Sadiq Khan : "Une citoyenneté européenne associée pour les Britanniques"

Sadiq Khan : "Une citoyenneté européenne associée pour les Britanniques"
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Par Darren McCaffrey
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Ex-opposant au Brexit, le maire de Londres Sadiq Khan milite pour l'instauration d'une citoyenneté européenne associée permettant aux Britanniques qui le veulent de maintenir un lien avec l'UE. Il nous répond en interview exclusive.

Le Brexit a eu lieu et le Royaume-Uni a quitté l'Union européenne, mais des négociations vont à présent débuter sur leur future relation. Que représentera-t-elle pour une ville comme Londres qui a voté à une très grande majorité pour le maintien dans l'Union ? Nous avons recueilli le point de vue de son maire Sadiq Khan lors de sa récente à Bruxelles. 

Darren McCaffrey, euronews :

"À Bruxelles, vous discutez avec de nombreux responsables politiques de ce qu'on appelle une citoyenneté européenne associée à laquelle pourraient accéder les Britanniques puisqu'ils ne sont plus citoyens de l'Union européenne. Que signifie cette citoyenneté associée ?"

Sadiq Khan, maire de Londres :

"Peut-être que beaucoup ne savent pas qu'il y a des millions de Londoniens et de personnes dans notre pays pour qui le Brexit est un déchirement. À la fin de l'année, nous aurons quitté le marché unique et nous aurons perdu notre liberté de circulation dans l'Union européenne. L'une des choses qui existe et qui remonte au Traité de Maastricht, c'est le concept de citoyenneté européenne et l'une des questions que j'ai posées à de hauts responsables à Bruxelles, c'est : 'Même si nous avons quitté l'Union, y a-il une possibilité pour ceux d'entre nous qui souhaitent garder un lien avec l'Union d'avoir une forme de citoyenneté associée ?' Le principe, c'est que nous accepterions de ne plus avoir les mêmes privilèges que nous avions en tant que membres de l'Union - puisque nous avons quitté le marché unique - et de ne plus bénéficier de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux ; mais nous pourrions maintenir une relation particulière pour ceux d'entre nous qui veulent encore faire partie de l'Union par le biais d'une citoyenneté associée afin qu'ils puissent par exemple, se déplacer, étudier, travailler et tirer parti des avantages de l'Union européenne."

"Une possibilité de conserver notre relation avec l'UE"

Darren McCaffrey :

"Certains disent que ce n'est qu'un gadget, que cela ne marchera pas, que cela nécessite un changement au niveau des traités... Un responsable de l'Union européenne a dit que cette proposition n'était pas sérieuse, que c'était une illusion."

Sadiq Khan :

"Nous voulons que cette idée fasse son chemin, notamment au niveau du gouvernement britannique. J'ai écrit à Boris Johnson hier pour lui demander de discuter avec l'Union de la possibilité d'une citoyenneté associée quand il commencera réellement à négocier en mars. J'accepte que nous quittions le marché unique, que mon gouvernement ne veuille plus de la libre circulation des personnes et qu'il y ait des défis à relever en termes de réciprocité. Mais je voulais également discuter avec les responsables politiques européens pour leur expliquer que nous sommes nombreux à avoir tenté de garder le passeport européen du fait d'une ascendance irlandaise, italienne ou polonaise et voir s'il y a pour nous, une autre possibilité de conserver notre relation avec l'Union européenne."

Darren McCaffrey :

"Voyons les choses à long terme. Vu l'état de l'opinion, la sortie effective du Royaume-Uni de l'Union et qu'il faudra peut-être des années pour réussir à établir cette nouvelle relation, êtes-vous aujourd'hui prêts à accepter que votre pays ne redeviendra probablement pas membre de l'Union avant au moins une génération ?"

Sadiq Khan :

"Honnêtement, à court et moyen terme, il n'y a aucune possibilité pour nous de revenir dans l'Union. C'est pour cela que je dis à mes amis qui ont voté pour le Brexit - et cela inclut le gouvernement - que nous devons travailler ensemble pour que le Brexit soit un succès à court et moyen terme. Nous devons nous assurer qu'il soit aussi réussi que possible. Et bien sûr, je ne crois pas qu'il puisse être suffisamment réussi pour nous faire réintégrer l'Union. Mais à long terme, qui sait ? J'appartiens à cette génération qui a grandi en considérant nos voisins européens comme nos amis, nos alliés, des membres de notre famille. La génération de mes parents a grandi en regardant nos voisins européens avec méfiance. Je ne veux pas que mes enfants reviennent à cette triste époque où nous regardions les Français ou les Allemands avec méfiance. Je veux qu'ils les voient comme nos amis et des membres de notre famille. C'est à moyen et long terme que nous verrons si nous revenons dans l'Union. Mais à court et moyen terme, nous avons quitté l'Union."

"L'UE ne nous ressemble pas en termes de diversité"

Darren McCaffrey :

"Quand vous avez été élu il y a près de quatre ans, vous étiez le premier maire musulman d'une grande ville occidentale et il y a eu de grands progrès dans certaines régions d'Europe en matière de relations entre ethnies et religions différentes. Mais il ne semble pas que ce soit le cas au sein des institutions européennes. Disons que si l'on prend le Parlement européen, par exemple, moins de 3% - et c'est encore moins depuis que les eurodéputés britanniques sont partis - sont des personnes de couleur. La Commission ne comporte aucune personne de couleur. Pensez-vous que l'Union européenne ne se préoccupe pas autant de la diversité ethnique que -disons- le Royaume-Uni par exemple ?"

Sadiq Khan :

"Je crois qu'à travers l'Europe et pas seulement dans mon pays, de nombreux Européens sentent qu'il y a un fossé entre les institutions, la structure de l'Union européenne et les peuples. L'une des illustrations de cela, c'est que l'Union européenne ne nous ressemble pas. Je suis Européen. Il y a des personnes qui me ressemblent en France, Espagne, Italie et Allemagne. Nous sommes un continent très divers. Nous sommes très divers en termes d'ethnies, de religions, d'orientation sexuelle et de handicaps et je ne suis pas certain que l'Union européenne et ceux qui occupent des postes de pouvoir et d'influence reflètent bien la société dans laquelle nous sommes en 2020. L'Union européenne doit réaliser que si elle ne s'adapte pas et si elle n'évolue pas pour suivre le rythme de l'évolution de nos sociétés, elle sera encore plus éloignée de ceux qui ont la conviction qu'elle doit survivre."

"Je n'ai pas peur de critiquer Donald Trump ouvertement"

Darren McCaffrey :

"On peut dire que vous avez eu quelques disputes avec le président des États-Unis, Donald Trump. Il est possible et même probable qu'il se fasse élire en novembre pour un autre mandat de quatre ans. Vous aussi, vous pourriez bien de nouveau l'emporter lors des municipales de Londres dans quelques mois. Regrettez-vous que vos relations soient aussi mauvaises ?"

Sadiq Khan :

"Il est évident pour moi que le Royaume-Uni et les États-Unis ont une relation particulière. Ce qui implique que nos attentes l'un envers l'autre sont différentes de celles que nous avons à l'égard d'autres pays. C'est comme quand on a un meilleur ami. On attend beaucoup plus de lui que de simples connaissances ou de personnes qu'on ne connaît pas. Et quand vous avez une relation particulière, bien entendu, vous vous épaulez dans l'adversité, mais vous dites aussi à l'autre quand vous estimez qu'il se trompe. Et quand on regarde ce qui se passe dans le monde, on voit qu'il y a une montée en puissance des mouvements populistes et anti-immigrés. Je vois des dirigeants qui essaient de diviser les citoyens plutôt que de les unir. Il faut dire haut et fort que nous ne sommes pas d'accord avec eux. Et concernant Donald Trump, ce qu'il a dit des homosexuels, des Mexicains, des musulmans, des femmes, ce sont des choses que je désapprouve et je n'ai pas peur de le critiquer ouvertement."

Darren McCaffrey :

"Mais si ni l'un, ni l'autre ne quitte sa fonction - et vu que le Royaume-Uni et l'Union européenne veulent chacun de leur côté, conclure un accord commercial avec les États-Unis - et il semble que les États-Unis veulent la même chose -, ne serait-il pas préférable dans ce contexte que tous les deux, vous vous entendiez un peu mieux ?"

Sadiq Khan :

"J'ai dit à Donald Trump que je serais plus que ravi de lui faire rencontrer à Londres, des femmes qui sont ses égales, des musulmans qui sont fiers d'être occidentaux et musulmans et des membres de la communauté LGBT + qui je crois, devraient être traitées de la même manière que les autres citoyens. Je serais plus que ravi de lui faire visiter Londres en l'emmenant dans des mosquées et des synagogues pour lui expliquer qu'il est possible d'être à la fois, musulman et britannique, d'être fier d'être occidental et membre de la communauté musulmane."

La couleur des passeports britanniques : "Je préfère le bordeaux européen"

Darren McCaffrey :

"Terminons par un quizz. Vous ne pouvez passer qu'une seule question. Et justement on en parlait : entre Donald Trump et Vladimir Poutine, lequel choisissez-vous ?"

Sadiq Khan :

"Joker."

Darren McCaffrey :

"Vous n'en avez qu'un seul, attention ! [rires] Quelle couleur pour les passeports : bordeaux européen ou bleu britannique ?"

Sadiq Khan :

"Bordeaux européen, sans hésitation !"

Darren McCaffrey :

"Merkel ou Macron ? "

Sadiq Khan :

"C'est une bonne question... J'ai rencontré M. Macron, je n'ai pas rencontré Mme Merkel. Pour moi, M. Macron est un homme d'initiative et de progrès, fièrement européen. J'ai vraiment été impressionné quand je l'ai rencontré."

Darren McCaffrey :

"Donc, vous répondez 'Macron'. Chips britanniques, frites françaises ou gaufres belges ?"

Sadiq Khan :

"Chips britanniques."

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