Le 12 septembre 1950, quatre copains de Montignac en Dordogne mettaient au jour un joyau de l'art pariétal. 80 ans après sa découverte, et bien qu'elle soit fermée au public depuis des décennies, les reproductions de "la chapelle Sixtine de la préhistoire" permettent d'entretenir toute sa magie.
La grotte de Lascaux célèbre ce 12 septembre le 80e anniversaire de sa découverte. A cette occasion, un sentier balisé pour restituer "l'émotion" des quatre jeunes explorateurs de ce haut lieu de la préhistoire, sera inauguré samedi à Montignac, en Dordogne dans le sud-ouest de la France. Pandémie de Covid-19 oblige, les célébrations prévues à l’origine ont dû être réduites.
Un hommage particulier sera rendu à deux personnalités décédées cette année : Simon Coencas, le plus jeune et dernier survivant des découvreurs et la peintre Monique Peytrial, qui a reproduit pendant plus de dix ans la grotte, fermée au public en 1963, pour le premier fac-similé Lascaux II.
Une découverte, fruit du hasard
La mise au jour de celle que l'on qualifie de chapelle Sixtine de l'art pariétal est le fait d'un heureux hasard, lorsqu'un adolescent de Montignac, en septembre 1940, tombe sur ce qu'il pense être un terrier situé sur une colline environnante.
Inspectant sa découverte, Marcel Ravidat a l'impression que ce trou communique avec une plus vaste cavité. Pour en avoir le cœur net, Marcel revient sur les lieux, le 12 septembre, flanqué de trois camarades venus l'épauler. Il pénètre alors dans le conduit préalablement agrandi. Ses amis, Jacques Marsal, Georges Agniel et Simon Coencas, le rejoignent ensuite.
Lors de leur exploration, les quatre copains posent les yeux sur un merveilleux bestiaire, où, par exemple, de somptueux chevaux se disputent les parois de la grotte à de non moins magnifiques taureaux.
Parcourez, vous-aussi, les moindres recoins de Lascaux, grâce à cette reproduction virtuelle :
Pensant d'abord garder le secret, ils le partagent finalement avec leur ancien instituteur Léon Laval. Ce dernier, après avoir lui aussi constaté la beauté des fresques, contacte le préhistorien et paléontologue Henri Breuil. Ce spécialiste reconnu visite lui aussi la grotte et authentifie les peintures et les gravures. Malgré la sombre période dans laquelle se trouve la France, sous le gouvernement de Vichy en pleine Seconde Guerre mondiale, la grotte de Lascaux sera classée au titre des monuments historiques en décembre 1940.
La grotte est ouverte au public en 1948. Mais ces peintures, réalisées entre 19 000 et 15 000 ans avant notre ère, pâtissent des centaines de milliers de visiteurs qui se pressent chaque année pour venir les admirer. Des signes d'altérations apparaissent en effet sur les fresques, dus en partie au dioxyde de carbone rejeté par les visiteurs. En 1963, la sanction tombe, Lascaux ferme définitivement ses portes.
Les Lascaux
Un fac-similé de la grotte, où sont présentées les principales peintures, est inauguré le 18 juillet 1983. Situé à quelques centaines de mètres de la grotte originelle, Lascaux II reproduit par exemple la fameuse "salle des Taureaux". Véritable prouesse scientifique et artistique, les auteurs de cette reproduction ont retranscrit fidèlement l'ambiance de la grotte, en respectant les aspérités des parois de la cavité et en utilisant les mêmes techniques de peinture que nos lointains ancêtres.
Mais comme son modèle, Lascaux II a subi les affres dues aux près de 10 millions de visiteurs qui sont venus la visiter depuis son ouverture. Le site a dû être fermé à plusieurs reprises pour être restauré.
En 2012, une autre reproduction est présentée au public. Mais, contrairement à la précédente l'objectif de Lascaux III est d'être itinérante. Ces panneaux démontables, présentant des répliques exactes de la Nef et du Puits, sont présentées dans un premier temps à Bordeaux. Ils traversent ensuite l'Atlantique pour être exposés entre 2013 et 2014 à Chicago, Houston et Montréal. Lascaux III a fait par la suite de nombreuses escales en Europe, en Asie et en Afrique.
Enfin, le 15 décembre 2015, est inauguré à Montignac la dernière reproduction en date. Lascaux IV, également baptisé Centre international de l'art pariétal, repose sur un fac-similé quasi-intégral de la grotte originelle, ainsi que des reproductions spécifiques des peintures les plus emblématiques telles que "La salle des Taureaux" ou "Les deux Bisons adossés". Un accent a été également mis sur l'utilisation des nouvelles technologies de l’image et du virtuel en proposant une visite interactive pour comprendre l'art pariétal et les enjeux de sa conservation.
Lascaux IV, qui avait du fermé ses portes en raison de la pandémie de Covid-19 a rouvert en juillet avec jauge réduite et précautions obligatoires. Le site qui accueillait 4 000 visiteurs par jour l'an dernier l'été (280 000 sur un an), en a reçu cet été 2 500 par jour.
Comment va aujourd'hui la grotte originelle ?
"Lascaux va bien, elle va mieux, c'est indiscutable", selon sa conservatrice Muriel Mauriac. Elle poursuit : "Depuis 2008, en plus de réduire drastiquement la présence humaine, on a choisi de ne plus avoir recours au traitement biocide pour lutter contre des taches noires, créées par des champignons. Les résultats sont plutôt encourageants. La plupart de ces taches s'estompent. Néanmoins, dans le secteur de l'Abside, elles évoluent même si c'est lentement".
Par contre, pas question d'imaginer un jour de rouvrir Lascaux. La conservatrice indique en effet que "ce ne serait pas du tout raisonnable si nous voulons transmettre la grotte aux générations futures et la préserver le plus longtemps possible. La meilleure façon de la conserver, c'est de la maintenir fermée, pour limiter l'impact de la présence humaine, la chaleur, le gaz carbonique".
"En 2019, nous avons eu 180 heures de présence humaine", poursuit la conservatrice. "A la fin de cette année, on devrait en avoir dans les 90. Plus d'une centaine de sondes contrôlent en continu la température de l'air, de la roche, le CO2. Quand les courbes sont défavorables, aucun chercheur ne rentre".
"C'est frustrant de ne pas pouvoir la visiter, mais c'est pour cela qu'existent les fac-similés de Lascaux II et Lascaux IV", conclue Muriel Mauriac.