L'art et la créativité : version longue

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*Phare Ponleu Selpak, l’école d’art de Battambang *

Nous sommes à Battambang au Nord-Ouest du Cambodge, à Phare Ponleu Selpak (Lumière de l’art en langue Khmer) ; une école d’art pluridisciplinaire unique en son genre. L’histoire de PPS commence en 1979 à la frontière thaïlandaise, à deux heures de route de Battambang. Le camp de réfugiés Site2 accueille les Cambodgiens fuyant les atrocités du génocide perpétrées par le régime des Khmers Rouges.

En 1986, une jeune humanitaire française met en place des cours de dessin pour occuper les réfugiés orphelins et leur donner le moyen d’exprimer leurs angoisses. La fermeture de Site2 conduit les réfugiés à rentrer chez eux.

10 jeunes étudiants du camp décident de poursuivre l’aventure et montent une école de dessin à Battambang, destinée à recueillir les enfants des rues, et à leur donner l’opportunité de (re)trouver l’estime de soi.

Khun Dhet, l’un des fondateurs et actuel directeur artistique raconte :
« Phare Ponleu Selpak a été créé en 1994. Le premier objectif était de promouvoir la culture artistique Khmère et aussi d’aider les enfants traumatisés par les conséquences de la guerre, les orphelins, les enfants des rues. Et aussi pour permettre à tous ces enfants de connaître leur propre identité. »

Trop calme, le dessin ne suffisait plus à canaliser l’énergie des enfants des rues. A partir de 1998, Khun Det et son équipe décident de créer d’autres sections artistiques diverses comme la musique, l’apprentissage du film d’animation, le théâtre d’intervention et enfin une école de cirque.

Pour les fondateurs, l’apprentissage ne pouvait se résumer à l’art, en sachant qu’à cette époque, 80% des enfants n’étaient pas scolarisés. Une école publique qui accueille 1300 enfants a donc ouvert ses portes dans l’enceinte de Phare.

Jean Christophe Sidoit (Directeur de Phare Ponleu Selpak) :

« La vision des fondateurs de PPS est de dire que pour créer la paix durable après le génocide et 30 ans de guerre, il faut aider les personnes notamment les plus paupérisées, les plus en difficulté à se reconstruire, à reconstruire une identité culturelle dynamique, c’est à dire ouverte sur le futur. »

Au-delà de l’enseignement artistique, un programme de protection de l’enfance soutenu par l’UNICEF voit le jour pour loger et nourrir les enfants orphelins, victimes de trafic humain ou de violences familiales. Reth et Puth sont de ceux là, les deux frères ont été sauvés de l’enfer de la rue en Thaïlande.

Eng Reth (Artiste de Cirque) : « Au Cambodge, c’est très différent. Les enfants travaillent car la famille est très pauvre. Ils ne peuvent pas aller à l‘école, ils doivent apporter une aide à la famille »
Eng Puth (Petit Frère) : Avant, es- tu allé en Thaïlande?
Eng Reth (Grand Frère) : Oui j’y suis allé.
Reth : Que faisais tu la bas?
Puth: La manche.
Reth: Ah oui, tu es allé où pour faire la manche, et pendant combien de temps?
Puth: Ça fait longtemps
Reth: Et avec qui ?
Puth: Avec ma mère et mon frère.
Reth: Pendant que tu faisais la manche, comment te sentais-tu?
Puth: C‘était dur, très difficile.
Reth: Et maintenant, quand tu repenses à cette époque, quand tu mendiais. Que ressens-tu ?
Puth: C’est douloureux.

Le cirque au Cambodge est une tradition vieille de plus de 800 ans. Pol Pot et la folie Khmer Rouge l’ont anéanti. L’objectif de PPS est de reconstruire cette culture comme on reconstruit ces enfants, détruits par un passé trop lourd à porter.

Et l’art devient une thérapie.

Sophek Sok (Professeur de cirque et Metteur en Scène) :
« Le problème de tous les enfants aidés par PPS, c’est qu’ils sont introvertis. Ils rencontrent d’énormes difficultés à communiquer et à vivre en groupe, à avoir des activités sociales. Le cirque est une activité physique qui oblige à être tous ensemble. C’est un moyen pour eux de se libérer, de décongestionner les tensions qu’ils n’arrivent pas à exprimer par la parole. »
« Donc c’est important de passer par le physique quand l’intellectuel ne pourra pas délivrer ces tensions là. Je le ressens dans mon quotidien, absolument tous les jours. Je ressens que c’est un travail social. Le sport c’est en fait pour attirer les jeunes. On arrive à se dépenser, faire des choses constructives, créer des numéros pour pouvoir être sur scène, vus par les gens. C’est un travail absolument infini. »

Mais envoyer les enfants à l’école représente un manque à gagner pour les parents. Quand les petits étudient, ils ne travaillent pas pour leur famille, ni dans les champs, ni sur les décharges, ni dans les rues, à mendier. Difficile pour beaucoup d’adultes ici de comprendre qu’étudier est un investissement à long terme. L’une des motivations alors, c’est aussi l’argent reversé aux familles, après les représentations payantes.

Aujourd’hui, certains artistes continuent leurs études à l’université et à travers cela, leur pratique artistique, ils peuvent enseigner les arts à leur tour et soutenir leurs familles. Nous espérons pour le futur, qu’ils deviendront de bons Leader, de bons modèles pour les générations futures.

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