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"Nous devions inclure l'hospitalité dans l'histoire", révèlent les auteurs d'"Astérix en Lusitanie"

Fabcaro (texte) et Didier Conrad (dessin) sont les auteurs du nouvel album d'Astérix.
Fabcaro (texte) et Didier Conrad (dessin) sont les auteurs du nouvel album d'Astérix. Tous droits réservés  Ricardo Figueira / Euronews
Tous droits réservés Ricardo Figueira / Euronews
Par Ricardo Figueira
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"Astérix en Lusitanie" a battu tous les records de vente pour un lancement de livre au Portugal. Les deux auteurs se sont entretenus avec Euronews à l'occasion de la sortie de l'album au Portugal.

66 ans après les premières aventures d'Astérix, d'Obélix et d'Idéfix, les irréductibles Gaulois posent enfin le pied au Portugal, avec Astérix en Lusitanie. Il aura fallu attendre le 41e album de la série, le septième dessiné par Didier Conrad, le deuxième scénarisé par Fabcaro pour que les eux héros se rendent en Lusitanie.

Car depuis 1959 et la pré-publication, dans le magazine français Pilote, de la première aventure, Astérix et Obélix ont parcouru toutes les parties de l'Empire romain, allant en Hispanie, chez les Helvètes, chez les Goths ou même rendre visite à Cléopâtre, en Égypte.

Les Portugais ont donc dû prendre leur mal en patience pour voir les deux moustachus, qui ont séduit plusieurs générations, débarquer chez eux. Et l'attente en valait la peine, car le succès est au rendez-vous. Jamais un livre n'avait connu un tel démarrage au Portugal, ont annoncé, à Euronews, David Lopes, directeur général du groupe Leya et l'éditeur de la série au Portugal, Vítor Silva Mota.

Depuis son lancement, le 23 octobre, Astérix en Lusitanie s'est déjà vendu, en quatre jours seulement, à plus de 50 000 exemplaires au Portugal, pour un tirage initial de 80 000. Au niveau mondial, cinq millions d'exemplaires ont été imprimés, publiés dans 25 pays et 19 langues (y compris des dialectes peu parlés comme le mirandais).

Le secret de son succès ? L'humour mordant habituel, les jeux de mots, les anachronismes et les clins d'œil à l'actualité (les sujets tels que l'immigration et la domination des grands groupes économiques sont évoqués). Sans oublier, évidemment, les clichés sur les pays visités.

"Astérix en Lusitanie" est le 41e album de la série
"Astérix en Lusitanie" est le 41e album de la série. Ricardo Figueira / Euronews

Un album encore plein de clichés

En Lusitanie, on ne peut passer à côté du fado (chanté par une Lusitanienne, Amália), des pastéis de nata, de la morue (qu'Obélix déteste), du pavé portugais, des tuiles... Et de ce sentiment si portugais, la saudade, mélangeant la mélancolie, la nostalgie et l'espoir. Il est d'ailleurs bien illustré par Obélix : "Essaie d'avoir l'air triste et joyeux à la fois", dit-il.

"Le plus drôle, c'est qu'on commence à lire le livre en se disant que l'on n'est pas comme ça. Et quand vous l'avez fini, vous admettez que oui, nous sommes tout comme cela", assure l'humoriste Hugo van der Ding, qui a présenté le livre lors de la présentation officielle, dans un cinéma de Lisbonne.

Parmi les nombreux clins d'œil au Portugal, on trouve un ancêtre du tramway XXVIII à Olisipo (Lisbonne), un révolutionnaire nommé MCMLXXIV et un jeune homme qui joue au football avec le numéro VII sur son maillot.

"L'hospitalité ne faisait pas forcément partie du scénario initial"

Euronews : Pourquoi nos amis Astérix et Obélix ont-ils mis tant de temps à venir rendre visite à leurs cousins lusitaniens ?

Fabcaro : Je me posais la même question. Quand j'ai dû faire un album de voyage, je me suis rendu compte qu'ils n'étaient jamais allés au Portugal et je n'ai pas compris pourquoi. Je me suis demandé pourquoi ils avaient mis autant de temps, alors que c'était une destination évidente. Ce n'est pas loin de la Gaule, on peut y aller en bateau. C'est un pays connu, c'est un pays voisin avec une forte culture. Alors je ne sais pas ce qui leur a pris tant de temps.

Didier Conrad _: Quand on a repris la série, le Portugal est tout de suite apparu comme une possibilité, peut-être aussi parce qu'on est venu au Portugal tout de suite après "_Astérix chez les Pictes" (2013) et qu'il y avait une certaine insistance des Portugais (notamment de Vítor Silva Mota, NDLR) pour qu'on fasse un album dans leur pays. Je sais que l'auteur précédent, Jean-Yves Ferri, d'origine espagnole, ne se sentait pas très à l'aise avec le thème. En revanche, Fabrice (Caro) a tout de suite voulu venir au Portugal. L'idée nous a beaucoup plu.

Comment avoir l'air lusitanien, selon Astérix : "Avoir l'air triste et heureux à la fois".
Comment avoir l'air lusitanien, selon Astérix : "Avoir l'air triste et joyeux à la fois". Fabcaro / Didier Conrad / Goscinny+Uderzo

Euronews : Il y a toujours des clichés dans les albums d'Astérix et cette histoire ne fait pas exception. Il y a la morue, qu'Obélix déteste. Il y a les tartes à la crème, le fado... Au-delà des clichés, quels sont les aspects du Portugal et des Portugais que vous avez identifiés lors de vos voyages préparatoires et que vous avez décidé d'inclure dans l'album ?

Fabcaro : L'hospitalité. L'hospitalité ne faisait pas forcément partie du scénario initial. J'avais relevé les clichés gastronomiques, la morue, la saudade, et c'était notre point de départ. Je n'étais pas très axé sur l'hospitalité, sur le côté chaleureux et accueillant des Portugais. Lorsque nous avons rencontré l'éditeur, je me suis rendu compte que je devais ajouter cet aspect. J'ai réécrit et ajouté au scénario la partie concernant le côté accueillant et solidaire des Portugais.

Didier Conrad : Je n'étais venu ici qu'une seule fois. Ce qui m'a le plus surpris, c'est le climat, très différent de celui de l'Espagne. C'est humide et chaud. En fait, ce n'est pas si différent du Texas, où je vis. J'ai également remarqué qu'il y avait des carreaux partout, même sous les éviers. Le besoin de tout décorer est incroyable. C'est vraiment typique d'ici, je pense. D'autre part, il y a beaucoup de poisson, beaucoup de plats à base de poisson.

L'arrivée de nos héros à Olisipo (Lisbonne)
L'arrivée de nos héros à Olisipo (Lisbonne) Didier Conrad / Fabcaro / Uderzo+Goscinny

Euronews : L'héritage d'Uderzo et de Goscinny est-il difficile à perpétuer ?

Fabcaro : C'étaient deux génies. Un génie du dessin et un génie de l'écriture. C'est donc très difficile de suivre leurs traces, mais c'est une mission. En même temps, c'est une contrainte. On se dit qu'il faut garder cet esprit. Quand on fait un album de voyage, il faut garder cet esprit d'humour bienveillant, de rire ensemble, de partage. Nous voulons garder cet esprit si cher aux créateurs.

Didier Conrad : C'est un peu comme dans une grande famille. J'ai grandi avec Astérix. C'est quelque chose qui fait partie de mon quotidien affectif. C'est donc plus une tradition dans laquelle nous avons été élevés. Ce n'est pas si lourd.

Euronews : Dans votre cas précis, vous êtes le designer, vous avez votre propre style, mais vous avez dû vous adapter un peu au style d'Uderzo.

Didier Conrad : J'ai commencé à travailler sur Astérix à un peu plus de 50 ans et j'avais déjà développé un peu tout ce que je voulais développer. J'avais déjà fait plusieurs albums personnels et évoluer après un certain âge est plus difficile, parce qu'on prend des habitudes. J'ai dit à Uderzo qu'en faisant cela, je réapprenais mon métier, car j'étais obligé de revoir tout ce que je savais selon sa façon de travailler. Cela m'a fait du bien.

Euronews : Je constate que dans cet album, comme dans les précédents, vous mélangez des thèmes actuels avec des thèmes classiques. Vous parlez, par exemple, du discours anti-immigration ou du tourisme. Avez-vous lu quelque chose sur la situation au Portugal ?

Fabcaro : Je n'ai pas lu de choses spécifiques sur le Portugal, mais je connais la situation en France et j'ai l'impression d'un climat européen. D'une manière générale, je pense que nous sommes un peu dans la même situation. Chaque album pose un regard sur la société. Il y a l'histoire principale et puis il y a toujours un thème transversal. C'est toujours un instantané de la société dans laquelle il se déroule et de l'époque à laquelle l'album sort.

Euronews : Dans le prolongement de cette question, la refonte du personnage de Baba (le pirate noir) a-t-elle un rapport avec ce nouveau climat ? Parce qu'avant, c'était un personnage qui reflétait beaucoup le stéréotype que les Blancs ont des Noirs.

Didier Conrad : Il faut comprendre que le personnage de Baba est né d'une parodie d'une autre série qui passait chez "Pilote" à la même époque, une série qui s'appelait "Barbe Rouge", qui continue encore aujourd'hui, où il y avait un grand noir qui s'appelait Baba et qui parlait sans prononcer le R. C'était juste une référence à la série d'un ami, en fait. Au bout d'un certain temps, la parodie est devenue plus connue que la série originale.

Finalement, elle s'est imposée comme un stéréotype qui signifiait autre chose. De plus, nous sommes dans une période tendue en ce qui concerne la représentation des différentes ethnies ou cultures, et cela pose des problèmes, surtout pour les gens qui ne connaissent pas l'univers d'Astérix, qui le voient de l'extérieur et qui se rendent compte qu'avec tout l'impact qu'a Astérix, ce n'est pas bien de faire cela, et cela complique les choses. Ce sont surtout les éditeurs nord-américains qui ont eu un problème avec le personnage.

Baba a un nouveau design, moins stéréotypé, et il dit déjà les R
Baba a un nouveau design, moins stéréotypé, et il dit déjà les R et les R. Fabcaro / Didier Conrad / Goscinny+Uderzo

Euronews : Avez-vous en tête un prochain album, de nouvelles idées ?

Fabcaro : Pour Didier (Conrad), bien sûr. Je suis en intérim parce que le scénariste principal désigné est Jean-Yves Ferri, qui a souhaité faire une pause, au moins pendant ces deux albums. J'attends donc le retour de Jean-Yves. En tout cas, je suis toujours dans l'ambiance, je m'amuse toujours autant.

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