Qui sont les mercenaires russes engagés dans la guerre civile libyenne ?

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Par Euronews avec AP
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Libye : le gouvernement d'union nationale aurait comptabilisé entre 600 et 800 hommes russes combattant avec les troupes de Khalifa Haftar.

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Des responsables du gouvernement d'union nationale libyen (GNA : soutenu par l'ONU) ont dénoncé, début décembre, la présence de mercenaires russes combattant aux côtés de leurs adversaires dans la guerre civile du pays.

Libyens et Américains affirment qu'ils appartiennent à une organisation paramilitaire appelée le groupe Wagner, associée à un oligarque proche du président russe Vladimir Poutine.

Le gouvernement libyen aurait comptabilisé entre 600 et 800 hommes russes en Libye, et aurait entrepris de collecter leurs noms pour les soumettre au Kremlin, d'après Khaled al-Meshri, chef du Conseil d'Etat suprême de Tripoli.

Ces mercenaires sont soupçonnés de combattre avec les troupes de Khalifa Haftar, qui, avec le soutien des Émirats arabes unis et de l'Égypte, assiègent le gouvernement intérimaire internationalement reconnu de Tripoli, dirigé par Fayez el-Sarraj. À plusieurs reprises, Moscou a nié toute implication directe dans le conflit.

Pourtant, ces hommes "opèrent sous le contrôle des services de sécurité et militaires russes, et ne bougent pas sans l'aval du Kremlin" indique Pavel Felgenhauer, analyste et rédacteur en chef à Novaya Gazeta.

Qu'est-ce que le groupe Wagner ?

Le groupe Wagner a émergé, comme d'autres organisations paramilitaires, lors du conflit du Donbass dans l'est de l'Ukraine, lorsque les forces pro-russes se sont élevées contre le gouvernement ukrainien.

Des personnes liées au groupe Wagner ont récemment déclaré à l'agence de presse Reuters qu'elles avaient mené des missions de combat clandestines pour le compte du Kremlin en Ukraine et en Syrie. Moscou nie toutefois ces affirmations.

L'oligarque proche de Vladimir Poutine considéré comme le chef du groupe Wagner - Yevgeny Prigozhin - a nié à plusieurs reprises tout lien avec le groupe. Les États-Unis lui ont imposé des sanctions après l'avoir accusé d'avoir tenté de s'immiscer dans les campagnes des élections présidentielles et de mi-mandat américaines de 2016 et de 2018.

Prigozhin a nié tout lien avec le groupe Wagner et a refusé de commenter les allégations américaines, les qualifiant d '"affaire privée" pour le Trésor américain.

«Unités de frappe d'élite»

L'analyste Pavel Felgenhauer a confié à Euronews que les mercenaires russes différaient de leurs homologues américains.

"Ils participent aux combats" explique-t-il et sont "utilisés dans des unités de frappe d'élite", alors que les groupes privés américains, eux, exécutent plutôt des missions de surveillance.

«En Russie, il y a un énorme bassin de personnes prêtes à se battre. Fondamentalement, ce sont des vétérans du Donbass. Actuellement dans le Donbass, ils ne se battent pas beaucoup, ils ne sont donc pas bien payés. C'est pourquoi ils cherchent à gagner de l'argent parce qu'il leur est difficile d'en gagner autrement. »

Ces hommes peuvent gagner quelques milliers de dollars par mois en tant que combattant, et davantage en tant que commandant. Leurs familles peuvent par ailleurs recevoir un peu moins de 50 000 € en cas de décès.

D'après Pavel Felgenhauer, être mercenaire est une infraction pénale en Russie et l'existence de ces entreprises militaires privées n'est pas officielle. «Mais, bien sûr, ils opèrent sous le contrôle des services de sécurité et militaires russes. Sans un signe de tête de Moscou, ils ne partent pas en guerre, même si le Kremlin le nie et dit qu'ils ne savent rien».

L'utilisation des combattants du groupe Wagner permet au gouvernement russe d'atteindre un certain nombre d'objectifs, estime-t-il. Ces hommes, prêts à se battre jusqu'à la mort pour assurer une rentrée d'argent à leurs familles ont des profils "dangereux" et peuvent représenter une menace politique chez eux analyse-t-il. Ils permettent surtout au Kremlin de poursuivre ses objectifs de politique étrangère en niant son rôle "parce que la Russie n'interférera pas officiellement en Libye".

«La Russie a des relations avec Haftar et le GNA. Le GNA soutient aussi Erdogan. Erdogan et la Russie ne se battront pas en Libye. Cela entraînerait une grave crise en Syrie, et la Turquie est plus importante stratégiquement pour la Russie que la Libye », indique Felgenhauer à Euronews.

En Libye, selon Lorenzo Cremonesi, correspondant du journal Corriere, les Russes se tiennent à l'écart des lignes de front, opérant plutôt comme des tireurs d'élite à distance, des pilotes de drones ou comme des entraîneurs pour les soldats de Haftar.

Selon le magazine Foreign Policy, le groupe est tombé en disgrâce après l'offensive syrienne et a récemment tenté de trouver du travail en Afrique dans la formation des milices locales et pour obtenir des contrats de sécurité privée. Trois journalistes russes qui enquêtaient sur la présence du groupe Wagner en République centrafricaine ont été assassinés à l'été 2018. D'autres ont été menacés.

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Le chef du Conseil d'Etat suprême de Libye, Khaled al-Meshri, a déclaré que le GNA, reconnu par l'ONU, devait soumettre au gouvernement russe une liste de noms de mercenaires trouvés en train de combattre dans le pays. "Nous allons visiter la Russie après avoir rassemblé toutes les preuves et les présenter aux autorités et voir ce qu'elles disent" a-t-il déclaré à Associated Press, sans préciser le moment de cette visite.

David Schenker, le secrétaire adjoint américain aux Affaires du Proche-Orient, a annoncé que les États-Unis collaboraient avec leurs partenaires européens pour imposer des sanctions contre le prestataire russe. "La façon dont cette organisation a fonctionné auparavant fait surgir le spectre de pertes massives dans les populations civiles", a-t-il déclaré.

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