L'activité physique, "pilule miracle" pour les hommes et la planète

L'activité physique, "pilule miracle" pour les hommes et la planète
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Par Marthe de Ferrer
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Nous avons interviewé Peter Walker sur son nouveau livre "La pilule miracle" (The Miracle Pill) et sur la manière dont une plus grande activité physique pourrait être bénéfique pour les hommes, mais aussi pour l'environnement.

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Quand on parlait de grandes causes en matière de santé publique avant la pandémie, on pensait en général à la vaccination contre la grippe, à une alimentation équilibrée ou à la lutte contre le tabagisme, mais probablement pas à la transformation de nos villes. Or si nous voulons combattre l'une des pires crises sanitaires auxquelles nous sommes confrontés, elle devrait devenir un défi sanitaire majeur.

La sédentarité est actuellement la quatrième cause de décès prématurés dans le monde. C'est un problème que l'on confond souvent avec la paresse et le choix individuel, mais en réalité, il est géographique, systémique et étroitement lié à notre mode de vie moderne. Ainsi, si nous voulons changer notre monde de plus en plus sédentaire, nous devons en changer la configuration.

Journaliste politique et passionné de vélo, Peter Walker aborde cette question dans un chapitre de son nouveau livre : "The Miracle Pill: Why a sedentary world is getting it all wrong" ("La pilule miracle : pourquoi un monde sédentaire a tout faux"). Sa lecture invite à changer de regard sur notre problème mondial d'inactivité physique et suggère des solutions.

Au fil des pages, Peter Walker incite à se lever de son canapé pour pratiquer une activité physique. Ce que l'auteure de ses lignes a d'ailleurs fait après avoir téléchargé la version audio de l'ouvrage pour pouvoir, tout en marchant dans son quartier, écouter la série de chiffres décourageants mentionnés dans le livre sur l'ampleur du problème de l'inactivité physique.

5,3 milliards de décès prématurés dus à l'inactivité physique

Actuellement, 1,5 milliard de personnes dans le monde font tellement peu d'exercice que cela risque de nuire à leur santé à long terme. On estime que chaque année, 5,3 millions de personnes meurent de causes liées à la sédentarité, soit l'équivalent de la population de la Norvège. Autre statistique stupéfiante : 80% des enfants britanniques ont une si faible activité physique qu'ils risquent d'avoir dans leur avenir, un système cardiovasculaire insuffisamment développé, une fragilité osseuse et des maladies chroniques.

Ce ne sont que trois des nombreux chiffres que Peter Walker expose dans son livre. Mais loin d'être un ouvrage moralisateur qui viserait à rendre le lecteur honteux de son travail de bureau et de sa dépendance à la voiture, l'auteur parvient à insuffler une lueur d'espoir dans son propos. Il répète que les modèles peuvent évoluer radicalement, que l'on peut améliorer sa condition physique en faisant de l'exercice et qu'il n'est jamais trop tard pour s'y mettre.

Mais le plus important, c'est qu'il ne rejette pas la faute de cette crise sanitaire sur les individus. Nous ne sommes pas devenus collectivement paresseux à une échelle mondiale : le problème est beaucoup plus vaste et plus structurant que cela.

L'urbanisme est-il lié à l'inactivité physique ?

Résoudre cette crise de la sédentarité nécessite notamment de repenser la manière dont nos villes sont conçues. "Nous avons construit un monde où dans de nombreux endroits, nous n'avez pas vraiment d'autre choix que de prendre notre voiture," nous indique Peter Walker en interview.

Mais si nous pouvions tous récolter les fruits de l'exercice physique, nos vies en seraient profondément changées selon lui.

Le titre du livre "The Miracle Pill" fait référence à une étude menée au Danemark au cours de laquelle 30.000 personnes sélectionnées au hasard ont été interrogées sur une période de quinze ans. Après avoir éliminé tous les autres facteurs, ceux qui avaient effectué leur trajet domicile-travail à vélo avec une moyenne de 15 minutes de trajet avaient 40% de probabilités en moins de décéder pendant la période d'étude.

"C'est ce type de statistique qui fait parler certains experts avec émotion de l'importance de l'activité physique," écrit Peter Walker dans son ouvrage. "C'est aussi pour cela qu'ils sont aussi nombreux à comparer l'exercice quotidien à un remède miracle," ajoute-t-il.

Il assure que si une équipe de scientifiques pouvait inventer un médicament avec des effets qui améliorent autant l'espérance de vie, "ils auraient de grandes chances de se voir décerner un Prix Nobel," estime-t-il. Mais malgré ces bénéfices évidents pour la santé, mais aussi pour la planète, aucune prescription visant à nous mettre tous au sport n'est donnée.

"Nous avons éliminé de nos vies, les exercices accessoires"

Tout au long du livre, les experts auxquels Peter Walker s'adresse ne cessent d'expliquer que la raison de ce déclin dans les niveaux d'activité s'explique par le fait que nous avons éliminé de manière systématique, les exercices accessoires de nos vies, c'est-à-dire les mouvements que nous ferions naturellement en cours de journée, comme marcher pour se rendre dans les magasins ou aller au travail à vélo. Comme la plupart d'entre nous travaille assis à un bureau, prend sa voiture pour se rendre dans un supermarché et, particulièrement en ce moment, ne se déplace plus pour aller travailler, il est devenu de plus en plus facile d'être inactif la majeure partie de la journée.

De manière étonnante, les niveaux d'activité physique tendent à être plus élevés dans les villes. "Il y a plus de gens qui marcheront ne serait-ce que dix minutes pour aller prendre un bus ou un train plutôt que de prendre leur voiture en bas de chez eux pour se rendre là où ils doivent aller," indique Peter Walker.

"Donc mes encouragements à faire davantage de vélo et de marche à pied sont adaptés si vous habitez en ville, mais si vous vivez dans un petit village et que le premier magasin se trouve à un ou deux km et qu'il n'y a pas trottoir pour vous y rendre, l'option la plus sûre est de prendre votre voiture," reconnaît l'auteur.

Aaron Doucett
Changer la conception de nos villes pour favoriser l'exercice physiqueAaron Doucett

Il prend comme exemple, les Pays-Bas, un pays amoureux du vélo. "Les Néerlandais sont évidemment connus pour leurs nombreuses pistes cyclables en zones urbaines, mais ils en ont aussi beaucoup dans les régions rurales où ils disposent de voies piétonnes et de pistes cyclables séparées," écrit-il.

"C'est le genre d'aménagement auquel il faut penser pour concevoir des espaces où les personnes peuvent faire de l'exercice : ce qui implique de modifier la conception de nos villes pour encourager la pratique du vélo et la marche," poursuit l'auteur.

"Un cas intéressant à étudier à cet égard : les quartiers à circulation réduite qui ont été mis en place dans des secteurs de Londres et de nombreuses autres villes pour faciliter le recours aux modes de déplacement doux," écrit-il. Mais pour que des changements comme ceux-là interviennent, la balle est dans le camp des plus hauts responsables politiques selon Peter Walker : "Il faut que le gouvernement britannique s'implique, c'est une question trop vaste pour être laissée à chaque collectivité locale."

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La pandémie fait-elle changer les perspectives ?

Il y a un an, alors que la majeure partie de l'Europe entamait une première période de confinement, on parlait à travers le continent, d'un regain d'intérêt pour la nature. Au Royaume-Uni, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, la pratique quotidienne d'une activité physique était recommandée à la nation puisque les Britanniques étaient autorisés comme d'autres en Europe, à sortir une heure par jour pour faire de l'exercice.

Pendant ces premières semaines de confinement, "de nombreux habitants des zones urbaines ont soudain réalisé que le ciel était réellement bleu et que l'air était plus pur et beaucoup ont apprécié cela, en particulier le fait de circuler à vélo autour de chez eux, sans qu'il y ait de voiture," dit Peter Walker.

Un an plus tard, beaucoup ont hâte de revenir à leurs anciennes habitudes, reconnaît-il, mais il y a incontestablement une envie généralisée d'améliorer la qualité de l'air, de réduire le trafic routier et d'évoluer davantage au sein d'espaces verts.

Avant la pandémie, l'idée que des gouvernements, en particulier au Royaume-Uni, ne s'impliquent autant en matière de santé publique comme nous l'avons vu depuis un an était inimaginable. Peter Walker estime que la même approche est nécessaire pour lutter contre l'inactivité physique.

"Nous avons eu une période où des économies entières ont été mises sous cloche pour sauver de nombreuses vies. Mais il est clair que sur deux, trois ou quatre ans, la sédentarité fera plus de victimes que le Covid-19," indique-t-il avant d'ajouter : "Il y a cette idée que peut-être les limites ont été repoussées sur ce que l'opinion publique est prête à accepter en termes d'actions publiques dans la santé."

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À quand la révolution de l'activité physique ?

Bien que les Pays-Bas fassent figure de pionnier en matière d'aménagement urbain qui encourage l'exercice physique, les chiffres au sein de l'UE restent désastreux. Deux tiers des adultes n'atteignent pas les niveaux d'activité minimum requis pour entretenir leur forme.

Pour autant, indique Peter Walker, une révolution pourrait se préparer. Même s'il est clair que nous aurions dû nous y mettre il y a des décennies, les choses peuvent évoluer rapidement,assure-t-il.

Il utilise une comparaison issue de son premier livre : "How Cycling Can Change the World" ("Comment le cyclisme peut changer le monde") qui rappelait la présence dominante des vélos sur les routes au Royaume-Uni dans les années 1890.

"Il y a eu un long débat autrefois pour savoir si les déplacements motorisés devaient être autorisés," explique l'auteur. "Ce genre d'innovation, de nouveauté était vu comme quelque chose d'étrange, mais vingt ans plus tard, les cyclistes avaient quasiment disparu. Les voitures s'étaient imposées et personne ne s'y attendait," explique-t-il.

"Donc des révolutions se produisent et ce ne sont pas nécessairement celles auxquelles on s'attend, donc la donne peut changer très, très rapidement," fait-il remarquer.

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Journaliste • Marthe de Ferrer

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