De nombreux députés britanniques, de droite comme de gauche, critiquent le choix de Joe Biden de quitter l'Afghanistan dans le contexte actuel.
Avec notre correspondant à Londres Luke Hanrahan,
Le retrait américain d'Afghanistan dans un contexte de chaos et de prise de pouvoir éclair des talibans a plongé le Royaume-Uni dans le doute : la relation spéciale avec les États-Unis en a-t-elle pris un sacré coup ?
Le premier ministre britannique Boris Johnson plaidait pour une prolongation de la présence américaine au-delà du 31 août, mais n'est pas parvenu à convaincre son allié. Mais c'est plus globalement la stratégie de Washington que certains députés britanniques, y compris conservateurs, questionnent et critiquent.
"Le monde est devenu beaucoup plus dangereux, Al-Qaïda sera de retour en Afghanistan en un rien de temps", prédit Andrew Bridgen, député conservateur, pour lui la méthode employée par Joe Biden précipite le monde dans la crise. "Joe Biden a pris une décision qui a sapé la position de l'Amérique dans le monde, ainsi que sa relation avec ses alliés. Cette décision a également renforcé ses ennemis", déclare-t-il.
Il paraît loin le temps où l'ex premier ministre Tony Blair se rangeait pleinement derrière les Américains au moment d'envahir l'Irak. Londres ne cache pas sa frustration face à un allié qui semble faire cavalier seul et qui, d'après certains députés, ne tient pas ses engagements.
"Il est surprenant que Joe Biden ne soit pas revenu sur la décision de Donald Trump de quitter l'Afghanistan", tacle Harriet Harman, députée travailliste. "Ce qui est en jeu, c'est la crainte de voir le peuple afghan retourner sous la coupe du plus répressif de tous les régimes."
La guerre en Afghanistan, un sacrifice pour rien ?
En tout, 457 militaires britanniques sont morts en Afghanistan depuis 2001, quand le Royaume-Uni a choisi de se ranger aux côtés des États-Unis. Mais au sein de la classe politique britannique, gauche et droite semblent d'accord sur une chose.
"Il est clair que cela n'a pas donné une bonne image de l'alliance occidentale, de l'OTAN, du Royaume-Uni et de l'Amérique", tonne Harriet Harman, alors que le président américain avait promis lors de sa campagne électorale de rompre avec le politique unilatérale et brutale de Donald Trump, qui laissait très souvent ses alliés au pied du mur.
"Au cours des 20 dernières années, plus de 150 000 soldats, marins, aviateurs et femmes britanniques ont contribué aux opérations censées mettre l'Afghanistan sur une voie plus sûre et plus sécurisée", rappelle Luke Hanrahan, notre correspondant au Royaume-Uni. "Mais ici beaucoup se demandent maintenant à quoi a servi leur sacrifice ?"
"C'est le plus grand désastre de politique étrangère pour l'Occident de mon vivant", tacleAndrew Bridgen, député conservateur. "La politique de Donald Trump, c'était l'Amérique d'abord, et je pense que c'était quelque chose de raisonnable. Mais la politique de Joe Biden semble être l'Amérique, et seulement l'Amérique. Pour le leader du monde libre, c'est inacceptable."
L'ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui a engagé la Grande-Bretagne dans la guerre en Afghanistan en 2001 aux côtés des Etats-Unis, a critiqué samedi "l'abandon" du pays par les Occidentaux. "L'abandon de l'Afghanistan et de son peuple est tragique, dangereux et inutile, (ce n'est) ni dans leur intérêt ni dans le nôtre", a-t-il écrit dans un article mis en ligne sur le site de sa fondation.
Une perte d'influence de Londres à Washington ?
Le Royaume-Uni s'est retrouvé pris de court lorsque Joe Biden a décidé de quitter l'Afghanistan le 31 août, pour clore une boucle à quelques jours du vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001.
Mais face au chaos qui règne à l'aéroport de Kaboul, les Européens plaidaient pour une prolongation de la présence américaine au-delà de la date du 31 août. Mais alors que son pays préside actuellement le G7, le Premier ministre Boris Johnson n'est pas parvenu à infléchir la position de Joe Biden et ainsi obtenir cette prolongation.
Si la coopération avec les Américains reste étroite sur le terrain, cet épisode peut faire douter les Britanniques de cette relation privilégiée tissée par avec les Américains depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Et cette difficulté à peser sur des Américains désireux de rester maîtres de leur calendrier peut apparaître comme le signe d'une perte d'influence de Londres à Washington. Déjà affaibli par le Brexit et par les tensions qui perdurent avec l'Union européenne, le Royaume-Uni apparaît alors de plus en plus isolé sur la scène internationale.