Le chef du pouvoir judiciaire iranien menace dimanche de ne faire preuve d'"aucune indulgence" vis-à-vis des manifestants après neuf jours de protestations dans tout le pays contre la mort d'une jeune femme détenue par la police des mœurs.
Le chef du pouvoir judiciaire iranien a menacé dimanche de ne faire preuve d'"aucune indulgence" vis-à-vis des manifestants après neuf jours de protestations dans tout le pays contre la mort d'une jeune femme détenue par la police des mœurs.
Le président Ebrahim Raïssi avait auparavant appelé les forces de l'ordre à agir "fermement contre ceux qui portent atteinte à la sécurité et la paix du pays et du peuple". Le chef du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei, a lui insisté sur "la nécessité d'agir sans aucune indulgence" envers les instigateurs des "émeutes", a rapporté le site Web Mizan Online.
Les manifestations ont commencé le 16 septembre, le jour du décès de Mahsa Amini arrêtée le 13 septembre à Téhéran pour "port inapproprié de vêtements" dans la République islamique où le code vestimentaire pour les femmes est strict.
Les heurts qui s’en sont suivis ont coûté la vie à 41 personnes selon un bilan officiel non détaillé, qui inclut les forces de l’ordre. Mais le bilan pourrait être plus lourd, l'ONG Iran Human Rights basée à Oslo faisant état d'au moins 54 manifestants tués. Amnesty International accuse les forces de sécurité de tirer "délibérément (...) à balles réelles sur des manifestants", appelant à une "action internationale urgente pour mettre fin à la répression".
Ces manifestations sont les plus importantes en Iran depuis celles de novembre 2019, provoquées par la hausse des prix de l'essence, en pleine crise économique, qui avaient touché une centaine de villes en Iran et été sévèrement réprimées (230 morts selon un bilan officiel, plus de 300 selon Amnesty International).
Elles sont marquées par des affrontements avec les forces de sécurité et par des slogans hostiles au pouvoir, selon médias et militants. Depuis plusieurs jours, des vidéos en ligne montrent des scènes de violence à Téhéran et dans d'autres grandes villes comme Tabriz (nord-ouest). Sur certaines, on voit les forces de sécurité tirer en direction des manifestants.
Manifestations pro-gouvernementales
Les autorités nient toute implication dans la mort de Mahsa Amini, 22 ans et originaire de la région du Kurdistan (nord-ouest). Mais depuis, des Iraniens en colère descendent tous les jours à la tombée de la nuit dans la rue pour manifester.
Dimanche, le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian a de nouveau mis en cause les Etats-Unis, ennemi juré de Téhéran, dans les troubles, accusant Washington "de s'ingérer dans les affaires iraniennes (...) et de soutenir les émeutiers de manière provocante". Depuis le début des manifestations, plus de 700 personnes ont été arrêtées dans une seule province du nord qui a communiqué sur les interpellations, mais sans doute beaucoup plus dans l'ensemble du pays. Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) basé aux Etats-Unis, 17 journalistes ont été arrêtés en Iran depuis le début des protestations.
Comme il y a deux jours, plusieurs manifestations en faveur du gouvernement ont été organisées dans plusieurs villes iraniennes, dont la plus importante a eu lieu dans la capitale, à l'appel des autorités. "Il faut mettre fin à ces émeutes car elles portent atteinte au pays", a affirmé à l'AFP Nafiseh, une Iranienne de 28 ans participant à la manifestation dimanche à Téhéran. "Des martyrs ont sacrifié leur vie pour qu'on porte le hijab." "Enlever le hijab, c'est violer la Constitution de la République islamique", a dit de son côté Atiyeh, un universitaire de 21 ans.
L'UE juge "inacceptable" l'usage "disproportionné" de la force contre les manifestants
L'Union européenne a jugé dimanche "injustifiable et inacceptable" l'usage "généralisé et disproportionné de la force" contre les manifestants en Iran, après neuf jours de protestations contre la mort d'une jeune femme détenue par la police des mœurs, qui ont fait 41 morts.
Dans une déclaration au nom de l'UE, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell condamne aussi "la décision des autorités iraniennes de restreindre drastiquement l'accès à internet et de bloquer les plateformes de messagerie instantanée" qui "constitue une violation flagrante de la liberté d'expression". Des manifestations soutenant le mouvement en Iran ont eu lieu dans plusieurs pays la veille, samedi : au Canada, aux Etats-Unis, au Chili, en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Irak, pays voisin de l'Iran.
Les ambassades iraniennes à Paris et Londres ciblées par des manifestations
A Paris dimanche, la police française a utilisé des gaz lacrymogènes pour empêcher des milliers de personnes défilant à Paris pour protester contre la répression des manifestations en Iran d'atteindre l'ambassade de la République islamique, selon des journalistes de l'Agence France Presse.
Cette deuxième manifestation consécutive en deux jours à Paris pour dénoncer la mort en détention de Mahsa Amini, a coïncidé avec un autre rassemblement tendu à Londres près de l'ambassade d'Iran. "Des manifestants ont tenté de franchir les barrages de police et jeté des projectiles sur les agents", a annoncé dans un communiqué la police britannique, qui a fait état de cinq arrestations.
Parti de la place du Trocadéro, le cortège parisien s'est dirigé vers l'ambassade d'Iran au son de slogans tels que "femme, vie, liberté !", en écho à ceux des manifestants en Iran, ou encore "France, ça suffit le silence". Les participants reprochent notamment au président français Emmanuel Macron d'avoir serré la main de son homologue iranien Ebrahim Raïssi lors de leur rencontre le 20 septembre en marge de l'assemblée générale des Nations unies à New York, portant notamment sur une relance de l'accord international sur le programme nucléaire de Téhéran.