L'Espagne traverse l'une des saisons de feux de forêt les plus dévastatrices de ces trente dernières années. Avec plus de 380 000 hectares brûlés depuis le début de l'année, des pompiers témoignent et expliquent les mesures à mettre en œuvre pour diminuer les risques
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Les ingrédients de cette catastrophe se sont combinés de manière fatale : un printemps extraordinairement pluvieux dans l'ouest de l'Espagne a permis une croissance exubérante de la végétation, qui a ensuite été transformée en un combustible parfait par une vague de chaleur intense qui a éliminé toute l'humidité.
Cette situation a été aggravée par des années de négligence dans la gestion des forêts et par l'insuffisance des moyens mis à disposition, que plusieurs corps de pompiers ont dénoncé dans les communautés autonomes touchées.
Euronews s'est entretenue avec deux pompiers de la Comarca de Coca à Ségovie, qui ont activement contribué à contrôler et à éteindre les incendies dans la région de León cet été. Nous avons parlé de la façon dont le travail de lutte contre les incendies est géré, comment il est possible d'avoir ce type d'incendie de 6ème génération et quelle a été leur expérience.
Réchauffement climatique et incendies de plus en plus virulents
Mais commençons par le commencement : qu'est-ce qu'un incendie de 6e génération ? Lorsqu'un incendie atteint une vitesse, une intensité et une imprévisibilité telles qu'il dépasse les capacités des équipements de lutte contre le feu, et qu'il ne s'agit plus d'un incendie conventionnel. Dans ce cas, il s'agit de ce que l'on appelle des méga-incendies ou des incendies de 6e génération.
Federico Rueda, 58 ans, pompier forestier actif de la RD 11.6 dans le district de Coca (Ségovie), nous a expliqué que ce type d'incendie n'est pas nouveau. "Mon expérience de ces incendies remonte à 2022, ce n'est pas nouveau. Ce type d'incendie était déjà présent en Espagne en 2022, au Portugal en 2017 et dans notre région en 2015 au Chili. En d'autres termes, ce type d'incendie était déjà connu", commente M. Rueda.
C'est ce type d'incendies qu'ont connu León et la Galice cet été, avec une grande virulence et imprévisibilité, au point que certains d'entre eux sont encore hors de contrôle au moment de la rédaction de cet article, deux semaines qu'ils brûlent les terres.
Germán Nácher Horcajadas, technicien d'extinction du Plan de protection civile pour les urgences liées aux incendies de forêt de la Communauté de Castille-et-León, est copilote de l'hélicoptère de lutte contre les incendies dans la région de Coca (Ségovie) et travaille sur le terrain en tant qu'équipe d'incendie de premier contact. Il a également travaillé sur les incendies de León.
"Voir les hectares qui brûlent et la virulence, l'intensité, ce qu'on appelle maintenant les incendies de 6e génération, c'est difficile. Mais en fin de compte, c'est notre travail et nous y allons pour essayer d'arrêter ce front de flammes", explique-t-il.
Comment faire face à ce type d'incendie
Germán et Federico se sont tous deux rendus à León pour participer aux opérations de lutte contre les incendies. Il existe un poste de commandement avancé (PMA) à partir duquel toutes les informations sont centralisées avec des ingénieurs et des techniciens qui utilisent toutes les informations disponibles provenant des unités de reconnaissance, des postes de surveillance avec des caméras personnelles et/ou thermiques ainsi que des satellites pour choisir la meilleure stratégie d'attaque de l'incendie.
Dans ce poste de commandement, ils disposent d'informations recueillies à partir des vents estimés, ainsi que d'informations satellitaires. Euronews s'est entretenu avec la société allemande Ororatech , qui possède une constellation de nanosatellites équipés de capteurs thermiques qui peuvent fournir des cartes en temps réel de l'état de l'incendie.
Maria Mir, directrice partenaire d'Ororatech : "Avec ces caméras, ils sont capables de détecter des points chauds à la surface de la Terre d'une taille de quatre mètres sur quatre".
Leur système utilise les données de leur constellation et des satellites publics et fournit une interface simple pour montrer la progression de l'incendie. En fait, ils disposent de deux petites applications qui , grâce à l'intelligence artificielle, sont capables de prédire la progression des incendies en fonction du terrain, des conditions météorologiques et du vent. Il s'agit d'un outil technologique supplémentaire permettant aux postes de commandement de prendre des décisions plus précises.
Les actions dans ce type d'incendie peuvent être variées avec des brigades terrestres et héliportées, comme celle de Germán Nácher, ainsi qu'avec des machines lourdes. Des attaques directes peuvent être menées sur de petits incendies. "Il est possible d'effectuer des attaques directes sur ce qui serait le front de flammes dans les grands incendies de forêt qui ont une intensité, une hauteur et une longueur de flammes puissantes. C'est irréalisable parce que c'est très risqué. Tout dépend de l'orographie", commente Germán Nácher.
Le travail habituel des unités héliportées est un travail conjoint entre l'avion et l'équipe au sol qu'il emmène dans la zone. Normalement, l'avion emmène l'équipe sur place et la soutient depuis les airs avec le "bambi bucket", qui est chargé d'environ 900 litres d'eau et déchargé depuis les airs.
Les hélicoptères sont plus polyvalents que les avions, bien que ces derniers puissent transporter plusieurs milliers de litres d'eau et effectuer des passages plus longs au-dessus du feu. Ce sont ces appareils qui ont été prêtés à l'Espagne pour cette campagne.
Germán nous a expliqué qu'à cette occasion, il a travaillé en brigade : "C'est exact, parce que notre avion a été sollicité dans d'autres incendies en tant que bombardier, pour transporter de l'eau tout seul et la larguer, et nous avons été sollicités ailleurs pour aller travailler en brigade".
La situation n'est pas non plus facilitée par la canicule et l'impact du réchauffement climatique, que Federico Rueda définit clairement par cette phrase : "Il y a 20 ans, le 15 août, nous portions nos vestes en cuir parce qu'il faisait un froid glacial".
Les machines lourdes telles que les bulldozers sont chargées de faire des passages et de créer des coupe-feu, mais dans ce type d'incendie, si le terrain n'est pas propre, elles ne sont pas très efficaces.
Cependant, la situation de ce type d'incendie est très compliquée, d'autant plus que, comme Federico Rueda et Germán Nácher s'accordent à le dire, les besoins sont nombreux : personnel et préparation préalable.
"Les incendies sont éteints en hiver, pas en été".
Federico Rueda dénonce le manque de personnel : "Quatre singes que nous sommes pratiquement toute l'année et il en faudrait dix, quinze fois plus (...) vous travaillez, vous regardez à gauche et à droite et vous ne voyez personne parce que les fronts font des kilomètres de long". Selon Rueda, même dans les postes de surveillance, 26 emplois ont été supprimés, remplaçant les personnes par des caméras infrarouges.
Germán Nácher affirme également : "C'est l'un des grands problèmes de cette Espagne dépeuplée et de cette Espagne vidée dont on parle tant". Il insiste également sur la prévention: "Nous devons investir davantage dans la prévention. C'est une autre preuve que nous devons tirer de la campagne de lutte contre les incendies de cette année. Nous devons investir davantage dans la forêt, la garder plus propre et faire de la prévention. Et comme on dit dans le métier, c'est en hiver qu'on éteint les incendies, pas en été".
Federico Rueda nous a expliqué qu'un pompier forestier est là à la fois pour prévenir et éteindre les incendies, et il a insisté sur le fait que la prévention est l'autre point qui doit changer.
Au niveau gouvernemental, le président du gouvernement, Pedro Sánchez, est apparu après avoir visité les postes de commandement des pompiers, et il a soutenu un pacte contre le changement climatique.
Impact territorial et social
Les régions les plus touchées par cette vague d'incendies, à savoir la Galice, les Asturies, la Castille-et-León et l'Estrémadure, ont une caractéristique commune : il s'agit de territoires vieillissants et dépeuplés où l'abandon rural a intensifié le problème.
La disparition des pratiques traditionnelles telles que l'élevage extensif, qui nettoyait naturellement les forêts en hiver et au printemps, a rendu ces écosystèmes plus vulnérables que jamais.
Selon le système européen d'information sur les feux de forêt (EFFIS), l'Espagne a enregistré 410 794 hectares brûlés dans 238 incendies, des chiffres qui continuent d'augmenter à mesure que cette honte sociale et environnementale perdure. Il est alarmant de constater que cinq des dix incendies de forêt les plus importants du 21e siècle en Espagne se sont concentrés sur les 15 derniers jours du mois d'août 2025.