Tchernobyl : les regrets du coordinateur des secours médicaux ?

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Par Euronews avec Sandrine Delorme
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Depuis Los Angeles, le Professeur Robert Peter Gale, l’un des experts mondiaux en matière de radiation, a accepté de répondre aux questions de Fidel

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Depuis Los Angeles, le Professeur Robert Peter Gale, l’un des experts mondiaux en matière de radiation, a accepté de répondre aux questions de Fidel Pavlenko, responsable de l‘équipe ukrainienne d’euronews. Physicien et chercheur en médecine, Robert Gale est reconnu pour ses recherches sur la leucémie et la moelle osseuse. C’est lui qui a été appelé pour coordonner les secours médicaux après la catastrophe de Tchernobyl en 1986 et après celle de Fukushima en 2011.

Quand vous êtes arrivés en Union soviétique quelques jours après l’explosion de Tchernobyl, vous avez rencontré les gouvernants du pays, y compris Mikhaïl Gorbatchev. Vous a-t-on donné toutes les informations disponibles à ce moment-là sur l‘étendue du désastre ? A l‘époque, la majorité de la population à l’intérieur du pays et dans le reste du monde était maintenue dans l’ignorance…

Robert Gale :
Et bien, je pense que j’ai eu un tableau assez raisonnable de la situation, mais bien sûr, quand je suis arrivé, toute mon attention était focalisée sur les personnes les plus touchées qui avaient été envoyées dans les hôpitaux de Moscou. Je n’ai pu avoir une appréciation complète de la situation qu’en me rendant en Ukraine quelques jours plus tard.

Quelle est votre évaluation de la réponse médicale apportée à la population dans les zones affectées ? A-t-elle été suffisante ?

Robert Gale : *Je pense nous aurions aimé faire mieux certaines choses.
Je pense que l‘évacuation de Prypyat, la ville près de Tchernobyl, a été effectuée rapidement, que c‘était bien. Les évacuations de certaines autres zones ont été reportées, et je pense que, d’un point de vue médical, le plus grave problème auquel nous ayons été confrontés était que nous ne pouvions pas mettre en quarantaine tous les aliments qui auraient dû être mis en quarantaine.
Nous n’avons pas non plus pu distribuer de comprimés d’iode, de sorte que nous avons eu un certain nombre, plusieurs milliers de jeunes qui ont développé un cancer de la thyroïde. Tout cela, nous avons en revanche réussi à le faire après Fukushima par exemple.*

Quelques mois plus tard, quand beaucoup de gens tentaient de quitter les zones affectés ou du moins d‘évacuer leurs enfants, vous êtes venus à Kiev avec femme et enfant pour montrer qu’il n’y avait aucune raison de paniquer et que c‘était sûr. Cela ne risquait probablement rien de rester là seulement quelques jours, mais cela a dû être une autre histoire pour les gens qui vivaient là, non ?

Robert Gale :
Bien, bon, le but de ma venue à Kiev, avec ma famille, était d’empêcher des évacuations non planifiées, avec des gens qui se ruent dans les gares etc. Alors que nous pouvions raisonnablement planifier les mouvements de populations et éviter tout type de catastrophe. Voilà ce que nous essayons de faire en cas d’accident nucléaire – nous essayons de faire des évacuations raisonnées, pour faire en sorte que les gens aient toujours un accès médical s’ils en ont besoin où qu’ils aillent…

31 personnes sont mortes de maladies directement liées aux radiations peu de temps après la catastrophe de Tchernobyl. Mais quelle est votre évaluation du nombre potentiel de victimes des radiations sur le long-terme ?

Robert Gale :
Si nous nous concentrons seulement sur les effets des rayonnements, nous ne prenons pas en compte tous les problèmes. Il y a les personnes déplacées, les personnes qui ont eu des problèmes psychologiques. Il y a deux manières d’aborder la chose : l’une, c’est de considérer le très très petit risque engendré par les rayonnements sur les gens, mais multiplié par des millions de personnes. Si vous faites ça, vous aboutissez à certains chiffres comme 12 000 cancers sur 70 ans. Et cela doit être contextualisé par rapport au taux passé. Chacun de nous a 50 % de risque de développer un cancer, les gens qui ont été exposés ont un taux un peu plus élevé, peut-être de 50,1 %. C’est tout à fait regrettable, mais cela n’a rien de comparable, par exemple, avec le fait de fumer ou de boire de l’alcool. Nous ne connaîtrons jamais vraiment le nombre potentiel de victime de Tchernobyl, parce cette très très faible augmentation du risque de cancer ne sera pas détectable, excepté peut-être pour les travailleurs, les 100 000 travailleurs, qui ont contribué à maîtriser l’accident.

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