entre les classes sociales. Je pense que ce film décrit ce qui arrive lorsque deux classes se frôlent dans cette société de plus en plus polarisée".

Au final, Parasite explose littéralement toutes ces barrières, c'est jouissif et cruel, et l'on ressort comme groggy de ces deux heures de grand cinéma. A voir de toute urgence.

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