Coup de tonnerre sur le foot européen avec la création d'une ligue fermée

Archives : Florentino Perez, le 2 avril 2019, le président du Real Madrid, l'un des principaux instigateurs de la création de la Super League,
Archives : Florentino Perez, le 2 avril 2019, le président du Real Madrid, l'un des principaux instigateurs de la création de la Super League, Tous droits réservés GABRIEL BOUYS/AFP or licensors
Par Vincent Coste avec AFP
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C'est désormais officiel. 12 grands clubs européens ont lancé leur "Super League" pour concurrencer la Ligue des champions.

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C'est un tsunami qui vient de s'abattre sur le football européen. 12 clubs du Vieux continent, et non des moindres, viennent d'officialiser leur volonté de créer la "Super League", une compétition privée et quasi fermée. Son objectif est de remplacer à court terme la Ligue des champions (C1), jugée pas assez rentable par ces clubs dissidents.

"Douze des clubs européens les plus importants annoncent avoir conclu un accord pour la création d'une nouvelle compétition, The Super League, gouvernée par ses clubs fondateurs. AC Milan, Arsenal, Atlético Madrid, Chelsea FC, FC Barcelone, Inter Milan, Juventus, Liverpool, Manchester City, Manchester United, Real Madrid et Tottenham se sont unis en tant que clubs fondateurs", peut-on lire dans un communiqué diffusé, dans la nuit ce lundi, par les sites internet de plusieurs des clubs concernés.

"La saison inaugurale (...) démarrera aussitôt que possible", indique également ce communiqué, sans fixer de calendrier précis.

Ce projet, expliquent ses promoteurs, est voué à "générer des ressources supplémentaires pour toute la pyramide du football".

"En contrepartie de leur engagement, les clubs fondateurs recevront un versement en une fois de l'ordre de 3,5 milliards d'euros destinés uniquement à des investissements en infrastructures et compenser l'impact de la crise du Covid-19", poursuit le communiqué.

Si ce chiffre est confirmé, il suppose des revenus bien supérieurs à ceux obtenus par l'UEFA, l'instance européenne du football, pour l'ensemble de ses compétitions de clubs (Ligue des champions, Ligue Europa et Supercoupe d'Europe), qui avaient généré 3,2 milliards d'euros de recettes TV en 2018-2019, avant une pandémie qui a fortement plombé le marché européen des droits sportifs.

Et ce lundi matin, un peu après 10h, l'aspect économique de cette nouvelle compétition a pris une certaine épaisseur avec l'annonce de la banque JPMorgan qui a indiqué être le grand financier de la Super League.

La présidence de la Super League est assurée par Florentino Perez, le président du Real Madrid), alors que Andrea Agnelli (président de la Juventus Turin) et Joel Glazer (co-président de Manchester United) ont été nommé Vice-présidents de cette structure.

Le format choisi par ces cadors du foot européen pour cette compétition est celui qui se pratique depuis longtemps dans le sport professionnel outre-Atlantique. A l'image de la NBA, pour le basket, ou de la NHL, pour le hockey sur glace, cette Super League sera majoritairement fermée. Les 12 clubs fondateurs, ainsi que trois autres clubs qui restent à définir, y participeront automatiquement chaque année. Cinq autres équipes seront invitées chaque année "à travers un système basé sur leur performance de la saison précédente", explique le communiqué. Il y aura donc pas de système de relégation ou de promotion.

Vers une guerre ouverte entre la Super League et l'UEFA ?

Avant même l'officialisation de la création de ce nouveau format de compétition, alors que la rumeur était de plus en plus pressante, l'UEFA avait prévenue dans un communiqué qu'elle resterait "soudée pour stopper ce projet cynique, fondé sur l'intérêt privé de quelques clubs à un moment où la société a plus que jamais besoin de solidarité."

"Nous envisagerons tous les recours possibles, à tous les niveaux, juridiques comme sportifs, afin d'empêcher cela. Le football repose sur des compétitions ouvertes et sur le mérite sportif, il ne peut en être autrement", a-t-elle poursuivi.

L'UEFA, ainsi que plusieurs championnats et fédérations (Italie, Angleterre, Espagne) cosignataires de ce texte, ont brandi la menace d'exclure tout club dissident des compétitions nationales et internationales. Les joueurs des équipes prenant part à la Super League ne pourraient plus jouer en équipe nationale, par exemple à l'Euro ou à la Coupe du monde. La Fifa a, en effet, joint sa voix pour dénoncer la création de cette compétition, la fédération internationale indiquant "désapprouver une Ligue européenne fermée et dissidente hors des structures du football".

Nous envisagerons tous les recours possibles, à tous les niveaux, juridiques comme sportifs, afin d'empêcher cela. Le football repose sur des compétitions ouvertes et sur le mérite sportif, il ne peut en être autrement
UEFA

En outre, dans son communiqué, l'UEFA a tenu à remercier "les clubs des autres pays, notamment les clubs français et allemands, qui ont refusé de signer" le projet porté par 12 des plus grandes écuries européennes. Les deux finalistes de la dernière édition de la Ligue des champions le Bayern Munich et le PSG, ne font en effet pas partie des signataires.

Cette journée risque d'offrir son lot de rebondissements. Déjà ce lundi en fin de matinée, une source proche des 12 clubs fondateurs a assuré qu'"il y aura au minimum deux clubs français chaque année dans cette compétition", sans préciser l'identité ou le mode de sélection des équipes concernées.

Le lancement de cette Super League intervient alors que l'UEFA a convoqué ce lundi matin son Comité exécutif à 9 pour entériner une refonte de sa Ligue des champions à l'horizon 2024. Cette réunion, "en mode cellule de crise" risque d'être des plus houleuses...

Un projet très largement contesté

L'UEFA a également lancé un appel à la fronde tous azimuts. "Nous en appelons aux amoureux du football, aux supporters et aux hommes politiques, pour qu'ils nous rejoignent dans notre combat contre un tel projet", a ainsi déclaré la fédération européenne dans son communiqué.

Et les réactions ne se sont pas faites attendre, et cela jusque aux sommets des Etats européens. En France, l'Elysée a indiqué que "le président de la République salue la position des clubs français de refuser de participer à un projet de super ligue européenne de football menaçant le principe de solidarité et le mérite sportif. L’Etat français appuiera toutes les démarches de la LFP, de la FFF, l’UEFA, et de la FIFA pour protéger l’intégrité des compétitions fédérales qu’elles soient nationales ou européennes".

La ministre française déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu, a, elle, dénoncé "un système sans critère sportif d'accession qui réunit un club VIP de quelques puissants représente non seulement la négation du mérite sportif mais aussi un véritable danger pour le monde du football".

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Pour le Premier ministre britannique Boris Johnson, ce projet "serait très dommageable pour le football" : "Cela frapperait en plein cœur notre football national et susciterait l'inquiétude des fans à travers le pays", a-t-il tweeté.

Le vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, a, lui, estimé que ce projet est contraire aux valeurs européennes de "diversité" et d'"inclusion".

"Nous devons défendre un modèle européen de sport fondé sur des valeurs, sur la diversité et l'inclusion. Il n'est pas question de le réserver aux quelques clubs riches et puissants qui veulent rompre les liens" avec les fédérations nationales, a expliqué Margaritis Schinas, qui est commissaire chargé de la protection du mode de vie européen, soit le portefeuille qui concerne les domaines de la culture et de l'éducation.

Rompre les liens avec ces fédérations reviendrait à renoncer à soutenir le "football amateur de base", fait aussi valoir le haut responsable de l'exécutif européen, ajoutant que "L'universalité, l'inclusion et la diversité sont des éléments clés du sport européen et de notre mode de vie européen".

Même son de cloche chez les instances organisant les championnats nationaux. Pour la Premier League qui organise le très rentable et suivi Championnat d'Angleterre, "les supporters de tout club anglais et à travers l'Europe peuvent actuellement rêver que leur équipe puisse grimper au sommet et jouer contre les meilleurs clubs". "Nous croyons que le concept de Super League détruirait ce rêve", a-t-elle estimé.

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Pour la Ligue allemande de football (DFL), "l'intérêt économique de quelques rares clubs du haut niveau en Angleterre, Italie et Espagne ne doit pas conduire à la création d'un superstructure européenne, cela serait particulièrement irresponsable et aurait un impact irréparable sur les championnats nationaux".

"Les rêves hégémoniques d’une oligarchie auront pour conséquence la disparition d’un système européen qui a permis au football un développement sans précédent sur le continent européen" ont de leur côté estimé la Fédération française de football et la Ligue professionnel de football.

Ce projet suscite également une très large opposition chez les supporteurs, et même ceux des 12 fondateurs de la Super League. Les critiques sont effectivement très vives, à l'image des réactions postées après les messages mis en ligne par les clubs qui ont annoncé leur participation à la Super League, à l'image, ci-dessus, de ce supporteur d'Arsenal.

A l'échelle du continent, chez les associations fédérant des supporteurs de nombreuses équipes européennes, le ton est le même. Fans Europe, par exemple, dénonce ainsi une action fomentée par des "clubs richissimes". Les 12 clubs à l'origine de la création de cette ligue fermée ont sans aucun doute mésestimé l'attachement des fans à la culture et à l'histoire de leur équipe.

La "pilule" ne passe pas non plus pour certains joueur. L'ancien défenseur de Manchester United et ex-international anglais Gary Neville, aujourd'hui commentateur, n'a pas mâché ses mots en apprenant l'existence de ce projet : "Je suis totalement dégoûté, c'est une honte absolue. Ce projet est le fait "d'imposteurs" uniquement motivés par "l'avidité" a-t-il également estimé.

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