La Roumanie sous le choc après le meurtre d'une adolescente

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Par Cecile SauzayLaurentiu Colintineanu
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Le féminicide a déclenché une crise politique : Alexandra, 15 ans, est morte après avoir été violée et séquestrée le 25 juillet. La jeune fille avait pourtant appelé la police à trois reprises.

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A Bucarest, le ministère de l'intérieur s'est mué en mémoria : des centaines de bougies, d'affichettes pour dire "Nous sommes Alexandra". Le 24 juillet, cette adolescente de 15 ans a été enlevée par un homme de 65 ans - passé aux aveux depuis.

En l'espace d'une journée, elle a séquestrée, violée puis assassinée. Alexandra avait réussi à passer 3 appels au 112 depuis un portable trouvé chez son ravisseur, mais n'avait pas été prise au sérieux par la police. Au bout du compte, les enquêteurs ont mis 19 heures pour retrouver la maison du suspect et y pénétrer, après une série de bourdes.

Les cas de violences faites aux femmes ont explosé

L'affaire a profondément choqué l'opinion. Dimanche dernier, des milliers de manifestants ont défilé en silence devant le ministère de l'Intérieur. Pour Alexandra, oui, mais surtout pour ce qu'elle représente. "Ce cas tragique n'est pas un cas isolé, souligne Irina Ilisei, chercheuse et activiste roumaine. Des choses comme ça arrivent tous les jours.. ce n'est peut etre pas aussi violent et pas aussi médiatisé, mais les violences contre les femmes sont quotidiennes".

Cette militante le répète comme un refrain : les violences faites aux femmes sont de plus en plus courantes en Roumanie. Selon les statistiques de la police, entre 2016 et 2018, le nombre de cas a doublé : rien que l'année dernière, on recense 35 600 affaires de violence domestiques ou liées au genre, soit une centaine tous les jours.

Crise politique et défiance à l'égard de la police

A l'heure actuelle, les débats ne tournent pas encore autour du contexte sociétal de ce drame.

Le président Iohannnis a dénoncé une longue série d'erreurs et a insisté sur le fait que les responsables seront tous punis.

Depuis deux semaines, le scandale a déclenché une crise politique : le chef de la police en Roumanie a été limogé, puis la ministre de l'Intérieur Nicolae Moga , en poste depuis une semaine à peine, a dû démissionner le 28 juillet. Par ailleurs, plusieurs policiers et procureurs font l'objet de procédures disciplinaires pour des failles dans leur enquête.

L'opinion publique juge les policiers trop corrompus pour être compétents. Mais ces derniers pointent du doigt le manque de moyens humains, et le poids du pouvoir politique sur l'institution. Gabriel Girnita, vice-président du syndicat d'Europol confirme : "Dès qu'un personnage politique entre en fonction, il nomme de nouveaux chefs à la tête des institutions qu'il dirige. Cela lui permet de servir ses intérêts particuliers"

La piste du trafic d'être humains

A Bucarest, des centaines de chaussures alignées dans la rue symbolisent les 4 000 enfants portés disparus en 2018. En tout, 400 d'entre eux n'ont jamais été retrouvés. Les autorités suspectent les réseaux de traffics de personnes, une autre des pistes explorées dans l'enquête sur le meurtre d'Alexandra.

La Roumanie fait systématiquement partie des 5 pays de l'UE les plus touchés par la traite d'être humains. La plupart du temps, des fillettes ou des jeunes femmes sont enlevées et intégrées dans des réseaux d'exploitation sexuelle au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne, en Allemagne ou encore en France.

L'agence de lutte contre le trafic d'être humains en Roumanie tente d'enrayer ce phénomène. "Quand vous avez, par exemple, une demande très forte pour des services sexuels et qu'il y a énormément d'argent à se faire, c'est là que les organisations criminelles entrent en jeu", explique Ciprian Ghituleasa, porte-parole de l'institution.

Le tollé provoqué par le meurtre d'Alexandra fait pression sur le gouvernement pour mettre en place des réformes structurelles urgentes, en particulier dans la police et le système judiciaire. Mais dans un pays où les violences domestiques sont monnaie courante, la mort tragique de la jeune fille peut aussi agir comme un catalyseur du changement. Pas seulement au niveau de l'Etat, mais également au niveau des mentalités.

Journaliste • Cecile Sauzay

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