Les raisons de la paralysie politique en Espagne

Les raisons de la paralysie politique en Espagne
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Par Beatriz Beiras avec CARLOS MARLASCA, SANDRINE DELORME
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Entretien avec le politologue Fernando Vallespín.

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Vendredi, pour la deuxième fois en 48 heures, Mariano Rajoy ratait son investiture au parlement espagnol. Depuis huit mois, le Premier ministre va d‘échec en échec. Il avait seulement besoin de 11 abstentions,
mais 180 députés ont encore voté contre lui, tout comme mercredi… Parmi eux, encore, les Socialistes et les députés de Podemos.

Rajoy n’a obtenu que 170 voix favorables, celles de son parti, le PP, et des Centristes de Ciudadanos.

Le blocage persiste alors que les électeurs espagnols ont déjà été convoqués à deux reprises aux urnes depuis décembre dernier. De quoi exaspérer les Espagnols…

Le politologue Fernando Vallespín, analyse pour euronews une situation politique très complexe et sans précédent en Espagne.
Il nous explique d’abord ce que prévoit la Constitution dans le cas présent :

Maintenant s’ouvre une nouvelle phase qui peut durer au maximum 2 mois, une phase où les forces politiques en présence tentent de parvenir à un accord différent de celui présenté par Rajoy. Donc, tant le leader de l’opposition de facto, Pedro Sánchez que les Socialistes, comme d’autres partis, peuvent se mobiliser pour faciliter l’avènement d’un autre candidat à l’investiture. Ou même Rajoy, mais à mon sens, seulement s’il est sûr de l’obtenir.

Deux mois donc de négociations, or rien ne bougera vraiment avant le 25 septembre, date des élections régionales en Galice et au Pays Basque : les résultats pouvant renforcer ou affaiblir les conservateurs du PP :

Les élections au Pays Basque et en Galice vont, je pense, empêcher les partis et groupes politiques de tenter de se mettre d’accord avant cette échéance constitutionnelle, car nous entrons en campagne électorale dans ces deux régions. Et il s’agit de deux régions très sensibles. Car, en Galice, le PP est dominant, et au Pays Basque, Podemos a une énorme présence, et il y a bien sûr aussi les nationalistes basques.

Au pouvoir depuis 2011 et après avoir remporté les élections de décembre et de juin, Mariano Rajoy estime avoir le droit de gouverner et le PP affiche son unité derrière son candidat. Le problème est qu’il ne parvient pas à trouver suffisamment de soutiens parmi les autres partis politiques. Pourquoi ? Principalement, parce que le parti est entaché par des affaires de corruption, mais pas que…

Le PP est le seul parti du système politique espagnol qui ne s’est pas renouvelé depuis la crise politique en Espagne, crise politique, j’insiste, qui est le produit de la crise économique. C’est en ce sens, que Rajoy est pointé du doigt, en tant que responsable ultime d’un parti qui, en ce moment même, fait l’objet de beaucoup d’enquêtes judiciaires sur des affaires internes de corruption. Et cela, évidemment, ne facilite pas les ententes et les pactes éventuels avec le PP.

Des alliances d’autant plus nécessaires que l’irruption dans le Parlement espagnol de deux nouveau partis, à gauche Podemos et au centre Ciudadanos, a mis fin aux majorités absolues… Bien qu’affaiblis, les deux grands partis, PP et le PSOE restent toutefois les meneurs de jeu, alors comment sortir de l’impasse ?

“_L’unique moyen de débloquer la situation pour que certains se décident à soutenir le PP, c’est de renoncer à la figure de Rajoy… Or le PP ne compte pas renoncer à Mariano Rajoy en tant que candidat à la présidence du gouvernement, je n’ai aucun doute là-dessus. Mais, selon moi, il n’y aucune possibilité de parvenir à l’investiture.
Quant au Parti socialiste, (dirigé par Pedro Sanchez), même s’il voulait s’allier avec le parti Podemos (Pablo Iglesias), ce qui semble possible à l’heure actuelle, et bien, il serait loin d’avoir le nombre de sièges suffisants pour obtenir la majorité. L‘échiquier politique est donc dans une situation de blocage parfait._”

Pour éviter ce type de blocage, certains pays comme la France ont un système d‘élections à deux tours, d’autres comme la Grèce ou l’Italie, une prime de sièges au gagnant. Est-ce envisageable en Espagne ?

La réponse et la conclusion de Fernando Vallespín :

“_La réforme du système électoral en Espagne passe par un autre chemin, dirons-nous. La majorité des forces politiques sont pour une réforme qui favorise encore plus de proportionnalité. Alors je pense que nous devons entrer dans une culture des pactes, des ententes, cela me semble évident en Espagne, chose que nous n’avons pas à l‘échelle nationale, même si elle existe à l‘échelle régionale et locale.
Il faut favoriser cette culture des pactes, et surtout, je pense que nous devons adapter, encore une fois, notre politique aux nouvelles conditions sociologiques du pays, car ce sont elles qui sont réellement responsables de cette situation._”

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