"Mein Kampf" réédité, un succès inattendu en Allemagne

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Par Sandrine Delorme
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Cela peut faire froid dans le dos, mais les acheteurs seraient en majorité des amateurs d'Histoire et des professionnels de l'Enseignement selon l'éditeur.

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A la surprise de l’Institut d’Histoire contemporaine de Munich, en un an, 85 000 exemplaires d‘“Hitler, Mein Kampf, une édition critique” ont déjà été vendus. Au départ, l’ouvrage n’avait été édité qu‘à 4 000 exemplaires.

Cette édition critique se présente sous la forme de deux volumes de 1948 pages : un texte accompagné de 3.500 notes rédigées par les historiens de l’Institut d’Histoire Contemporaine de Munich (IfZ).

Le manifeste d’Adolf Hitler est l’un des livres les plus sulfureux de l’Histoire. Il a été réédité pour la première fois, en version commentée, en janvier 2016, en Allemagne.

Avant de tomber dans le domaine public le 1er janvier 2016, les droits d’auteur de “Mein Kampf” étaient détenus par le land de Bavière qui les avait reçus des forces d’occupation américaines en 1945.

L’ouvrage n‘était pas officiellement interdit, des éditions originales pouvant se trouver chez certains antiquaires ou sur internet, mais pendant 70 ans, la Bavière s’est opposée à une quelconque réédition sur le sol allemand.
Ce qui explique, peut-être, cet engouement.

Cette édition commentée est un outil pédagogique selon Christian Hartmann, chercheur de l’IfZ.
Selon les données collectées, les acheteurs de cette réédition seraient principalement “des consommateurs intéressés par l’Histoire et la politique ainsi que des professionnels de l’enseignement“.

Pour le directeur de l’IfZ, Andreas Wirsching, “il s’avère que la peur que cette publication permette la promotion de l’idéologie d’Hitler s’est avérée infondée“.

Cependant, l’Allemagne reste sur ses gardes.

Dans un contexte d’attaques terroristes et de l’accueil d’un million de migrants, le parti d’extrême droite, Alternative pour l’Allemagne, l’AfD, ne fait que gagner des points lors des scrutins. C’est un constat.

Les autorités interdisent systématiquement les groupes néonazis d’extrême-droite pour freiner l’essor de la pensée politique fasciste. Neuf groupes ont ainsi été interdits dans le pays depuis 2012 (le dernier en mars 2016).

Et les autorités allemandes entendent bien poursuivre en justice ceux qui chercheraient à éditer “Mein Kampf” sans commentaires, car l’ouvrage théorise le nazisme ou national-socialisme, détaille largement la haine des juifs de son auteur qui mena à l’holocauste, et milite pour l‘élargissement de “l’espace vital” des Allemands (Lebensraum) par la conquête.

Hitler avait écrit “Mein Kampf” (Mon combat) entre 1924 et 1926; le premier volume lorsqu’il croupissait en prison après le putsch raté de Munich en 1923, et le second, dans son refuge de Berchtesgaden après sa libération.

En France, il est toujours disponible depuis 1934 et va être retraduit, commenté par des historiens et le tout réédité par la maison Fayard.

En 2008, les ventes totales de “Mein Kampf” depuis sa parution étaient estimées à 80 millions d’exemplaires. Il a connu un regain avec l’apparition de sa version numérique en anglais. Il a été traduit en 16 langues.

Il est largement disponible sur internet notamment sur des sites salafistes. Il avait été traduit en arabe en 1963 par un criminel de guerre nazi…

Il est, en revanche, interdit en Russie depuis 2010.

En Italie, en novembre 2016, et en collaboration avec l‘édition allemande, le quotidien “Il Giornale”, dirigé par Alessandro Sallusti, a proposé une édition annotée de “Mein Kampf” en supplément gratuit dans les kiosques sous la direction critique du professeur Francesco Perfetti.
Selon ce dernier, “le monde politique, mais aussi l’intellectuel européen de l‘époque, peut à présent être réprimandé pour ne pas avoir lu en profondeur cet ouvrage, et donc pour ne pas avoir pleinement compris la dimension aberrante des propos de son auteur, qui ont conduit à la tragédie, à saper profondément les fondements du monde civilisé.

La seconde vie de #MeinKampf : Analyse et prise de position de Valéry Rasplus https://t.co/Z6fR6mk2DF#Réédition#Nazisme@OlivierMannonipic.twitter.com/Uf7Crl6FRY

— Mémoires Critiques (@MemoireCritique) 4 janvier 2017

Avec AFP

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