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Gary Barker et Shamsi Kazimbaya
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Par Gary Barker et Shamsi Kazimbaya
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Il n'y pas que la Scandinavie. Certains des exemples récents les plus créatifs et les plus percutants d'hommes s'engageant en tant qu'alliés pour l'égalité des femmes et des filles viennent d'un autre endroit : l'Afrique subsaharienne.

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#MeToo a jeté une lumière crue et nécessaire sur la violence masculine envers les femmes, s'appuyant sur le travail de milliers de militantes et militants des droits des femmes ainsi que d'ONG du monde entier qui, depuis des décennies, réclament la pleine égalité des femmes.

Mais nous devons parler des hommes.

L'égalité que les femmes recherchent est l'égalité vis-à-vis des hommes. De ces hommes qui occupent des postes de pouvoir plus importants qu'elles, ces hommes qui gagnent des salaires plus élevés que les leurs, qui exercent une violence sur elles, ces hommes indifférents à l'égard de l'égalité des sexes (ou indifférents au soutien). Cela doit également faire partie de la conversation sur l'égalité des sexes dans le monde.

De récentes enquêtes menées au Royaume-Uni, au Danemark et ailleurs ont révélé qu'en fait de nombreux hommes pensent que le féminisme est allé trop loin ou que l'égalité des sexes a déjà été atteinte. Certains hommes sont contrariés par cette conversation, et finissent souvent par s'orienter vers des groupes anti-féministes organisés tels que "Men Going Their Own Way." ("Hommes choisissant leur propre direction")

Pendant des décennies, voire des siècles, le pouvoir des hommes sur les femmes, les salaires plus élevés des hommes et le nombre plus élevé d'hommes dans les parlements et les postes de direction, sont restés largement incontestés par les hommes. C'est ce que fait le pouvoir ; il se rend invisible et incontestable. Lorsque nous évoquons le fait que les femmes gagnent, en moyenne, 17 % de moins que les hommes dans les mêmes professions, de nombreux hommes se tournent vers l'argument selon lequel ils ont travaillé pour ces salaires plus élevés et qu'ils les méritent davantage. Les poissons ne voient pas l'eau dans laquelle ils nagent, et beaucoup d'hommes ont tendance à ne pas voir cette chose que nous appelons le patriarcat. Quand on le leur fait remarquer, ils ne veulent pas en parler.

Comment, alors, pouvons-nous impliquer les hommes dans ces conversations et accélérer les progrès vers l'égalité ? Une stratégie consiste à aider les hommes à voir comment leurs idées néfastes sur la virilité les affectent eux-mêmes en termes de mauvaise santé, de problèmes de santé mentale et d'impact de la violence sur leur propre vie.

Mais discuter ne suffit pas. Nous avons besoin que les hommes interpellent d'autres hommes qui utilisent la violence ou abusent de leur pouvoir. Nous avons besoin que les hommes fassent leur part du travail de soin, qu'ils se tiennent aux côtés des femmes au travail, qu'ils réclament l'égalité des salaires et l'égalité des chances pour les postes à responsabilité pour les femmes.

Souvent, nous nous tournons vers la Scandinavie ou le Canada pour voir à quoi ressemble des hommes alliés aux femmes en matière d'égalité des sexes. Mais certains des exemples les plus créatifs et les plus percutants d'hommes s'engageant en tant qu'alliés pour l'égalité des femmes et des filles viennent d'un autre endroit : l'Afrique subsaharienne. Ces vingt dernières années, on a assisté sur tout le continent à une expansion passionnante d'approches créatives et fondées sur des données probantes, qui associent les hommes à la recherche de solutions.

En Afrique du Sud, la campagne One Man Can Campaign de Sonke Gender Justice a permis de faire évoluer les idées sur la virilité au niveau communautaire, de réduire la violence des hommes à l'égard des femmes et d'améliorer les résultats en matière de VIH, car les hommes prennent leur rôle dans la santé sexuelle plus au sérieux. En outre, les militants masculins – jeunes et adultes – qui font partie de l'initiative, travaillent avec les femmes pour tenir que la police locale et les autorités gouvernementales responsables de la mise en œuvre des lois existantes sur la violence sexiste et l'inégalité entre les sexes.

En Ouganda, Raising Voices a développé Sasa !, un projet de changement de normes et de responsabilité communautaire qui permet d'ouvrir le dialogue entre les hommes et les femmes, des dirigeants locaux aux commerçants en passant par les jeunes parents, pour trouver leur intérêt commun à mettre fin à la violence des hommes envers les femmes. Cette approche, dont l'efficacité a été démontrée, est actuellement mise en œuvre dans diverses régions d'Afrique de l'Est et au-delà.

Dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, le Fonds des Nations unies pour la population, en partenariat avec la Banque mondiale et notre organisation, Promundo, soutient les "écoles de maris" et les "écoles de futurs maris". Le programme utilise une approche sexospécifique pour inciter les hommes à parler de la manière de mettre fin à des pratiques néfastes telles que le mariage d'enfants. Ce programme aide à faire des hommes des alliés dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive des femmes.

Un participante au "club des maris" au Burkina Faso témoigne ainsi : "Les relations dans nos foyers sont meilleures ; nos vies ont vraiment changé. Quand je rentre à la maison, je parle à ma femme et je fais beaucoup de choses que je ne faisais pas avant. Nous sommes tous gagnants parce que c'est sain".

Au Rwanda, Promundo s'associe au Centre de ressources pour hommes rwandais (Rwamrec) pour inciter les hommes à s'engager par le biais de la formation des pères. Les couples en attente d'un enfant sont recrutés lors des visites prénatales. Les sujets abordés sont la communication au sein du couple, le développement de l'enfant, la santé de la famille et les craintes des hommes à l'idée de devenir pères. Les hommes sont également encouragés à assumer de nouvelles tâches ménagères – et c'est ce qu'ils font. Une évaluation d'impact portant sur plus de 1 000 couples, près de deux ans après les ateliers, a révélé une participation accrue des hommes aux activités ménagères et une réduction spectaculaire de la violence à l'égard des femmes – près de 50 % de moins que le groupe témoin. Sur la base des résultats, le ministère de la santé a décidé d'étendre le programme à l'échelle nationale.

Ce ne sont là que quelques exemples, souvent en partenariat avec les gouvernements et les Nations unies, qui changent la façon dont des hommes dans certaines régions d'Afrique perçoivent leur rôle dans l'émancipation des femmes. Ces programmes sont menés en partenariat avec les principales organisations de défense des droits des femmes et avec les femmes et les jeunes filles des communautés où ils sont mis en œuvre.

Lorsqu'ils fonctionnent bien, les hommes en perçoivent les multiples avantages. Un participant rwandais explique ainsi : "J'ai vu que je la maltraitais en insistant pour avoir des relations sexuelles alors qu'elle ne le voulait pas. Ou quand je lui criais dessus et que mes enfants voyaient cela et avaient peur de moi. Maintenant [après les ateliers] les choses vont mieux, pour nous tous".

Nous devons continuer à interpeller les hommes pour qu'ils réparent le mal qu'ils ont fait. Mais tous ces programmes appellent aussi les hommes à participer et les aident à comprendre qu'ils ont intérêt à avoir des relations respectueuses et attentionnées avec leur partenaire et leurs enfants, plutôt que des relations basées sur la domination. Ces leçons sont très utiles pour l'Europe et l'Amérique du Nord également, et nous aident à changer les idées colonialistes et racistes selon lesquelles les hommes africains (et les hommes du Moyen-Orient, et les hommes d'Amérique latine) sont des brutes machistes et que les hommes du Nord ont tout compris.

Aucun pays au monde n'a compris ce qu'est une virilité saine et aucun pays n'a atteint la pleine égalité pour les femmes. En attendant, il y a beaucoup à apprendre de l'Afrique, et des nombreux hommes qui font déjà partie de la cause d'une masculinité saine et équitable.


Gary Barker, PhD, est une voix de premier plan à l'échelle mondiale pour impliquer les hommes et les garçons à faire progresser l'égalité des sexes et les masculinités positives. Il est le PDG et le fondateur de Promundo, qui travaille depuis 20 ans dans plus de 40 pays pour faire progresser l'égalité des sexes et prévenir la violence.

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Shamsi Kazimbaya est responsable senior de programme chez Promundo. Elle a plus de 10 ans d'expérience approfondie dans la coordination de la mise en œuvre de politiques et de programmes axés sur la promotion de l'égalité des sexes, les droits des femmes et l'intégration de la dimension de genre dans la santé reproductive, maternelle et infantile.


Les opinions exprimées dans les articles de la catégorie View sont uniquement celles des auteurs.

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Ce programme est financé par le European Journalism Centre, dans le cadre du programme European Development Journalism Grants, avec le soutien de la Fondation Bill and Melinda Gates.

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