Que se passe-t-il au Soudan ?

Un manifestant dans les rues de Khartoum (Soudan), ce lundi
Un manifestant dans les rues de Khartoum (Soudan), ce lundi Tous droits réservés -/AFP or licensors
Par Maxime Bayce avec AFP
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Alors que les autorités de transition ont été dissoutes par le général Abdel Fattah al-Burhan, que nombre de ses membres sont aux mains de l'armée, que sait-on de la situation à Khartoum ?

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Le général Burhane qui chapeaute la transition au Soudan a annoncé lundi dissoudre les autorités, dont la quasi-totalité des membres civils ont déjà été arrêtés dans ce que les pro-démocratie ont qualifié de "coup d'Etat".

La transition amorcée en 2019 après trente années de dictature semble plus que jamais compromise dans ce pays d'Afrique de l'Est. Voici ce que l'on sait après ce coup de force.

Que s'est-il passé ?

Le général Abdel Fattah al-Burhane a annoncé lundi dans une allocation à la télévision d'Etat la dissolution des autorités de transition au pouvoir dans le pays depuis la chute d'Omar el-Béchir en 2019.

Jusque-là lui-même à la tête du Conseil de souveraineté, la plus haute autorité de la transition composée de civils et de militaires, al-Burhane a répété qu'il souhaitait toujours "une transition vers un Etat civil et des élections libres en 2023", même s'il a relevé tous les dirigeants de leurs fonctions.

Outre la dissolution du gouvernement et du Conseil de souveraineté, il a annoncé le limogeage de préfets et ministres et déclaré l'état d'urgence dans tout le pays.

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Le Général Abdel Fattah al-Burhane lors de son allocution à la télévision d'Etat-/AFP

Ces événements ont eu lieu alors que la quasi-totalité des dirigeants civils de la transition sont aux mains des militaires. "La plupart des ministres et les membres civils du Conseil de souveraineté ont été arrêtés (...) par des forces militaires" avant l'aube, avait annoncé plus tôt le ministère soudanais de l'Information.

Parmi les dirigeants retenus figure le Premier ministre Abdallah Hamdok, emmené avec son épouse vers un lieu inconnu après avoir refusé de soutenir le "coup d'Etat" en cours. Le bureau du Premier ministre a affirmé dans un texte publié en milieu de journée par le ministère "faire porter l'entière responsabilité de la vie d'Abdallah Hamdok à l'armée".

"On est face à une tentative de recomposition autoritaire du champ politique soudanais. Et donc il faut comprendre à qui l’allégeance des anciens sympathisants du parti du Congrès national (l’ancien parti d’el-Bechir) peut aller ? (…) "On voit dans le discours de Burhane qu’il suspend de la charte constitutionnelle tous les articles qui précisaient la composition du cabinet des ministres de façon à ouvrir la porte à des gens liés à l’ancien régime qui seraient plutôt des "islamistes".", décrypte Roland Marchal, chercheur au CNRS et spécialiste du pays.

Tirs sur des manifestants

C'est un "coup d'Etat militaire", a rapidement affirmé l'Association des professionnels soudanais, l'un des fers de lance de la révolte de 2019.

Présents dans la rue dès lundi matin pour protester contre les arrestations, des manifestants "refusant le coup d'Etat militaire" ont essuyé des tirs "à balles réelles" des forces armées dans le centre de Khartoum, selon le ministère de l'Information. Au moins deux manifestants partisans d'un pouvoir civil ont été tués et plus de 80 autres blessés par des tirs de l'armée, a annoncé lundi un syndicat de médecins prodémocratie.

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Des manifestants dans les rues de Khartoum (Soudan), ce lundi matin-/AFP and Licensors

"La radicalisation de l’armée va répondre à la radicalisation du mouvement populaire, c’est ce que semble indiquer cette première journée. Et on peut effectivement craindre des violences", explique Roland Marchal. 

Pour le chercheur au CNRS, **"on ne revient pas pour autant deux ans en arrière car on voit que la population manifeste et ne semble pas désirer le retour d’un autoritarisme. C’est très fort. Il y a une aspiration à la démocratie qui est réelle". **

Quelles réactions ?

Emmanuel Macron a condamné lundi "avec la plus grande fermeté" la tentative de coup d'Etat au Soudan et appelé au "respect de l'intégrité du Premier ministre et des dirigeants civils".

Rapidement après les premières annonces d'arrestations, les Etats-Unis ont fait part de leur "profonde inquiétude" et menacé de réévaluer leur aide au pays, l'un des plus pauvres du monde, en cas de renversement des autorités de transition.

La Ligue arabe s'est elle aussi dite "préoccupée" par les "développements" au Soudan, tandis que l'émissaire de l'ONU dans le pays a qualifié d'"inacceptables" les arrestations.

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a appelé la communauté internationale "à remettre la transition soudanaise sur les rails".

"On voit que dans l’Afrique sahélienne, il y a une tentative prétorienne qui est très forte, que ce soit au Tchad, au Mali, en Guinée, aujourd’hui le Soudan, peut-être demain le Niger", analyse Roland Marchal.  "Il y a une inquiétude et il faut très clairement, pour éviter un retour en arrière aux années 60, rappeler aux militaires que le moment prétorien c’est terminé. Donc il faut que les occidentaux et la communauté internationale soient très durs là-dessus".

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