Coronavirus : les animaux sauvages profitent-ils du confinement ?

Attention ! Des animaux sauvages se cachent sans doute dans cette photo.
Attention ! Des animaux sauvages se cachent sans doute dans cette photo. Tous droits réservés Vincent Coste
Par Vincent Coste
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Chaque matin, et tout au long de la journée, nous sommes nombreux à être surpris par le volume sonore du chant des oiseaux dans nos villes confinées. Et partout en Europe, des témoignages faisant état de "grosses bébêtes" croisées dans les rues se multiplient. Des spécialistes nous éclairent.

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Serait-ce la bande son du confinement ? En France, comme dans les autres pays où ce dernier a été décrété pour endiguer la propagation du Covid-19, nos oreilles s'emplissent du chant des oiseaux. Le volume sonore de ces gazouillis est même particulièrement surprenant pour les citadins, habitués aux ronflements des moteurs.

Si les volatiles s’égosillent à plein poumons, d'autres animaux sauvages pointent le bout de leurs pattes dans nos villes. De nombreux témoignages vont en effet dans ce sens. Et pour éclairer la chose, quoi de mieux qu'une expérience personnelle !

Alors que j'étais sorti pour quelques emplettes de première nécessité, muni comme il se doit d'une pièce d'identité et d'une attestation de déplacement dérogatoire, je suis tombé nez-à-nez avec un blaireau qui se baladait sur un parking non loin de chez moi. Nous avons échangé un regard étonné, puis le mammifère a foncé dare-dare dans un bosquet.

Vincent Coste
Le fameux bosquet, où le blaireau a caché le bout de son nezVincent Coste

Par ailleurs, des voisins m'ont aussi indiqué avoir vu dans leur jardin une chevrette, la femelle du chevreuil, et son petit en pleine journée. Une scène dont ils n'avaient jamais été les témoins auparavant alors qu'ils vivent dans leur domicile depuis longtemps.

Pour en avoir le cœur net, j'ai contacté des biologistes du laboratoire de Biométrie et Biologie Évolutive (LBBE) de l'université de Lyon 1 pour savoir si la réduction de l'emprise humaine sur la nature permet effectivement aux animaux sauvages de sortir de "leurs bases habituelles".

Blandine Doligez, spécialisée dans l'étude des oiseaux, nous explique ainsi que cette période de confinement est effectivement propice à la modification des habitudes des animaux.

"Dans des périodes où des sources de dérangement ou de pollution sont modifiées, comme actuellement à une échelle cependant bien plus importante, il est plus que probable que les animaux sauvages vont modifier leurs activités en retour", indique-t-elle.

La chercheuse au CNRS précise que "des études réalisées en milieu urbain sur des populations d'oiseaux ont en particulier déjà bien mis en avant le rôle du niveau de dérangement, comme l'intensité des passages humains à proximité des nids sur différents paramètres de la reproduction."

Blandine Doligez ajoute qu'en général, le niveau de dérangement est bien moindre le week-end qu'en semaine. Les oiseaux chantent, en général, ainsi plus les samedi et dimanche et font plus de visite à leur nid. Mais, conclue la biologiste, la présence humaine n'est pas la seule source de dérangement pour les oiseaux, "la même chose est également observée pour des sources de pollution sonores, chimiques, lumineuses..".

Concernant les mammifères, c'est Jean-Michel Gaillard, directeur de recherche au CNRS, et toujours du LBBE, qui prend la parole.

"On peut répondre sans aucun doute qu'il y a réellement une réponse des animaux à ce confinement. Tout simplement parce que l'espace qui était occupé par l'homme et ses activités est devenu vacant. Et c'est devenu de l'espace disponible pour les espèces animales et les individus qui vont intégrer ça dans dans leur environnement. La présence des activités humaines, est quand même interprétée comme quelque chose de négatif, de dangereux. Et face à cette perturbation, les animaux augmentent leurs distances de fuite ou vont même abandonner des zones qui utilisaient précédemment".

AP Photo/Jae C. Hong
Une biche, de la famille du cerf sika, empruntant un passage souterrain à Nara au Japon, le 17 mars 2020.AP Photo/Jae C. HongJae C. Hong

"Dès qu'il y a un changement dans ce qu'on appelle le "landscape of fear", le paysage de la peur dans notre jargon, soit toutes les menaces qui peuvent exister dans un endroit donné, l'animal acquiert une espèce de carte de ces menaces. La plupart des espèces de mammifères savent très bien s'adapter à ces changements. C'est ce qu'on appelle un comportement plastique. Et naturellement, les animaux – et ça, c'est très, très rapide – voient qu'il n'y a personne et vont s'installer. Ils vont faire abstraction finalement pour conquérir de nouveaux espaces".

Si le confinement dure jusqu'en avril, je peux vous prédire que des chevreuils, on va en avoir beaucoup. Parce que ça va correspondre à la phase où les jeunes deviennent indépendants et font des mouvements exploratoires.
Jean-Michel Gaillard
Directeur de recherche au CNRS

"Alors évidemment, tous les animaux ne sont pas égaux. Tous n'ont pas la même, la même distance de fuite. Il y a des animaux qui sont très, très peureux. D'autres au contraire s'accommodent parfaitement des activités humaines. Certains même en profitent. Comme les renards à Oxford. Très rapidement, ils ont su comment exploiter de nouvelles ressources avec les poubelles. Pour les chevreuils, c'est pareil. ils sont régulièrement nombreux dans les jardins. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Mais là, comme il n'y a plus plus grand monde qui occupe l'espace, ils viennent beaucoup plus fréquemment et en beaucoup plus grand nombre".

"Ce mouvements, c'est vraiment la réponse la plus immédiate des individus aux facteurs variables de l'environnement. Mais, dès qu'on va avoir un retour à la normale, c'est sûr que très, très, très rapidement, on va avoir un repli. On va revenir à une situation qu'on connaissait auparavant".

Des chercheurs confinés...

Le confinement représente une forme de nouvelle frontière pour les animaux. Pour les chercheurs, cette situation pourrait donner lieu à de nombreux travaux. Mais comme nous l'indique Blandine Doligez "de nombreux collègues ayant mis en place des suivis de population dans les zones urbaines sont ainsi tout à fait désolés de ne pas pouvoir poursuivre leurs suivis lors de cette période Elle représente une expérience à une échelle exceptionnelle, inégalée à ce jour, sur tout un pays voire un continent. Ce qui apporterait une mine d'informations particulièrement importante et intéressante sur l'impact des activités humaines sur les populations d'oiseaux sauvages en milieu urbain...".

Sur ce même point, Jean-Michel Gaillard ajoute que si le confinement dure jusqu'en mai "on ne pourra même pas faire notre campagne de capture et de marquage (des animaux, ndlr), Ce qui serait un gros manque de suivi. On sait que c'est une période qui est certainement intéressante en théorie, mais malheureusement, il n'y aura justement personne pour faire ce suivi."

Une dernière chose : sur vos balcons et vos fenêtres, n'oubliez pas vous saisir de vos jumelles, car la faune sauvage frappe à votre porte !

KTTV FOX 11 via AP)
Archives : un ours aperçu dans un jardin de Monrovia en Californie, le 21 février 2020.KTTV FOX 11 via AP)
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