Honduras : comment faire taire la dirigeante indigène Berta Caceres...par balles

Honduras : comment faire taire la dirigeante indigène Berta Caceres...par balles
Par Joël Chatreau

C’est le tragique destin de nombre de défenseurs des communautés indigènes et de l’environnement en Amérique latine. A son tour, Berta Caceres, dirigeante du Conseil Citoyen des Organisations des Peuples Amérindiens du Honduras, est tombée pour cette cause. Elle a été tuée par balles par deux hommes qui lui avaient apparemment tendu un guet-apens alors qu’elle rentrait chez elle, jeudi 3 mars, dans la ville de La Esperanza, dans la région d’Intibuca (ouest du pays). Sans attendre, la police hondurienne a affirmé que l’assassinat avait été commis par des voleurs, mais la famille et les amis de la militante écologiste sont persuadés qu’il s’agit d’une exécution politique.


Berta Caceres, âgée de 43 ans, membre du peuple indigène Lenca, mère de quatre enfants, avait appris à vivre avec des menaces de mort régulières contre elle et ses proches. La Commission interaméricaine des droits de l’Homme avait même demandé qu’elle bénéficie de mesures de protection mais en vain. Cela ne l’a pas empêché d‘être à la tête de combats incessants contre les entreprises du secteur minier et énergétique, appuyées par l’Etat, pendant plus de vingt ans. C’est en 1993 qu’elle a fondé avec d’autres responsables indigènes le Conseil des Peuples Amérindiens cité plus haut. Ce dernier a reçu en 2015 le prix Goldman pour sa défense exemplaire de l’environnement au Honduras.
Voir la vidéo ci-dessous :


Berta Caceres s’est notamment illustrée par sa lutte acharnée pour défendre le fleuve Gualcarque, dans le département de Santa Barbara, au nord-ouest du pays. Scénario classique dans les pays latino-américains : une entreprise veut absolument y construire un barrage hydroélectrique, peu importe qu’il menace de priver d’eau des centaines d’habitants de la région, particulièrement des indigènes. “Berta n’a jamais utilisé d’arme pour protester”, témoigne l’un de ses frères, Gustavo, “Son arme, c‘était sa voix !”. “Pour la police, des inconnus sont entrés dans la maison par la porte de derrière et lui ont tiré dessus à plusieurs reprises, dénonce Carlos Reyes, chef du parti d’opposition Front National de Résistance Populaire, mais nous savons tous que ce sont des mensonges, qu’ils l’ont tuée pour sa lutte en faveur de l’environnement”.

Manifestation de compagnons de lutte en train de crier “Nous sommes tous Berta !” :


La dépouille de la dirigeante indigène a été ramenée à la morgue de Tegucigalpa, la capitale, devant laquelle des centaines de Honduriens se sont rassemblés pour réclamer justice. Une autopsie va être pratiquée et une enquête a été ouverte. Le ministre de la Sécurité s’est contenté d’annoncer vendredi 4 mars que deux personnes avaient été arrêtées, dont le chef de la sécurité du quartier de La Esperanza où Berta Caceres a été assassinée, mais sans donner aucun détail.


Au lendemain du drame, l’indignation a succédé à la consternation et à la profonde tristesse qui ont été ressenties à travers toute l’Amérique latine. De nombreuses organisations de défense des droits des peuples amérindiens, de défense des droits de l’Homme et de l’environnement, des ONG du monde entier, et les Nations unies et l’Organisation des Etats Américains demandent maintenant aux autorités honduriennes d’identifier les auteurs et les commanditaires du crime afin de les juger. L’ambassadeur des Etats-Unis au Honduras a déjà proposé l’aide de son pays pour mener l’enquête. A suivre…



Une foule compacte a accompagné Berta Caceres dans sa dernière demeure samedi 5 mars dans la ville de La Esperanza où elle vivait :


Plusieurs manifestations ont eu lieu aussi en Europe :





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