La CPI de plus en plus contestée : faut-il la défendre ?

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Par Euronews
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La Russie est le quatrième pays à annoncer son intention de couper les ponts avec la Cour pénale internationale.

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La Russie est le quatrième pays à annoncer son intention de couper les ponts avec la Cour pénale internationale. Raison avancée : elle ne serait pas “véritablement indépendante” et n’aurait pas été à la hauteur des espoirs placés en elle.

Autrement dit, Moscou ne la considère plus comme légitime et la rejette, tout comme la Gambie, l’Afrique du Sud et le Burundi l’ont aussi récemment rejetée.

Seule différence, Serguey Lavrov a cru bon d’expliquer que la Russie n’avait jamais été “membre de la CPI”, puisqu’elle n’avait pas ratifié la Convention ou le Statut de Rome qu’elle avait fini par signer en 2000. Elle ne fait que “retirer sa signature” du traité fondateur de la CPI et “se délivrer de toutes les obligations attenantes”.

Dans une autre mesure, Moscou dénonce aussi la lenteur et le coût du fonctionnement de la CPI (1 milliard de dollars en 14 ans, ce qui n’est pas tant que cela comparé à sa mission).

Il est important de noter que la Chine, l’Inde, le Pakistan, ou encore l’Irak n’ont jamais été membres de la CPI. Et comme la Russie, l’Ukraine, les Etats-Unis, Israël et la Thaïlande font partie des Etats signataires du traité fondateur de la CPI, mais ne l’ont jamais ratifié.

Et il est à craindre que l’exemple de la Russie puisse être suivi par bine d’autres pays. Depuis, le Président des Philippines a déjà menacé de faire de même…

Pourtant, c’est non sans mal et avec un noble objectif que l’unique juridiction pénale internationale permanente a été créée…

La CPI en bref

La Cour pénale internationale a vu le jour le 1er juillet 2002, après ratification de 60 des 124 pays alors signataires du Statut de Rome de 1998.

-Son rôle : poursuivre toute personne ou groupe ou Etat pour génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes d’agression commis après 2002.

-Elle intervient lorsque les criminels ne peuvent être jugés dans leur pays.

-Elle est complémentaire de la justice nationale et ne se place pas au-dessus, comme les TPI mis en place par l’ONU, et souvent critiqués pour exercer “la justice des vainqueurs”.

-Elle reconnaît et créé aussi les droits des victimes. Les victimes ont le droit de participer à tous les stades de la procédure, seules ou avec l’aide d’un conseil, pour exprimer leurs vues et présenter leurs demandes et ont droit à des réparations.

-Elle siège à La Haye, mais compte six bureaux extérieurs à Kinshasa et Bunia en République démocratique du Congo, “RDC”, à Kampala en Ouganda, à Bangui en République Centrafricaine, à Nairobi au Kenya, et à Abidjan en Côte d’Ivoire.

-Elle emploie près de 800 membres du personnel, originaires d’environ 100 Etats. Son budget en 2016 était de 139,5 millions d’euros.

-La CPI a rendu son premier jugement le 14 mars 2012. La justice internationale est lente…

-Attention, elle ne peut intervenir que si le crime a été commis sur le territoire d’un Etat ayant signé la convention, ou si le mis en cause est un ressortissant de l’un de ces États.

_Cependant, le Conseil de sécurité de l’ONU peut donner compétence à la CPI de manière exceptionnelle lorsqu’un Etat qui n’a pas ratifié la convention commet des violations graves, comme cela a été le cas pour le Darfour en 2005.
La France, notamment, voudrait la saisir concernant les crimes commis en Syrie, mais la Russie bloque toute initiative en ce sens à l’ONU._

Qu’a fait la CPI jusqu‘à présent ?

La CPI a ouvert des enquêtes judiciaires dans 10 pays à ce jour.
La dernière en date, le 27 janvier 2016, relève de sa propre initiative et concerne la Géorgie et plus particulièrement la région de l’Ossétie du Sud pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre qui auraient été commis dans le contexte d’un conflit armé international entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008.

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Ce serait un début d’explication au retrait de la signature russe du traité fondateur de la CPI.

Elle enquête aussi en Libye à la demande de l’ONU, et dans huit autres pays, dont vous trouverez la liste et les détails ici.

La CPI est aussi en train de mener des examens préliminaires dans une dizaine de pays : l’Afghanistan, la Colombie, la Guinée, en Irak et en Grande-Bretagne à propos de crimes de guerres présumés commis par des ressortissants britanniques en Irak, en Ukraine, sur des crimes présumés contre l’humanité commis lors des manifestations de Maïdan à Kiev et dans d’autres régions ukraniennes entre le 21 novembre 2013 et le 22 février 2014, au Nigéria, au Gabon et en Palestine depuis le 13 juin 2014.

Dans son dernier rapport, la CPI a déclaré qu’elle ménerait probablement une enquête sur les crimes de guerres présumés en Afghanistan , crimes de guerres commis par les forces talibanes et américaines.

The #ICC Prosecutor, Fatou #Bensouda, issues her annual Report on Preliminary Examination Activities (2016) https://t.co/uUWZmFYEVvpic.twitter.com/51OWahAII2

— Int'l Criminal Court (@IntlCrimCourt) November 14, 2016

La cas de la flottille humanitaire de Gaza en 2010 , d’abord rejeté par le procureur sera aussi reconsidéré selon le rapport annuel de la CPI. Il est enregistré sous le titre “vaisseaux des Comores, de Grèce et du Cambodge”.

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Saisie pour des affaires au Honduras, au Venezuela et en Corée du Nord, la CPI a classé sans suite. Vous saurez pourquoi ici.

Pour résumer, à ce jour, la CPI a donc été saisie de 23 affaires.

Les juges de la CPI ont délivré 29 mandats d’arrêt. Grâce à la coopération des Etats, 8 personnes ont été détenues au quartier pénitentiaire de la CPI et ont comparu devant la Cour. Mais 13 personnes sont toujours en liberté.

Les juges ont rendu 5 verdicts concernant des affaires en République démocratique du Congo : 3 personnes ont été déclarées coupables, 1 personne a été acquittée, une autre a fait appel.

Dénonciation de la CPI en Afrique

Burundi

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Le Burundi a été le premier pays à annoncer son retrait de la CPI en octobre 2016. Ce n’est pas encore effectif. Jamais aucun pays dans le monde n’a encore quitté cette institution judiciaire.

Ce petit pays d’Afrique centrale critique la CPI parce qu’elle focaliserait sur les cas africains, plus que sur les autres.

La procureure Fatou Bensouda a annoncé en avril que la CPI allait ouvrir une enquête sur “des actes de meurtres, d’emprisonnement, de torture, de viols et autres formes de violences” qui auraient été commis au Burundi depuis avril 2015.

Le pouvoir se sent donc menacé, c’est très clair pour toutes les ONG de défense des droits de l’Homme, même si le gouvernement le nie.

Afrique du Sud

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L’Afrique du Sud a été le second pays à annoncer son retrait, même si cela n’est pas encore effectif (dans un an normalement).

La CPI “préfère viser des dirigeants en Afrique, et exclure les autres qui sont connus pour avoir commis ces atrocités ailleurs”, a dénoncé le ministre sud-africain de la justice, Michael Masutha, fin octobre.

L‘événement déclencheur a été, le refus, en juin 2015, d’arrêter le président soudanais, Omar Al-Bachir, dirigeant recherché par la CPI pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour.

Le statut de Rome prévoit en effet que les pays membres de la CPI doivent arrêter toute personne poursuivie par la CPI.

Pour les experts, il s’agirait d’un alignement des pays d’Afrique, après que le Kenya, visé par un examen préliminaire de la CPI, a mené une campagne anti-CPI avec le soutien de l’Union africaine. Le parlement Kenyan examine d’ailleurs la possibilité de retrait de la CPI.

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Mais déjà, par le passé, Jacob Zuma, critiquait l’absence de poursuites contre les Etats-Unis pour avoir attaqué l’Irak sans que soit prouvée l’existence d’armes nucléaires de destruction massive.

GambieLa Gambie a suivi de près les décisions du Burundi et de l’Afrique du Sud. Le 25 octobre, son ministre de l’Information, Sheriff Bojang, déclarait à la télévision nationale : “cette action est justifiée par le fait que la CPI, malgré son nom de Cour pénale internationale, est en fait un tribunal international caucasien pour la persécution et l’humiliation des personnes de couleur, en particulier les Africains“.

Le président Yahya Jammeh, régulièrement mis en cause pour des violations de droits de l’Homme, avait fait appel à la CPI pour enquêter sur la mort de migrants africains en Méditerranée, il voulait que soit mis en accusation l’Union européenne, mais n’a pas obtenu de réponse.

Quel avenir pour la CPI ?

Les juristes de la CPI craignent désormais un retrait massif des pays africains.

Mais plus que cela, il semble qu‘à partir du moment où la CPI s’intéresse de près à un pays, celui-ci prend la décision de se défaire de ses obligations envers l’instance judiciaire internationale.

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C’est le cas de la Russie, avec l’enquête en Géorgie et l’examen préliminaire en Ukraine, mais ce pourrait être aussi le cas, demain, avec les Etats-Unis qui s’inquiètent déjà de savoir ce qu’il y a dans le dossier Afghanistan de la CPI.

Voilà, en résumé, pourquoi il faudrait la défendre, la réformer peut-être, mais maintenir son existence et tout faire pour qu’elle puisse accomplir ce pourquoi elle a été créée : mettre fin à l’impunité des auteurs de crimes contre l’humanité au sens large, d’où qu’ils soient.

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