L’expert Jacob Kirkegaard a déclaré à Euronews que malgré les frappes, l’Iran pourrait toujours produire une arme nucléaire. Il affirme aussi que plusieurs pays européens soutiennent discrètement l’opération, qui affaiblit la Russie.
Seul un changement de régime pourra éliminer la menace nucléaire iranienne, même si l’opération 'Midnight Hammer' a été un succès et qu’elle renforcera Donald Trump sur le plan intérieur", affirme Jacob Kirkegaard, expert en politique étrangère au sein du think tank Bruegel, interrogé par Euronews.
Selon lui, les frappes américaines pourraient paradoxalement rapprocher le monde d’un apaisement, car l’Iran dispose de moyens militaires très limités pour riposter.
Téhéran pourrait toutefois viser des bases américaines ou perturber le transit pétrolier par le détroit d’Ormuz, ou encore frapper des installations pétrolières dans les pays du Golfe. Mais ces scénarios restent "peu probables", estime l’expert, car l’Iran est actuellement dans une position de faiblesse militaire inédite.
Ses alliés régionaux, le Hamas, le Hezbollah ou les Houthis, sont affaiblis, et toute attaque contre des cibles américaines pourrait entraîner une riposte militaire plus large. "Les Iraniens savent désormais que Trump est prêt à appuyer sur la gâchette, et ils doivent le prendre au sérieux", ajoute-t-il.
Pour autant, Kirkegaard ne croit pas à une escalade majeure. Mais un retour à un accord nucléaire de type JCPoA semble aussi incertain, car les Occidentaux pourraient désormais exiger un accord plus intrusif, difficilement acceptable par Téhéran.
L’Iran reste une puissance du seuil nucléaire
Jacob Kirkegaard souligne que personne ne connaît encore l’étendue des dégâts infligés aux sites de Natanz et Ispahan. Leur neutralisation pourrait ralentir l’enrichissement d’uranium, mais ne mettrait pas fin au programme nucléaire iranien. "Selon les dernières données de l’AIEA, l’Iran possède environ 400 kg d’uranium enrichi à 60 %. En théorie, cela suffit à fabriquer une arme s’il est davantage enrichi et si le pays dispose du savoir-faire technique pour l’armer."
L’analyste estime donc que l’Iran reste une puissance nucléaire latente, capable de produire une bombe si le régime le décidait, même après les frappes. "Peut-être un peu moins proche qu’il y a 24 heures, mais toujours en capacité de le faire", précise-t-il.
Dès lors, seule une révolution interne pourrait mettre un terme définitif au programme nucléaire iranien, conclut-il.
Une victoire politique pour Trump
Trump restera dans l’histoire comme le président qui a bombardé l’Iran, affirme Kirkegaard. "Même s’il aspire à jouer un rôle de médiateur en Ukraine, cette opération lui permet de répondre à ses détracteurs les plus durs."
Il pourra ainsi se présenter comme un président fort auprès de sa base républicaine, tout en évitant de s’enliser : "Il n’enverra pas de troupes au sol. Il n’y aura pas d’invasion de l’Iran, ce serait un désastre. Mais il a montré qu’il ne recule pas."
L’Europe spectatrice, mais soulagée
Jacob Kirkegaard estime que l’Europe n’a aucun rôle dans ce conflit. Les efforts diplomatiques menés à Genève vendredi dernier ont échoué, Téhéran ayant refusé toute suspension de son programme nucléaire. "L’Europe n’a rien à faire ici. Elle est divisée, insignifiante, et en réalité soulagée que les États-Unis et Israël aient affaibli les capacités militaires iraniennes."
Il cite l’opposition allemande :"Friedrich Merz a dit à la télévision que Tsahal faisait le sale boulot de l’Europe. Il a raison. Même si personne ne le dira publiquement, beaucoup de gouvernements européens sont secrètement satisfaits de la situation."
Frapper l’Iran, conclut-il, c’est aussi affaiblir indirectement la Russie, considérée comme la principale menace stratégique pour l’Europe.