Essebsi, un vétéran tourné vers l'avenir de la Tunisie

Essebsi, un vétéran tourné vers l'avenir de la Tunisie
Par Euronews
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Le premier président démocratiquement élu de l'histoire de la Tunisie est qualifié de vétéran de l'ancien régime par ses détracteurs.

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“Tourner la page du passé et regarder vers l’avenir”. Cette phrase, c’est un homme de 88 ans qui la prononce : le nouveau président tunisien Béji Caïd Essebsi. Elu le 21 décembre avec 55 % des voix, nettement devant son rival Moncef Marzouki, Essebsi peut se targuer d‘être le premier président démocratiquement élu de l’histoire de la Tunisie.

“Je veux m’adresser à mon peuple, qu’il soit au sud ou au nord. Nous sommes tous les enfants de la Tunisie. Je suis profondément désolé pour les évènements qui se sont produits dans le sud du pays. Je crois qu’ils n’ont pas de raison d‘être et qu’ils sont le résultat d’une manipulation”, déclarait-il après sa victoire à la présidentielle.

Dans le sud, où Marzouki est arrivé largement en tête, des affrontements ont en effet opposé des policiers à des manifestants qui protestaient contre les résultats de la présidentielle. Un local du parti de Essebsi a été la cible d’une attaque.

Car pour une partie de la société tunisienne, le nom du nouveau président reste associé à l’ancien regime dictatorial. Ministre de l’Interieur, de la Défense et des Affaires étrangères sous Bourguiba, puis président du Parlement sous Ben Ali, Essebsi est nommé Premier ministre provisoire en février 2011. À ce titre, il mène la Tunisie vers le premier le scrutin libre de son histoire : l‘élection, le 23 octobre 2011, de l’Assemble constituante, remportée par le parti islamiste Ennahda.

Essebi se réclame de la pensée de Bourguiba, qu’il considère comme le fondateur de l’Etat moderne, malgré son autoritarisme. En 2012, il fonde son parti, Nidaa Tounes, qui attire des hommes d’affaires, des intellectuels, des syndicalistes, des militants de gauche, mais aussi des proches de l’ancien régime, unis par leur opposition aux islamistes. En octobre dernier, il gagne les législatives, mais faute de majorité absolue il devra composer avec Ennahda pour former un gouvernement.

Interview de Adel Ltifi, analyste et professeur d’histoire contemporaine du monde arabe

Faiza Garah, euronews : Le président élu, Béji Caïd Essebsi, a déclaré plusieurs fois que son parti Nidaa Tounes n’allait pas gouverner seul ? À quoi ressemblera, selon vous, le prochain gouvernement ? Le parti Ennahdha va-t-il y participer ?

Adel Ltifi : Je crois que le parti Nidaa Tounes est dans une situation délicate, car il n’a pas la majorité absolue à la chambre des députés. Par conséquent, il est obligé de composer avec les autres partis. Le deuxième problème, auquel il doit faire face, c’est la situation générale du pays. Il y a des problèmes économiques, politiques, on peut y ajouter les problèmes sécuritaires. Tout ceci rend la situation très délicate pour Nidaa Tounes. Mais la question qui se pose, c’est, jusqu’où peut-il s’ouvrir aux autres partis ? Certaines formations politiques s’opposent catégoriquement à une coalition avec le parti Ennahdha, elles ne veulent pas qu’ils soient au pouvoir. Même à l’intérieur du parti Nidaa Tounes, certains pensent qu’on ne peut pas fonder un régime démocratique sans un parti ou une coalition au pouvoir et une opposition forte. Et pour eux, la place d’Ennahdha est dans l’opposition.

Faiza Garah, euronews : Selon vous, Essebsi représente-t-il la continuité du régime de Ben Ali ou bien le changement ?

Adel Ltifi : Quiconque prend le pouvoir ne peut revenir à l’ancien régime et à la logique de la tyrannie. Il y a des Tunisiens dans la vie politique aujourd’hui qui faisaient partie de l’ancien régime. Mais il y a un accord qui a été signé pendant la période transitoire. Et cet accord stipule qu’on ne peut pas, pour des raisons juridiques, empêcher ces gens-là de participer à la vie politique du pays. Mais même s’il y a des groupements de l’ancien régime au sein de Nidaa Tounes, cela ne veut pas dire qu’il y aura un retour à l’ancien régime.

Faiza Garah, euronews : Comment le président élu va-t-il faire face aux défis économiques et sociaux ?

Adel Ltifi : À partir du moment où on constitue un gouvernement stable qui gagne la confiance des Etats et des pays amis, je reste persuadé qu’une partie des dettes sera annulée ou transformée en investissements.

Faiza Garah, euronews : et comment faire face aux défis sécuritaires ?

Adel Ltifi : Cela dépend de certains aspects essentiels, comme prendre des décisions politiques fermes à l’encontre des factions terroristes et contre toutes formes d’idées incitant à la violence. La situation en Libye est très difficile. Je crois qu’il incombe à la Tunisie et à l’Algérie de jouer un rôle essentiel afin de ramener de la stabilité dans le pays et d’instaurer un régime répondant aux aspirations du peuple libyen.

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