Attentat d'Ankara : "L'Europe s'aide en soutenant la Turquie"

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Par Sophie Desjardin avec Beatriz Beiras
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Entretien avec l'analyste turc Nihat Ali Özcan.

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La Turquie à nouveau frappée en plein coeur. Des scènes de guerre et de terreur à Ankara, et ce, malgré des mesures de sécurité drastiques. Pas assez, fustigent aujourd’hui les critiques du gouvernement. Bien sûr, la piste kurde est privilégiée. La Turquie semble être devenue ou redevenue une cible.

En octobre 2015, deux kamikazes se font exploser à Ankara au milieu d’une manifestation pacifiste. 103 personnes meurent ce jour-là et près de 250 sont blessées dans l’attentat le plus meurtrier qu’ait connu le pays

En février dernier, c’est une voiture piégée qui explose à côté d’un bus militaire, faisant 30 morts et plus de 60 blessés.

L’un est imputé à Etat islamique, l’autre aux Kurdes.

Preuve que la guerre en Syrie déborde sur la Turquie et pas seulement le flot des réfugiés. Sa longue frontière avec le pays en guerre depuis cinq ans la rend très vulnérable. De même que ses positions inflexibles contre les Kurdes de la région, alliés des Occidentaux et premières forces sur le front contre Daech, aussi. Ce que redoute Ankara, c’est que les Kurdes, forts de leurs victoires sur le terrain, parviennent à réunir leurs quelques provinces éparpillées et à échapper au contrôle du gouvernement turc.

Ankara poursuit donc ses opérations militaires dans le sud-est du pays contre plusieurs villes, comme Dyarbakir ou Cizre.

Des couvre-feux y sont imposés, l’armée turque y traque les rebelles du PKK, laissant derrière elle des villes détruites et un sentiment de rancoeur et de colère.

De part et d’autre, les politiques s’accusent mutuellement d’envenimer la situation :

C’est de la férocité, ce n’est pas un combat contre le terrorisme. Il s’agit de tuer des gens, c’est du terrorisme d’Etat“ explique Selahattin Demirtas, le chef du parti HDP pro-Kurde.

Ils ne veulent pas la paix. Au contraire, ils veulent entraîner la Turquie dans le chaos en collaborant avec les terroristes. Nous ne laisserons pas faire“ réplique le Premier ministre Ahmet Davutoglu.

Pas laisser faire, mais que faire de plus ? Ce lundi matin, l’aviation turque a déjà riposté en pilonnant les bases du PKK en Irak. Et 11 personnes ont été arrêtées.

Entretien avec Nihat Ali Özcan

Nihat Ali Özcan est un analyste en sécurité qui participe au think-tank turc, le TEPAV. Il prend pour acquis que le PKK est derrière cette attaque. Il estime d’ailleurs que la Turquie pourrait être la cible d’autres attaques similaires jusqu’en septembre-octobre et que les attaques du PKK vont se propager dans les zones rurales avec l’arrivée du printemps.

Notre correspondant Bora Bayraktar lui demande : “A quel genre d’attaque les gens doivent-ils encore s’attendre ? Quel est l’objectif des auteurs ?”

Nihat Ali Özcan : “Nous avons eu, en fait, trois attaques en 5 mois dans la capitale. C’est une symbolique forte, c’est un message contre le gouvernement et contre l’Etat lui-même.
Cela fait partie de la grande stratégie du PKK, du parti des travailleurs du Kurdistan.
Il y a plusieurs raisons pour que ça se passe à Ankara.
L’opération en cours dans le sud-est de la Turquie et les conséquences de ces opérations. Le PKK veut alléger la pression qui pèse sur lui, en la déplaçant ailleurs. Il veut aussi l’attention des gens, du public, et c’est pour toutes ces raisons qu’il a orchestré ces attaques à Ankara.
Ces attaques vont probablement continuer si la même politique se poursuit. On doit prendre en compte le développement de la situation en Irak et en Syrie. Si les opérations militaires turques se poursuivent, cela produira les mêmes effets.”

Bora Bayraktar :
“La Turquie reçoit-elle assez de soutien de ses alliés européens pour combattre le terrorisme ?”

Nihat Ali Özcan : “Combattre la terreur n’est pas seulement le problème de la Turquie. Le terrorisme n’est pas propre à un pays. Il y a une interdépendance complexe, il y a la globalisation, les avancées technologiques. Il ne peut être contenu dans un lieu.
Le but du PKK est de déstabiliser, d’affaiblir et de blesser l’Etat turc, de le forcer à changer de priorités et ce n’est pas bon pour l’Europe. La crise des réfugiés et d’autres problèmes clefs de sécurité en Turquie auront un impact en Europe aussi. L’Europe fait aussi face à ce risque.
C’est pour cette raison que les pays européens soutiennent les efforts de la Turquie pour préserver sa sécurité et sa stabilité. Cela aide non seulement la Turquie, mais aussi l’Union européenne qui va ainsi protéger sa propre sécurité, au-delà de ses frontières.”

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