Football : un club turc de troisième division en pleine tourmente politique

Football : un club turc de troisième division en pleine tourmente politique
Par Nathan Lautier
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Amedspor, modeste club de troisième division turque représentant la plus grande ville kurde du pays, est en train de réaliser un exploit cette saison

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Amedspor, modeste club de troisième division turque représentant la plus grande ville kurde du pays, est en train de réaliser un exploit cette saison : il s’est hissé en quart de finale de la coupe de Turquie après avoir battu deux équipes de première division. Le 9 février dernier, l‘équipe jouait son match aller à domicile contre le géant Fenerbahçe. Pour un match qui pouvait devenir historique, l’équipe kurde a dû faire sans son public.

Les portes du stade sont restées closes, et le match s’est joué sans un des joueurs clés, Deniz Naki, suspendu pendant 12 matchs pour « propagande idéologique ». Il avait dédié une victoire aux Kurdes tués pendant les combats contre l’armée, ou encore montré trop fréquemment le tatouage qu’il porte sur son avant-bras, où est écrit Azadi (liberté) :

Amedspor vs Ankaragücü
12 Aralık 2015 Saat 13:00'DE
Şilbe Amedspor Tesisleri pic.twitter.com/t9IMkupkD4

— Deniz Dersim Naki (@DenizDersimNaki) 10 décembre 2015

Deniz Naki est un habitué des prises de positions politiques en faveur de la population kurde. Son compte Twitter regorge de publications politisées, ce qui donne des raisons de plus à l’ATT de sévir. Durant un entretien à Sol, Naki a confié qu’il ne regrettait rien : « Même s’ils m’avaient suspendu 50 matchs, je n’aurais pas fait différemment. J’ai fait la bonne chose. »

Le club de la plus grande ville kurde du pays, Diyarbakır, reproche aux instances nationales, sportives comme politiques, de faire de la discrimination. Depuis le début de la saison, Amedspor est la cible de contrôles réguliers et abusifs selon son président, Ali Karakaş. Pour étayer ses propos, il prend l’exemple du mois de janvier où une quarantaine de membres de la brigade antiterroriste ont pris d’assaut les locaux du club, après qu’un supporter a dédié la victoire de son équipe aux “guerriers kurdes”. Bilal Akkulu, membre fondateur du groupe de supporters “Amedspor Barikat”, explique que pendant son arrestation suite à un match, avec 100 autres supporters, la police les a forcés à chanter l’hymne national tout en les battant. La situation n’ira pas en s’arrangeant, puisque les joueurs d’Amedspor ont brandi la banderole «les enfants ne devraient pas mourir, ils devraient assister au match » dans les tribunes vides avant le match contre Fenerbahçe.

Takımımız, Fenerbahçe maçında açılan “Çocuklar ölmesin, maça gelsin” yazılı pankart nedeniyle (PFDK) sevk edildi. pic.twitter.com/2JP6SyV5W2

— Amedspor SK (@AmedsporSK) 12 février 2016

La fédération turque de football a promis de sévir. La banderole faisait référence aux nombreux combats qui font rage entre le PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan) et les forces du gouvernement. A la suite du match, le club d’Istanbul, Fenerbahçe, a publié sur son site officiel un communiqué remerciant le club kurde de son « hospitalité » et a souhaité qu’ils « atteignent leurs objectifs dans leur ligue ».

Amedspor a déposé un recours auprès de la Fédération de football turque. Si cela ne suffit pas à annuler les sentences, le club a prévenu : il ira jusqu’à saisir la FIFA et l’UEFA, les instances internationales du football.

Ülke değil, 75 milyonluk cenaze evi.

— Deniz Dersim Naki (@DenizDersimNaki) 12 janvier 2016

« ce n’est pas un pays, c’est une maison de deuil de 75 millions de personnes ».

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