Sonya Yoncheva et Javier Camarena ensorcellent Madrid dans "Il Pirata"

Sonya Yoncheva et Javier Camarena ensorcellent Madrid dans "Il Pirata"
Par Katharina Rabillon

Trahison, désespoir et folie. Sonya Yoncheva explore tous les sentiments en jetant de nouveau son dévolu sur un rôle féminin fort : Imogene, l'héroïne de l'opéra de jeunesse signé Bellini : "Il Pirata". Son amant tragique Gualtiero est incarné avec passion par Javier Camarena au Teatro Real de Madrid.

"De la première à la dernière note, c'est un défi constant, c'est de la gymnastique vocale," fait remarquer Sonya Yoncheva. "Mais après tout, c'est cela, le Bel Canto, n'est-ce pas ? C'est pour cela qu'on l'aime tant," dit-elle avant d'ajouter dans un sourire : "C'est notre discipline la plus sportive."

Le ténor Javier Camarena parcourt la partition, puis nous montre "le plus difficile à chanter pour moi dans cet opéra," confie-t-il avant de fredonner : "Per noi tranquillo un porto... Comme j'ai souffert avec ça !" reconnaît-il, amusé.

Défis techniques...

L'opéra de Bellini si chargé en émotion est rarement présenté sur scène car il exige notamment que la voix humaine atteigne ses limites.

"Il faut replacer cet opéra dans son contexte," estime Javier Camarena, "parce que quand Bellini l'a composé, la technique vocale en vogue, c'était celle du Falsetto : c'est une voix de tête qui permet d'atteindre ces notes plus facilement."

Et émotionnels

Imogene est amoureuse d'un comte exilé devenu pirate, mais elle a été forcée d'épouser son pire ennemi et de lui donner un enfant. 

Un rôle qui parle à la soprano Sonya Yoncheva : "Dans ma vie, j'ai eu la chance de pouvoir être avec les personnes que j'aime et elle, elle n'a pas eu cette chance. C'est le drame qu'elle vit," explique-t-elle.

"Là où je la comprends totalement," poursuit-elle, "c'est dans le fait qu'elle a un enfant et c'est une immense responsabilité."

"Elle traîne la souffrance qu'elle a endurée"

A la fin de l'opéra, Imogène s'enfonce peu à peu dans la folie.

Auteur de la mise en scène de cette production, Emilio Sagi décrit ce moment : "Elle avance sur scène avec un gigantesque rideau noir comme si elle traînait derrière elle, toute la souffrance qu'elle a endurée dans sa vie."

"Ce qui m'a fasciné dans "Il Pirata"," renchérit le metteur en scène espagnol, "c'est cette vision gothique de la souffrance et cet excès de sentimentalisme."

Sonya Yoncheva s'enthousiasme également pour cette œuvre : "Je me souviens de la première fois où j'ai écouté cet air - j'en ai encore la chair de poule -, cette musique m'a tellement touchée."

"Ce moment calme dans la musique alors qu'on sait qu'elle est totalement folle, c'est absolument irrésistible : c'est quelque chose qui nous déchire le cœur immédiatement," souligne-t-elle.

Des représentations de l'opéra "Il Pirata" sont programmées au Teatro Real de Madrid jusqu'au 20 décembre.