La CDU/CSU et le SPD proposent un fonds spécial de 500 milliards d’euros pour moderniser les infrastructures et renforcer les dépenses de défense, nécessitant une réforme du "frein à l’endettement".
Alors que l'Allemagne traverse une période de transition gouvernementale, la question de la défense s'impose comme une priorité. Friedrich Merz, probable futur chancelier, propose une réforme du frein à l'endettement afin de débloquer l'Allemagne traverse une période de transition gouvernementale
"Au vu des menaces qui pèsent sur notre liberté et la paix sur notre continent, il faut désormais appliquer à notre défense la règle suivante : whatever it takes", a déclaré Friedrich Merz.
Outre les discussions exploratoires, le Bundestag doit désormais s'accorder sur le budget de la défense.
Réveil européen après la crise du bureau ovale
L'affrontement, la semaine dernière, entre le président américain Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky dans le bureau ovale a fait de la défense une priorité absolue en Allemagne, en Europe et dans le monde.
Trump a temporairement suspendu l'aide militaire à l'Ukraine face à l'agression russe et a exprimé son intention d'ouvrir des négociations avec Moscou. En réaction, les 27 chefs d'État et de gouvernement européens se réuniront jeudi à Bruxelles pour renforcer leur politique de défense commune en collaboration avec la Commission européenne.
Un budget allemand pour la défense européenne
Le SPD et la CDU/CSU se sont entendus sur une augmentation des dépenses militaires, prévoyant la création d'un fonds spécial de 100 milliards d'euros pour la Bundeswehr. Ce budget inclura des investissements en défense aérienne, cyberdéfense, armement, munitions et drones.
En ce qui concerne le soutien à l'Ukraine, Johann Wadephul, vice-président du groupe parlementaire de l'Union, a laissé entendre que l'Allemagne pourrait contribuer à hauteur de trois milliards d'euros, selon une interview accordée au studio de la capitale de l'ARD.
Cependant, pour le chancelier sortant Olaf Scholz, la défense doit rester une compétence nationale, financée par les budgets des États membres. Avant les discussions, il a insisté sur le fait que l'Ukraine ne doit pas être contrainte à une paix imposée, mais demeurer une nation indépendante et démocratique.
Une réforme législative avant l’entrée en fonction du nouveau Bundestag
Pour créer le fonds spécial de plusieurs centaines de milliard d'euros, la CDU prévoit que les dépenses de défense supérieures à 1 % du PIB seront exemptées du frein à l’endettement.
Le Bundestag actuel, où le SPD, la CDU/CSU et les Verts détiennent encore une majorité des deux tiers, pourrait être utilisé pour faire adopter ces changements avant l’installation du nouveau parlement. Ce dernier inclura davantage d’élus de l’AfD et de la gauche, qui pourraient former une minorité de blocage. Le vote au Bundestag est prévu entre la mi-mars et la fin mars.
Bien que cette procédure soit critiquée, elle reste conforme au droit constitutionnel, puisque l’ancien Bundestag conserve ses prérogatives législatives jusqu’à la constitution du nouveau gouvernement. Après un éventuel vote favorable du Bundestag, le Bundesrat devra à son tour valider la réforme à la majorité des deux tiers, faute de quoi le projet serait définitivement abandonné.
Les Allemands, favorables à une augmentation des dépenses de défense
Selon un sondage Forsa pour RTL et ntv, 71 % des Allemands approuvent l’augmentation des dépenses de défense, contre 24 % d’opposants. Les électeurs de la CDU/CSU, du SPD et des Verts sont les plus favorables.
Katharina Dröge, présidente du groupe parlementaire des Verts, a critiqué la CDU pour sa réaction tardive : "La CDU/CSU et le SPD percent le frein à l'endettement un peu comme un fromage suisse, on peut se demander s'il ne serait pas finalement plus ordonné, plus transparent et plus intelligent de s'attaquer à une réforme fondamentale du frein à l'endettement".
Par ailleurs, 55 % des sondés estiment que Friedrich Merz a trompé ses électeurs. Lors de la campagne électorale, il excluait encore une réforme rapide du frein à l'endettement et plaidait pour des économies avant tout nouvel endettement.
Opposition de la gauche et de l'AfD
À gauche, on redoute un réarmement excessif de l’Europe. La démarche de la CDU et du SPD est "totalement précipitée et hautement contestable sur le plan démocratique" et comporte en outre une "dimension financière sans précédent", a fait savoir Die Linke.
Pour eux, l'enjeu devrait être une transformation de la Bundeswehr plutôt qu'un accroissement des ressources.
Toutefois, la base électorale de la gauche est divisée : 49 % approuvent le plan de la CDU, contre 41 % qui s’y opposent. Seuls les électeurs de l’AfD rejettent majoritairement cette réforme.
"L'AfD ne l'approuvera pas. Car l'Allemagne n'a pas un problème de recettes, mais de dépenses. Les moyens nécessaires pour l'armée et l'infrastructure seraient disponibles dans le budget si l'argent était dépensé de manière raisonnable", a déclaré Bernd Baumann, directeur parlementaire de l'AfD.