Dubravka Šuica : associer les citoyens aux décisions de l'UE, même hors périodes électorales

Dubravka Šuica
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Par Grégoire LoryEuronews
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Les citoyens de l'UE sont appelés à donner leur avis sur le fonctionnement de l'Union. La vice-présidente de la Commission européenne Dubravka Šuica nous en parle.

C'est un exercice de démocratie participative inédit. Depuis le mois de mai 2021 tous les citoyens de l'UE sont appelés à donner leur avis sur le projet européen dans le cadre de la Conférence sur l'avenir de l'Europe. L'objectif est de bâtir l'Union des décennies à venir. La troisième session plénière s'est tenue les 21 et 22 janvier derniers au Parlement européen à Strasbourg.

Si les participants y ont donné des idées afin d'améliorer le fonctionnement des institutions européennes, beaucoup ont fait état d'une profonde méconnaissance du processus décisionnel de l'Union, de la part des citoyens européens.

"Comment fonctionne-t-elle ? Qui y travaille ? Même dans notre propre pays, ce n'est pas un sujet largement discuté" a souligné Leverne Nijman, citoyenne venue représenter les Pays-Bas.

Pour évoquer cette Conférence, Euronews a interviewé la vice-présidente de la Commission européenne en charge de la démocratie (et de la démographie), la Croate Dubravka Suica.

Grégoire Lory, Euronews : Êtes-vous satisfaite de la mobilisation des citoyens pour cette conférence ?

Dubravka Šuica : Je suis satisfaite car nous sommes en pleine pandémie, et ce n'est pas facile de faire venir les citoyens, physiquement. Tous les événements ont été organisés à la fois physiquement et dans un format hybride, je peux donc dire que je suis satisfaite, surtout parce que nous avons, comme vous le savez, une plateforme numérique multilingue dans 24 langues européennes différentes. Cela permet aux gens de communiquer avec nous via cette plateforme numérique. Comme nous vivons à l'ère du numérique et que l'une des priorités de cette Commission européenne est l'Europe numérique, cet aspect est également très important. Ainsi, de nombreux citoyens peuvent communiquer, partager leurs idées, commenter ou organiser différents événements. En ce moment, nous avons plus de 4 millions et demi de citoyens européens qui ont interagi avec nous, ce qui, si je puis dire, est suffisant, mais ce n'est pas tout. Nous voulons toujours mieux promouvoir notre conférence sur l'avenir de l'Europe, et cela consiste aussi à inviter les citoyens à venir sur des plateformes numériques multilingues et à exprimer leurs préoccupations, leurs espoirs, leurs craintes, leurs idées, tout ce qu'ils pensent de l'Europe, de leur Europe, de notre Europe, dans laquelle ils veulent vivre et travailler.

Grégoire Lory, Euronews : Quels sont les Etats membres les plus impliqués et ceux qui pourraient faire mieux ?

Dubravka Šuica :Je pense que les Etats membres les plus actifs sont l'Allemagne, la France, la Belgique et l'Italie aussi. Je pense que la partie Est de l'Europe pourrait faire mieux. Ils ne sont peut-être pas aussi bien informés. Mais ils sont aussi plus petits, donc quand vous mettez cela en proportion, ils s'en sortent bien. Je pense qu'il est important qu'ils interagissent tous avec nous, car la raison pour laquelle nous avons organisé cette conférence sur l'Europe du futur est que nous voulions écouter les citoyens, car il ne suffit pas d'interagir avec eux tous les quatre ou cinq ans lors des élections. Nous voulons donc délibérer et voir ce qu'ils pensent.

Grégoire Lory, Euronews : Vous avez déjà un rapport intermédiaire. Qu'est ce qu'il en ressort ? Qu'est-ce que vous retenez de ces préoccupations, de ces idées, et de la volonté des citoyens ?

Dubravka Šuica :Pour moi, ce que j'ai réalisé, c'est que la plupart d'entre eux disent qu'ils ne savent pas grand-chose de l'Europe, des institutions européennes, et qu'ils manquent de programmes scolaires pour enseigner aux enfants, aux élèves, aux étudiants plus de choses sur l'Europe et les institutions européennes. Il leur manque cette identité européenne, et je pense, sans vouloir préjuger, que cela pourrait être l'une des conclusions de cette conférence. Il s'agit donc de mieux connaître l'Europe et de combler en quelque sorte ce fossé qui existe entre leurs connaissances et ce que l'Europe fait pour eux. Nous voulons donc réduire ce fossé, si possible, entre nous, décideurs politiques, et les citoyens.

Grégoire Lory, Euronews : Avons-nous une idée du profil-type de ceux qui rejoignent, participent et veulent forger cette conférence ?

Dubravka Šuica :Pour l'instant, d'après ce que je vois des résultats sur les plateformes numériques multilingues, mais ce n'est qu'un rapport intermédiaire, donc on ne peut rien prévoir à l'avance et je ne veux pas parler des résultats parce que je ne veux pas influencer les idées des citoyens puisque nous voulons les écouter, mais vous pouvez le voir sur la page web de la plateforme numérique. Il y a plus d'hommes que de femmes. Il y a également des personnes plus instruites et âgées de 19 à 40 ans, ce qui signifie qu'elles ont une meilleure connaissance du numérique. Cela signifie donc que nous devons améliorer tout cela et que le contact physique est toujours préférable. Mais comme vous le savez, comme nous vivons dans ces circonstances particulières d'Omicron en ce moment, ce n'est pas toujours facile. C'est donc ce que nous voyons pour le moment, mais cela ne veut pas dire que ce sera le résultat final.

Grégoire Lory, Euronews : Comment se sont déroulés les débats ? Certains ont été un peu houleux. Certains participants estiment qu'ils n'ont pas assez de temps ou qu'il y a trop de sujets et qu'ils ne peuvent pas dire tout ce qu'ils veulent.

Dubravka Šuica :Peut-être que certains le déplorent, mais c'est très bien organisé et c'est très équitable et correct. Tout le monde a le même temps de parole, ce qui est également très important. Tous les sujets sont ouverts, chacun peut dire ce qu'il veut. Nous sommes donc complètement ouverts, même si nous sommes divisés en différents panels, mais il y a suffisamment d'espace pour tout le monde. Bien sûr, il s'agit d'un exercice et nous réfléchissons maintenant à la manière de rendre cet exercice, si je puis dire, permanent, mais ce n'est pas encore décidé car nous pensons que nous devons intégrer la démocratie délibérative et participative dans notre processus d'élaboration des politiques dans l'Union européenne.

Grégoire Lory, Euronews : Vous avez les ressources pour organiser, communiquer, atteindre les citoyens. Mais avez-vous suffisamment de temps ?

Dubravka Šuica :Au début, il était prévu que cela dure deux ans et nous n'avons pas pu commencer à cause du confinement, comme vous le savez. Nous avons commencé l'année dernière, le jour de l'Europe, et maintenant c'est une période d'un an. Pourquoi nous arrêtons-nous cette année le 9 mai ? C'est une question qui m'a été souvent posée par les citoyens. Parce que nous avons besoin de l'autre moitié de notre mandat pour mettre en œuvre les sujets mis en avant par les citoyens, et en tirer des conclusions. Sinon, ce sera la fin du mandat et nous ne serons pas en mesure de mettre en œuvre quoi que ce soit. C'est la raison pour laquelle le travail proprement dit, pour nous les politiciens, commence le 9 mai de cette année, après avoir eu les conclusions des citoyens et les recommandations, puis nous devons commencer à travailler avec les trois institutions. C'est la première fois dans l'histoire de l'Union européenne que les trois institutions travaillent ensemble sur ce sujet et que nous avons une approche commune et il n'y a pas de vote, donc tout doit être fait dans un consensus.

Journaliste • Grégoire Lory

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