Euroviews. L’arme monétaire au cœur de la guerre commerciale - L'Europe doit agir ! | Point de vue

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La Chine et les États-Unis se livrent une guerre commerciale à grands renforts de déclarations polémiques et de barrières douanières. Détentrice de la deuxième monnaie la plus échangée au monde, l’Europe a une carte à jouer pour défendre ses entreprises.

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Par Sébastien OUM

Depuis le 23 mars dernier, la Chine et les États-Unis se livrent une guerre commerciale à grands renforts de déclarations polémiques et de barrières douanières. Loin du maelström politico-médiatique, ce bras de fer entre les deux premières puissances économiques mondiales se joue aussi de façon plus discrète sur le front monétaire. Détentrice de la deuxième monnaie la plus échangée au monde, l’Europe a une carte à jouer pour défendre ses entreprises, mais encore faut-il trouver les bons moyens d’action.

Dans ce choc des titans, Pékin accuse Washington d’avoir déclenché « la plus grande guerre commerciale de l’histoire ». Côté chinois, tous les moyens sont donc bons pour s’opposer aux mesures protectionnistes américaines : le recours aux traditionnelles barrières douanières, mais également l’usage d’une arme plus discrète mais tout aussi efficace : l’arme monétaire.

Moins commentée que l’instauration des barrières douanières à l’encontre de 60 milliards de dollars de biens américains, la baisse du yuan de près de 10% face au billet vert au cours des derniers mois a pourtant permis aux exportateurs chinois de compenser l’augmentation des taxes américaines.

Bien sûr, cet affrontement n’est pas sans conséquence pour l’économie mondiale. Au vu des dernières prévisions du FMI la croissance des deux pays rivaux ralentirait de -0,2% en 2019, soit +2,5% pour les États-Unis et +6,2% pour la Chine. Toutefois, l’impact reste marginal, et pour cause, les principaux acteurs du conflit n’en sont pas les premières victimes.

Bien armés sur le plan monétaire, la Chine et les États-Unis sont en capacité de piloter leurs taux de change de façon suffisamment subtile pour respecter les règles fixées par les institutions mondiales, mais de façon suffisamment significative pour ne pas avoir à payer pleinement le prix de leur duel politique.

Confrontés à la remontée des taux d’intérêt américains et à la faiblesse de leurs réserves de change, les pays émergents se retrouvent en première ligne et voient leurs devises plonger les unes après les autres. Moins exposés, les pays européens pâtissent également des mesures protectionnistes et de la volatilité des taux de change. La France n’est d’ailleurs pas épargnée par le conflit avec des exportations en baisse et une croissance relativement faible de +1,6%.

Comme à l’époque de la Guerre Froide, l’affrontement de deux puissances de premier rang polarise les échanges économiques et limite la capacité d’expression des puissances de second rang. Dans ces circonstances, la France et les pays membres de l’Union européenne doivent eux aussi être en capacité de maîtriser leur devise pour peser sur la scène internationale. Si la Chine et les États-Unis affaiblissent leurs devises dans le but de soutenir leurs entreprises à l’export, l’Europe doit faire de même pour assurer la stabilité des cours de l’euro face au renminbi et au dollar américain.

L’économie repose en grande partie sur la confiance des agents économiques et sur la stabilité des cours monétaires, conditions nécessaires au bon développement des entreprises. Plus que jamais, il est urgent pour la zone euro d’utiliser sa devise comme une arme défensive ou dissuasive afin de protéger ses entreprises les plus exposées aux variations des taux de change. La Banque centrale européenne dispose de plusieurs outils à sa disposition. Son taux directeur d’abord, ses programmes de rachat d’actifs, mais aussi et surtout : sa rhétorique. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler de l’effet des petites phrases lâchées par Mario Draghi lors de la crise de l’euro.

Faute d’accord entre les États-Unis et la Chine, les fluctuations de la « monnaie du peuple » et du « billet vert » devraient se poursuivre au moins jusqu’au G20 de Buenos Aires prévu le 30 novembre prochain.

Dans l’attente d’actions communes, les entreprises européennes prennent des initiatives individuelles pour se prémunir contre les variations de taux de change. En ayant recours à des stratégies de couverture via l’achat de contrats à terme, leurs taux de change sont sécurisés pour quelques mois. Bien que particulièrement efficaces sur le court et moyen terme, ces actions micro-économiques doivent être complétées au plus vite par une réponse macro-économique européenne.

Sébastien OUM est le Président de Ambriva, services et solutions de change

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