La chute du nombre de spermatozoïdes s'accélère : une crise mondiale de la fertilité ?

Selon les chercheurs, le nombre de spermatozoïdes dans le monde a chuté de 50 % au cours des cinq dernières décennies - et cette baisse s'accélère.
Selon les chercheurs, le nombre de spermatozoïdes dans le monde a chuté de 50 % au cours des cinq dernières décennies - et cette baisse s'accélère. Tous droits réservés Canva
Tous droits réservés Canva
Par Natalie HuetOcéane Duboust
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button

Une équipe internationale a évalué la chute du nombre de spermatozoïdes à l'échelle mondiale. Une chute qui s'accélère et qui pourrait déboucher sur des problèmes de fécondité.

PUBLICITÉ

Le nombre de spermatozoïdes a diminué de moitié au niveau mondial durant les 50 dernières années selon une nouvelle étude. Le rythme de cette baisse a même plus que doublé depuis le début du siècle.

L'équipe internationale de chercheurs derrière cette étude estime que ces données sont alarmantes et annoncent une crise de la fertilité susceptible de menacer l’avenir de l’humanité.

Leur méta-analyse a examiné 223 études basées sur des échantillons de sperme provenant de plus de 57 000 hommes dans 53 pays.

Elle montre pour la première fois que les hommes d'Amérique latine, d'Asie et d'Afrique présentent tous à la fois une baisse du nombre total et de la concentration des spermatozoïdes. Un phénomène déjà observé précédemment en Europe, en Amérique du Nord et en Australie.

Les auteurs alertent sur le fait que le nombre moyen de spermatozoïdes se rapproche désormais du seuil qui rend la conception plus difficile. Ce qui signifie que des couples du monde entier pourraient avoir des difficultés à concevoir un enfant sans assistance médicale.

Nous sommes confrontés à un problème grave qui, s'il n'est pas atténué, pourrait menacer la survie de l'humanité.
Hagai Levine
Professeur à l'école de santé publique Hadassah Braun de l'Université hébraïque de Jérusalem

Les conclusions, publiées mardi dans la revue Human Reproduction Update, jouent le rôle d’un "canari dans une mine de charbon", selon Hagai Levine, auteur principal de l'étude et professeur à l'école de santé publique Hadassah Braun de l'Université hébraïque de Jérusalem.

"Nous sommes confrontés à un problème grave qui, s'il n'est pas atténué, pourrait menacer la survie de l'humanité", a-t-il déclaré dans un communiqué.

50 % de spermatozoïdes en moins

Au sein d'une équipe comprenant également la professeure Shanna Swan de l'Icahn School of Medicine de New York, ainsi que des chercheurs au Danemark, au Brésil et en Espagne, Hagai Levine a étudié l’évolution du nombre de spermatozoïdes dans des régions qui n'avaient pas été examinées auparavant.

Cette même équipe avait déjà signalé en 2017 une baisse alarmante du nombre de spermatozoïdes dans le monde occidental.

Dans cette dernière étude, ils ont constaté que le nombre moyen de spermatozoïdes dans le monde entier avait chuté de plus de 50 % au cours des cinq dernières décennies.

Les données de 1973 à 2018 ont montré que le nombre de spermatozoïdes a diminué en moyenne de 1,2 % par an. Les données postérieures à l'an 2000 ont montré une baisse de plus de 2,6 % par an.

"C'est tout simplement incroyable. Je n'arrivais pas à y croire moi-même", a déclaré Hagai Levine à Euronews.

Le fait que ces résultats aient été confirmés dans le reste du monde indique une crise mondiale qui pourrait être comparée au changement climatique, selon le chercheur.

"Comme pour le changement climatique, l'impact pourrait être différent selon les endroits, mais de manière générale, le phénomène est mondial et devrait être traité comme tel", a-t-il ajouté.

"Cela ressemble à une pandémie. Le problème est présent partout. Et certaines des causes peuvent subsister pendant très longtemps".

Davantage de difficultés à concevoir un enfant

Les chercheurs affirment que si le nombre de spermatozoïdes est "un indicateur imparfait de la fertilité", il est étroitement lié aux probabilités de conception.

Ils expliquent qu'au-delà d'un seuil de 40-50 millions/ml, un nombre de spermatozoïdes plus élevé n'implique pas nécessairement une plus grande probabilité de conception.

En revanche, en dessous de ce seuil, la probabilité de conception chute rapidement à mesure que le nombre de spermatozoïdes diminue.

PUBLICITÉ

"À l'échelle de la population, la baisse du nombre moyen de spermatozoïdes de 104 à 49 millions/ml que nous signalons ici implique une augmentation substantielle de la proportion d'hommes pour lesquels le délai de conception est plus long", écrivent les auteurs de l'étude.

Le professeur Richard Sharpe, du Centre pour la santé reproductive de l'université d'Édimbourg en Écosse, a qualifié ces résultats de "mauvaises nouvelles pour la fertilité des couples", mais aussi, plus largement, pour les nations vieillissantes.

"Ces questions ne concernent pas seulement les couples qui essaient d'avoir des enfants, mais aussi la société dans les 50 prochaines années, car il y aura de moins en moins de jeunes pour travailler et subvenir aux besoins d'un nombre croissant de personnes âgées", a-t-il déclaré.

Bien que leur étude n'ait pas exploré les causes de cette baisse du nombre de spermatozoïdes, les auteurs affirment qu'elle reflète "une crise mondiale liée à notre environnement et à notre mode de vie modernes". Ils soulignent le rôle perturbateur des produits chimiques sur nos systèmes hormonaux et reproductifs.

Ils ajoutent que la quantité de spermatozoïdes est également un indicateur de la santé des hommes, les faibles niveaux étant associés à un risque accru de maladies chroniques, de cancer des testicules et de diminution de l'espérance de vie.

PUBLICITÉ

Un phénomène préoccupant

Le Dr Sarah Martins da Silva, maître de conférences en médecine de la reproduction à l'université de Dundee en Écosse, a déclaré qu'elle trouvait particulièrement inquiétant que le taux de déclin du nombre de spermatozoïdes ait doublé depuis 2000, et a appelé à davantage de recherches sur les causes de cette évolution.

"La population humaine n'est pas en danger immédiat d'extinction, mais nous avons vraiment besoin de recherches pour comprendre pourquoi le nombre de spermatozoïdes diminue", a-t-elle déclaré.

"L'exposition à la pollution, aux plastiques, au tabac, aux drogues et aux médicaments prescrits, ainsi que le mode de vie, comme l'obésité et une mauvaise alimentation, ont tous été suggérés comme des facteurs contributifs, bien que les effets soient mal compris et mal définis".

Les conclusions ont été publiées le jour où la population mondiale a franchi la barre des 8 milliards d'habitants, exerçant une pression accrue sur les ressources naturelles limitées de la planète.

"Philosophiquement, peut-être que le déclin du nombre de spermatozoïdes et de l'infertilité est en quelque sorte la façon du monde d'équilibrer ce qui se passe", selon Hagai Levine. "Mais, vous savez, c'est juste une réflexion que je me fais. Ce n'est pas une pensée scientifique".

PUBLICITÉ
Le nombre de spermatozoïdes est une très bonne mesure de la santé mondiale et de notre avenir.
Hagai Levine
Professeur à l'école de santé publique Hadassah Braun de l'Université hébraïque de Jérusalem

Il a déclaré que ces résultats devraient préoccuper tout un chacun, peu importe ses opinions sur le nombre d'êtres humains dont la planète a besoin à l'heure actuelle.

"Le nombre de spermatozoïdes est une très bonne mesure de la santé mondiale et de notre avenir. Et quel que soit le nombre de personnes dont vous pensez que nous avons besoin sur Terre, vous ne voudriez pas qu'il soit déterminé par des facteurs aléatoires plutôt que par nos propres choix", a déclaré Hagai Levine.

"Je pense que nous devons surveiller cela très attentivement au niveau mondial, au niveau de la population, au niveau local, et aussi au niveau personnel", a-t-il ajouté, appelant les autorités à améliorer les modes de vie et à limiter l'exposition humaine aux produits chimiques artificiels par une meilleure réglementation.

"Parfois, il y a un point de basculement et le système s'effondre d'un coup. Cela signifie que quelque chose se passe avec nos systèmes écologiques, nos systèmes de reproduction - et à un moment donné, c'est juste trop".

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Les PFAS contenus dans les produits ménagers PFAS pourraient réduire la fertilité des femmes de 40%

Quatre questions pour tout comprendre sur les pénuries de médicaments en Europe

L'Italie adopte une loi autorisant les groupes "pro-vie" à accéder aux cliniques d'avortement