Rajoy : six mois de dénégations

Rajoy : six mois de dénégations
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Par Euronews
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Cela fait six mois désormais que le Parti Populaire, le parti espagnol de Centre droit actuellement au pouvoir est sous les feux de l’actualité. En cause : une suspicion de financement illégal entre 1990 et 2009.

Au centre du dossier Luis Bárcenas, l’ancien trésorier du parti. L’affaire éclate le 31 janvier. Le quotidien El Pais publie les notes de Bárcenas. On peut y découvrir des versements en liquide au président du parti et actuel Premier ministre Mariano Rajoy.
Il s’agirait de plus de 25 000 euros par an et ce pendant 11 années.

La réaction officielle ne se fait pas attendre. Luis Barcenas, nie en bloc, au moins dans un premier temps. Ainsi que le comité exécutif du PP réuni d’urgence. Nous sommes le 2 février et Mariano Rajoy est catégorique :

“Je ne dirai que deux mots “c’est faux”. Jamais, je le répète, jamais je n’ai reçu, ni distribué de l’argent sale que ce soit dans ce parti ou ailleurs. Jamais. Et je le répèterai, c’est faux”.

Depuis lors le Premier ministre s’est employé à éviter les questions de la presse et à ne pas mentionner le nom de Barcenas. Il ne paraîtra pas non plus devant le Parlement. Et depuis une visite à Berlin, le 4 février dernier il n’a plus abordé le sujet :
“Les choses qui me sont reprochées sont fausses. Je l’ai déjà dit et je le répète aujourd’hui comme j’ai pu le faire samedi dernier. Et je le fais avec le même désir, le même enthousiasme, la même force , le même courage et la même détermination que j’avais quand j’ai accédé à la présidence du gouvernement”.

Et pourtant une nouvelle secousse pour le Parti populaire et Mariano Rajoy viendra cette fois d’EL Mundo. Le journal du centre droit devenu très critique envers le gouvernement publie la semaine dernière le fac similé du cahier de la comptabilité de Barcenas qui entre temps a été placé en détention préventive dans le cadre d’une affaire de délits fiscaux et blanchiment d’argent.

Visitant les usines d’un constructeur automobile le 11 juillet dernier, Mariano Rajoy s’en tient à son argumentaire : “On a parfois tendance à rapporter les choses qui ne sont pas les meilleures, mais de temps en temps il faut parler de ce qui est important et cette visite est importante et positive”.

Cette ligne de défense est de plus en plus malmenée. Ce dimanche, nouvelles révélations : El Mundo publiait le contenu de plusieurs échanges de SMS attribués à Mariano Rajoy et à Luis Barcenas. D’après le quotidien le chef du gouvernement a demandé à l’ex-trésorier de nier l’existence de la comptabilité occulte et les compléments de salaires.

Pour connaître les tenants et les aboutissants de l’affaire qui ébranle l’Espagne nous nous sommes entrenus avec Antoni Gutiérrez-Rubí, conseiller en communication et chroniqueur politique au journal El País.

euronews : Le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, continue à nier les accusations de financement illégal de l’ancien trésorier du Parti Populaire, Luis Bárcenas s’en tient à la stratégie du silence. Après les dernières révélations de la presse et la demande de démission de l’opposition, Rajoy est-il toujours apte à gouverner ?

Antoni Gutiérrez-Rubí : “Nous ne le savons pas encore. Ce qui est certain, parce que Mariano Rajoy l’a dit durant la conférence de presse conjointe avec son homologue polonais, c’est que quelles que soient les révélations qui paraissent régulièrement dans la presse et les tribunaux, cela risque de menacer la stabilité politique du pays. Mariano Rajoy a rappelé ses deux priorités, ses deux seuls engagements maintenant sont les réformes qu’il a élaboré avec ses alliés européens et la stabilité politique qui doit être maintenue”.

euronews : Une démission de Mariano Rajoy est-elle envisageable dans les prochains jours, les prochaines semaines ?

Antoni Gutiérrez-Rubí : “D’après ce que nous avons vu durant la conférence de presse, le chef du gouvernement reste persuader que résister est la véritable force d’un leader politique. Mais nous découvrons chaque jour de nouvelles révélations dans la presse ou par voie de justice. Le peu d’explications que donne le chef du gouvernement sont rapidement dépassées. Ce qui mine la confiance et la crédibilité du chef du gouvernement, c’est cette sensation que Mariano Rajoy ne maîtrise pas la situation, il se contente de réagir”.

euronews : Quelles seraient les conséquences d’une motion de censure de l’opposition, sachant que le Parti Populaire dispose de la majorité absolue ? Le parti majoritaire pourrait-il être détruit ? Y a-t-il un successeur à Rajoy ?

Antoni Gutiérrez-Rubí : “La conséquence immédiate d’une motion de censure obligerait le chef du gouvernement à donner des explications au Parlement, ce qu’il a toujours refusé jusqu’ici. C’est le premier avantage de la motion de censure, qui forcerait Mariano Rajoy à s’exprimer. La seconde serait de voir quelle est l’alternative à Mariano Rajoy. Une alternative qui pourrait surgir de l’opposition, mais dans ce cas le candidat n’obtiendrait pas le soutien de la majorité. Elle pourrait également surgir du parti majoritaire qui présenterait un successeur au chef du gouvernement”.

euronews : La corruption est la seconde source d’inquiétudes des Espagnols, après le chômage. Si les révélations se poursuivent dans cette affaire, quel serait le taux de tolérance de la société ?

Antoni Gutiérrez-Rubí : Le seuil de tolérance de la société espagnole en ce qui concerne la corruption est sur le point d‘être dépassé. Je crois donc que Mariano Rajoy se trompe quand il pense que le temps va résoudre les problèmes. La marée de la polémique politique est montée, mais elle ne redescendra pas. Il devrait au contraire faire face aux accusations de corruption, aux éventuelles plaintes et dossiers judiciaires, surtout quand ceux-ci font directement référence à sa personne. Le président du gouvernement est la plus haute responsabilité politique du moment en Espagne. Tout ce qui le touche, touche le gouvernement et notre image à l’international.

euronews : Merci Antoni Gutiérrez-Rubí pour votre éclairage sur l’agitation politique qui secoue l’Espagne ces derniers jours.

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