L'arrestation du maire d'Istanbul Ekrem İmamoğlu mercredi dernier a déclenché des manifestations dans plusieurs villes du pays, qui ont parfois viré à la violence.
Le chef du principal parti d'opposition turc a rendu visite au maire d'Istanbul, Ekrem İmamoğlu, après six nuits de manifestations de masse appelant à sa libération.
Ekrem İmamoğlu, qui a été arrêté le 19 mars pour corruption, est considéré comme le principal adversaire du président Recep Tayyip Erdoğan, au pouvoir en Turquie depuis 22 ans.
Son arrestation, largement considérée comme motivée par des considérations politiques, a déclenché des manifestations dans plusieurs villes du pays, qui ont parfois tourné à la violence.
Septième journée de manifestations
Özgür Özel, le chef du Parti républicain du peuple (CHP), a tenu une réunion de deux heures avec Ekrem İmamoğlu à la prison de Silivri, à l'ouest d'Istanbul.
Le chef du CHP a déclaré aux journalistes qu'il avait "honte, au nom de ceux qui gouvernent la Turquie, de la situation dans laquelle le pays est plongé".
La veille, Özgür Özel avait annoncé qu'un rassemblement du CHP aurait lieu mardi soir devant l'hôtel de ville d'Istanbul, appelant les opposants au gouvernement à s'y joindre.
Il a également déclaré que le parti nommerait un membre du conseil municipal pour agir en tant que maire à la place d'Ekrem İmamoğlu, écartant ainsi la possibilité d'un remplaçant nommé par l'État.
Répression contre les médias et les militants
Dans toute la Turquie, des étudiants ont manifesté et occupé les campus mardi, après avoir décrété un boycott des cours.
À Istanbul, des milliers de personnes se sont rassemblées dans un parc avant de marcher vers le quartier de Şişli, où le maire de la ville a été emprisonné.
Dans le même temps, les autorités turques ont pris des mesures répressives à l'encontre des journalistes alors que les manifestations prenaient de l'ampleur.
L'Association d'études sur les médias et le droit, un groupe de la société civile, a déclaré que 11 journalistes détenus pour avoir couvert des manifestations interdites à Istanbul ont été accusés de violation de la loi sur les réunions et les manifestations.
Les journalistes font partie des plus de 200 personnes que les procureurs ont recommandé d'emprisonner dans l'attente de leur procès, y compris des militants de gauche arrêtés à leur domicile lors de raids effectués tôt lundi.
Par ailleurs, le chef de la branche d'Istanbul du CHP, Özgür Celik, a fait part d'une lettre qu'il a reçue du bureau du procureur ordonnant le retrait des affiches à l'effigie d'Ekrem İmamoğlu. Il a déclaré qu'il ne s'y conformerait pas.
"Vous verrez davantage le maire Ekrem sur les balcons des maisons, sur les places, dans les rues et sur les murs", a posté Özgür Celik sur X.
Plus de 1400 personnes arrêtées en une semaine
Les manifestations à Istanbul, Ankara et Izmir, ainsi que dans d'autres villes et villages de Turquie, ont été largement pacifiques, les manifestants demandant la libération d'Ekrem İmamoğlu et la fin du recul démocratique en Turquie.
Certains rassemblements ont toutefois viré à la violence, les policiers usant de canons à eau, de gaz lacrymogènes et de sprays au poivre, et tirant des billes de plastique sur les manifestants, dont certains ont lancé des pierres, des feux d'artifice et d'autres objets sur la police.
Mardi, les gouverneurs d'Ankara et d'Izmir ont prolongé les interdictions de manifester jusqu'au 1er avril et au 29 mars, respectivement. À Istanbul, l'interdiction prend fin jeudi.
Le ministre turc de l'Intérieur Ali Yerlikaya a déclaré tôt mardi que la police avait arrêté 43 "provocateurs" pour ce qu'il a qualifié d'"insultes ignobles" proférées à l'encontre de Recep Tayyip Erdoğan et de sa famille lors des manifestations.
Plus tard, il a indiqué que 1 418 personnes avaient été arrêtées depuis mercredi dernier et que 979 suspects étaient actuellement en garde à vue.
Lors d'un repas de rupture du jeûne du Ramadan à Ankara, Recep Tayyip Erdoğan a quant à lui appelé les manifestants à "connaître leurs limites, à rester modérés et à ne pas franchir la ligne qui sépare la recherche des droits de l'insulte et du vandalisme".
"Ceux qui sèment la terreur dans les rues et veulent transformer ce pays en feu n'ont pas de destination. Le chemin qu'ils empruntent est une impasse", poursuit le président turc.