Pologne : Andrzej Duda, une présidence conservatrice qui inquiète

Pologne : Andrzej Duda, une présidence conservatrice qui inquiète
Par Ewa Dwernicki
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Les résultats des élections présidentielles en Pologne ont confirmé ce dimanche le scénario, inattendu, du premier tour du scrutin. Le conservateur Andrzej Duda a été élu avec 52% des suffrages, battant le chef de l’Etat sortant de centre droit Bronislaw Komorowski (48%).

La victoire d’Andrzej Duda, 43 ans, surprend certes, tant l‘élection de son adversaire paraissait inévitable, mais elle inquiète avant tout. Elle fait en effet réapparaître le spectre du retour possible au pouvoir de son maître à penser Jaroslaw Kaczynski (chef du parti conservateur et populiste Droit et Justice (PiS) et frère jumeau du président Lech Kaczynski, mort dans une catastrophe aérienne à Smolensk en Russie en 2010), à l’issue des législatives prévues en automne. Ce dernier, ancien Premier ministre qui lors de la campagne est resté à l’écart, misant sur la jeunesse et le dynamisme de son candidat, ne cache plus son ambition de reconquérir le pouvoir après huit ans d’échecs électoraux.

Quant au nouveau président, quasi inconnu du grand public à la veille de la campagne et considéré par ses détracteurs comme un homme politique de troisième rang, il a su s’imposer en apportant un nouveau visage au parti, alors que l’image de son mentor continue toujours à évoquer de mauvais souvenirs pour une partie des Polonais. Il a également réussi à convaincre les perdants du miracle polonais qui au premier tour avaient voté pour l’ex-rocker contestataire Pawel Kukiz. C’est pour rafler ses 20% des voix, venant essentiellement de la jeunesse, que Duda et Komorowski ont dû se battre.

Tout en se disant fidèle héritier spirituel des célèbres jumeaux (il a été vice-ministre de la Justice sous l’ère des Kaczynski, puis proche collaborateur du président défunt), Andrzej Duda a tenu à souligner son indépendance en déclarant même sa volonté de quitter le PiS et de ne pas s’entourer de proches collaborateurs de J. Kaczynski une fois élu président. Les commentateurs politiques doutent tout de même que la marge d’indépendance du président élu par rapport à son parti puisse être significative.

Les pouvoirs du chef de l’Etat ne sont guère étendus en Pologne, mais les relations entre le conservateur Duda et le gouvernement de centre-droit de Mme Ewa Kopacz promettent d’être très difficiles voire houleuses, tellement les orientations politiques des deux partis divergent. Le chef de l’exécutif dispose en effet de l’initiative législative et peut l’influencer directement en utilisant son droit de veto. Cela lui permet, par exemple, de bloquer un projet de loi même si son veto peut être annulé par une majorité des trois cinquième au parlement.

Andrzej Duda a fait, lors de sa campagne, plusieurs promesses coûteuses qui relèvent plutôt de la compétence du gouvernement et du parlement. Il s’est notamment engagé à ramener l’âge de la retraite de 67 à 65 ans ainsi qu’à réduire les impôts. En revanche, en ce qui concerne la politique étrangère, pré carré présidentiel par excellence, il est demeuré vague en promettant de défendre les intérêts nationaux polonais. C’est exactement ce que redoutent les experts internationaux. Le parti du nouveau président étant ouvertement eurosceptique et xénophobe, son investiture risque de provoquer de nombreuses tensions au sein de l’Union européenne, dont le Conseil est actuellement présidé par l’ancien Premier ministre polonais Donald Tusk, représentant du camp adverse.

Mais c’est la position du président Duda à l’égard des problèmes de société qui inquiète le plus. Fervent catholique, il désapprouve toute proposition de loi progressiste dans le domaine de libertés individuelles, telles que la fécondation in vitro, l’avortement ou la défense des droits des femmes.

Ce virage à droite de la Pologne, qui ne devrait pas avoir de conséquences immédiates, est un sérieux avertissement pour les libéraux centristes actuellement au pouvoir. Une longue bataille les attend pour reconquérir l’électorat de Bronislaw Komorowski et ensuite le transformer en instrument d’une victoire aux législatives à l’automne. A défaut de quoi, comme l’a estimé l’ancien leader de l’opposition anticommuniste de gauche Adam Michnik, la Pologne risque de « prendre un chemin de velours vers la dictature ».

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